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Critique de Bouvy


Bouvy
01 novembre 2019
Thomas Fiera, qui est toujours le gars qui donne l'impression qu'il n'en a rien à battre des autres, se retrouve, un jour sinistre, à l'enterrement d'un ancien camarade de classe, qui a passé toute sa vie dans la Banlieue Est, lieu natal de notre détective privé. Jeune, camarde de classe au lycée, ce gars était une véritable pourriture, le genre petit dur qui casse les faibles. Permis ceux-ci, il y avait Philippe Boissot, qui est présent à la cérémonie funèbre. Philippe était l'un des protégés de Fiera qui déjà, adolescent, prenait fait et cause pour les loosers et les potentielles têtes de turc des durs à cuire. Après que le macchabée fut mis en terre, Fiera raccompagna son vieil ami chez lui. Il ne comprenait pas que Philippe n'ait jamais quitté la citée mais ce dernier, bon prince, consacre sa vie à défendre les veuves et les orphelins. Fiera est chez Philippe quand une petite peste s'incruste chez Boissot en le menaçant au nom d'un certain Chérifi. C'est le dealer du quartier, une petite frappe qui se prend pour dieu. La gamine, allias Gollum, de son vrai prénom Tiffany, se la joue grosse dure. Mais Fiera, qui ne supporte pas la grossièreté (enfin, celle des autres), lui applique sa pédagogie en lui envoyant une grosse mandale au travers des gencives. La gamine rentre en promettant mille morts à notre héros et son ami Philippe. Le lendemain, Philippe est retrouvé nu et pendu par les pieds à un lampadaire, le corps horriblement mutilé. Fiera est appelé chez le commandant Vernier, son vieil ami ennemi flic qui a retrouvé la carte de visite de notre détective privé dans la bouche de la victime. Le policier sait que la cité n'aime pas les flics et qu'il faut peu de chose pour qu'elle s'enflamme. Préférant prendre ses précautions et de ne pas envenimer la situation en envoyant les poulets enquêter sur place, il demande à Thomas Fiera de le faire à la place de la gendarmerie tout en lui imposant de lui faire un rapport quotidien. Les arguments du policier obligent Fiera à accepter le deal. Fiera ne sait pas vers quoi il se dirige, il sait qu'il met les pieds dans une poudrière. Le lieu sent la corruption à plein nez, un endroit de vie vraiment pourri où, des petites frappes de quartier aux plus hautes sphères politiques, personne ne semble probe et tous les niveaux de pouvoir pourraient être impliqués. Thomas Fiera commence une enquête qui est certainement la plus sensible et la plus difficile de sa carrière…

J'ai envie de commencer par un petit coup de gueule après l'auteur. Je lui en veux ne m'avoir fait languir aussi longtemps en attendant enfin une nouvelle enquête de Thomas Fiera, mon détective privé préféré. Mais en même temps, je lui pardonne car j'ai le sentiment, en ayant dévoré ce livre, que c'est peut-être l'épisode qui fut le plus douloureux à écrire pour Jean-Baptiste Ferrero. Les racines de la trame de l'histoire sont peut-être communes avec celles de l'auteur et il pourrait bien y avoir quelques relents autobiographiques dans ce roman. Trêve de doléances (j'en ai encore deux de stock) passons à tenter de critiquer cet ouvrage. Je pense que l'une des raisons pour laquelle j'aime ce personnage, c'est que l'auteur s'identifie complètement à lui. Il lui a donné sa passion pour les chats, les jolies courbes féminines, la bonne nourriture, le café serré et les single malt tourbés. (Voilà quelques points communs que je partage avec l'auteur et son héros). Allez ! Je balance ma deuxième doléance : je trouve que si Thomas Fiera est un amateur de whiskies écossais tourbés, ceux qui sont distillés sur une petite île et qu'on nomment souvent les Islay, il ne devrait pas ne boire que du Laphroaig. Plus subtils et plus complexes, ce petit territoire d'écosse qui doit être la région du monde à posséder proportionnellement le plus grand nombre de distilleries par mètres carrés et par habitants (neuf distilleries pour plus ou moins six cent vingts kilomètres carrés et environ trois mille quatre cent soixante habitants) produit aussi les merveilleux et plus complexes en arômes que les Laphroaig, les Caol Ila, Lagavulin, Ardberg, Port Charlotte et les racés et distingués Kilchoman, sans parler des luxueux Octomore, les whiskies les plus tourbés du monde ou bien encore les Port Ellen, qui, depuis que la distillerie est fermée et reconvertie en malterie, fait malheureusement le bonheur des spéculateurs, espèce d'individus qui pour leurs profits, rendent inaccessibles ces nobles breuvages aux communs des vrais amateurs. Si j'ai l'occasion de me rendre à Paris et de rencontrer Jean-Baptiste, je lui promets de ne pas venir les mains vides mais avec un bon flacon écossais riche en tourbe et autres fragrances, choisi parmi ceux cités ci-avant. Bon, terminé ma deuxième doléance (que je trouve gentille). Je pense que Thomas Fiera est un double de Jean-Baptiste. Celui qu'il aurait aimé être. Bien sûr, les convictions du héros et celles de l'auteur sont les mêmes. C'est juste que Jean-Baptiste fait la justice avec sa plume et Fiera avec ses bras et sa fameuse équipe. J'aime les convictions profondes du héros, encore un point que je partage avec lui. Anarchiste, grand cœur, généreux, il combat l'exploiteur, les fascistes et les dogmes stupides qui vous enfoncent la tête dans l'ignorance pour mieux vous contrôler, les préjugés, les corrompus, les profiteurs… Il aime les pauvres, les petites gens, ceux qui rament pour survivre et qui ne rencontre jamais la reconnaissance de ceux qui vivent sur leur dos. C'est une sorte de chevalier blanc des temps modernes, un Don Quijote qui ne se contente pas d'attaquer des moulins mais bien tous ceux issus de l'engeance que je viens de citer. Le personnage est attachant, émouvant, tout en contraste comme l'est aussi la plume acérée de l'auteur. Les personnages secondaires, telles Manu et Adélaïde ne le sont pas moins mais aussi ceux qui ne sont pas récurrents et qui ne feront que passer dans ce tome.

J'aime particulièrement le fond, qui finalement, est très revendicateur et réclame plus de justice sociale, plus de liberté, d'égalité qui ne sont que les racines de la fraternité. Le personnage est tout en contraste, comme la plume de l'auteur qui, je pense déjà l'avoir écrit lors de précédentes critiques, cultive le contraste au rang de l'oxymore. La tendresse y côtoie la violence, l'amour affronte la haine, la justice des uns est l'injustice des autres, l'utopie de certains est la dystopies de ceux qui doivent la subir (Mais ça, c'est toujours le cas, non ?) L'auteur ne se cantonne pas bêtement d'un tracé de deux axiomes parallèles comme le font les Comics américains, le bien et le mal qui s'affrontent mais jamais ne se mélangent. Parfois, en pensant bien agir, l'effet papillon est catastrophique et les retombées sont plus navrantes que d'avoir laissé les choses en l'état. L'humour est aussi omniprésent dans ce livre. Heureusement, il allège le côté dramatique. Car nous sommes en plein drame. Trafic de drogue, prostitution d'adolescents, trafic d'êtres humains, crimes sordides et j'en passe et des meilleurs. J'aime la plume affûtée comme un ciseau. L'auteur n'écrit pas, il sculpte avec les mots, passant de l'argot aux mots rares. Les descriptions sont précises, elle deviennent des images. Il y a du Balzac, de l'Hugo mélangés à de l'Audiard et du Dard. Comme si Jean-Baptiste Ferrero avait hérité du meilleur de ses illustres prédécesseurs. Il mérite à être d'avantage connu et reconnu. Il aime aussi l'exagération. Pourquoi ne pas utilisé un bazooka quand un fusil à air comprimé aurait suffit. Ce surdimensionnement de moyen nous offre un spectacle à couper le souffle. Je ne parle même pas du charme qui est à l'opposé de la froideur à tuer des deux pétroleuses de l'équipe de Fiera. Et là, je balance ma troisième doléance. Franchement, Jean-Baptiste, avec ton talent d'écriture, quand Adélaïde entre enfin dans le lit de Thomas, tu nous la fais plus courte qu'une éjaculation précoce. Rien ! Nada ! C'est frustrant. Tu aurais pu y consacrer un chapitre croustillant, plein d'émois et qui touche au suave. On sent tant de sensualité quand Thomas boit un Laphroaig que je n'imagine même pas celle qu'il a ressenti avec la belle tueuse. Est-tu amoureux à ce point de ta belle héroïne que tu ne veux pas, par jalousie, la partager avec tes humbles lecteurs ? Attention, je spolie : «- Si j'allais mieux, tu verrais si je suis une mauviette. Elle me fit un de ses célèbres sourires carnassiers et se glissa près de moi sous les draps. - Pourquoi attendre ? On va vérifier ça tout de suite. Deux heures plus tard… » , franchement, en matière d'érotisme, Jean-Baptiste, peux mieux faire ! Ne pourrais-tu pas nous écrire un chapitre hors série, éventuellement publié sur ton excellent blog pour te faire pardonner de tes lecteurs laissés pour compte ?

Bref, trêve de plaisanterie, encore une fois, je me suis régalé à lire ce roman policier, déjanté, certes, mais qui distille des messages importants, dans cette fichue période où les électorats perdent le nord en se tournant de plus en plus vers la couleur brune, cette horrible teinte qui pourtant, dans l'histoire de l'humanité, nous a prouvé toute l'horreur dont elle est capable. Donc, je me répète, pour le style, pour le fond, pour la forme, pour le suspens, pour l'humour, franchement, foncez, n'hésitez pas à acheter ce livre, soit en version papier ou numérique, vous passerez un excellent et mémorable moment de lecture. Et si d'aventure vous ne connaissez pas Thomas Fiera et l'écriture puissante de Jean-Baptiste Ferrero, n'oubliez pas de découvrir les tomes précédents. Lu en format numérique, KINDLE chargé sur Amazon. J'espère que si Monsieur Ferrero a toujours l'intention de nous régaler avec les aventures de Thomas Fiera, qu'il ne nous fera pas languir aussi longtemps pour avoir le bonheur de le lire.
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