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Critique de Cigale17


La couverture de L'Écrivain public donne à voir un briquet décoré des armoiries du Reich allemand utilisées pendant la Deuxième Guerre mondiale, ce qui nous plonge directement dans l'époque à laquelle se déroule ce foisonnant roman policier. Dan Fesperman entraîne ses lecteurs à New York, alors que, après Pearl Harbour, les États-Unis viennent de déclarer la guerre successivement au Japon puis à l'Italie et à l'Allemagne (décembre 1941). Bloqué dans le port de New York à cause de la guerre, le très luxueux paquebot français le Normandie est détruit par un mystérieux incendie alors que les Américains l'avaient réquisitionné comme transport de troupes. Qui a mis le feu ? les sympathisants nazis ? la mafia qui tient les docks ? un ouvrier maladroit ?

Le même jour, le 9 février 1942, Woodrow Cain arrive dans cette ville qu'il ne connaît pas. Il débarque directement de sa campagne (la Caroline du Nord), il a un accent très prononcé et il ne connaît pas les codes en vigueur ici. le voilà promis au bizutage par une équipe de flics pas tous sympathiques, d'autant que le nouveau venu est, paraît-il, pistonné par un grand ponte. Et Cain a bien besoin d'aide… On comprend qu'il sort d'une sale histoire où semblent mêlés sa femme, son équipier et ? Il y a eu un mort ? des morts ? Bref, une vraie galère. Pour couronner le tout, dès l'arrivée de Cain, son chef, pas du tout bienveillant, lui impose une enquête sur un inconnu assassiné sur les docks. Qu'il se débrouille comme il peut !

Un narrateur à la troisième personne assure presque tout le récit, mais dans le prologue et dans 9 des 43 chapitres, un narrateur à la première personne prendra la parole, Maximilian Danziger, l'écrivain public éponyme du roman. Personnage original, mal fagoté, parfois mal embouché, il exerce ce métier parce qu'il parle plusieurs langues et qu'il est instruit, mais aussi (surtout ?) parce qu'il se montre plein de compassion pour tous ces migrants, souvent illettrés, qui ont besoin de lui pour leur lire les lettres qu'ils reçoivent et écrire celles qu'ils veulent envoyer. En contrepartie, il reçoit un peu d'argent (peu) et conserve dans son bureau des milliers de lettres… et de secrets. Dès 42, il est très bien renseigné sur ces effroyables convois qui circulent en Europe. J'ai adoré la différence subtile de ton et de niveau de langue quand c'est l'écrivain public qui s'exprime ! On comprend au fil de la lecture que Danziger veut dissimuler son passé. Se cache-t-il vraiment ? Que ou qui fuit-il ? On a envie de le connaître mieux dès qu'il prend la parole.

« Lorsqu'ils terminent un roman qui associe le réel et l'imaginaire, certains lecteurs se posent inévitablement la question de savoir ce qui est vrai ou pas. Dans le cas de celui-ci, beaucoup de choses le sont, notamment l'alliance contre nature que [le Service du renseignement militaire de la marine américaine] et le procureur Frank Hogan ont conclue avec la Mafia pour protéger le port de New York contre les entreprises de sabotages et les sous-marins ennemis », écrit Dan Fesperman dans sa « Note de l'auteur ». Suivent les noms de plusieurs mafieux plus ou moins célèbres que nous avons rencontrés dans le roman : Lucky Luciano, Meyer Lansky, Albert Anastasia, Socks Lanza, etc., ainsi que des avocats, des hommes d'affaires, des procureurs, etc. Même le personnage de Danziger est inspiré (librement) d'un personnage réel !

J'ai bien aimé ce roman qui m'a entraînée dans une époque trouble que je connais peu. Bien sûr, j'avais entendu parler des sympathies nazies de Charles Linberg et je m'étais un peu renseignée après avoir lu le Complot contre l'Amérique de Philip Roth. Je savais que Ford et GM avaient activement travaillé avec le IIIe Reich, même pendant la guerre, mais je ne connaissais pas les visées patriotiques de la mafia pendant le conflit ! le fond historique est donc passionnant. Aux deux-tiers du roman (ce sera mon bémol), je me suis un peu perdue dans la quantité de personnages cités, mais pas forcément développés. Pour sa part, Cain se révèle extrêmement attachant malgré ses manquements et ses maladresses. C'est aussi le cas de Danziger, que vous préférerez peut-être, comme moi, appeler familièrement Sacha. Dan Fesperman est l'auteur de 11 romans dont 3 seulement sont traduits en français. On peut vraiment se demander pourquoi…

Challenge multi-défis 2019 # 73
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