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Critique de Zebra


Né en 1821, Octave Feuillet fut un des romanciers les plus en vogue à Paris sous le Second Empire. Aujourd'hui méconnu, cet auteur -dont les succès sont quasi-introuvables en librairie- fait partie de la liste des noms que l'éditeur Taillandier a tenté de faire revivre dans sa collection Nostalgie. « Le roman d'un jeune homme pauvre », paru fin 1976 dans cette collection, s'inscrit dans la démarche de cet éditeur : faire redécouvrir le vivant témoignage d'une époque fascinante et à jamais révolue, ainsi que l'ambiance d'une société marquée par des passions éternelles pouvant déchirer les personnages mis en scène.

L'histoire ? Un jeune marquis, Maxime Odiot, doit -pour vivre (son père, récemment décédé, s'était terriblement endetté suite à de très mauvais placements en Bourse)- accepter, sous un nom d'emprunt, la place d'intendant auprès d'une riche famille bretonne, les Laroque d'Arz. Sa distinction innée et sa noblesse d'âme lui conquièrent tous les coeurs, surtout celui de Marguerite, unique héritière des Laroque. Mais des insinuations malveillantes la feront douter de Maxime et elle acceptera de se marier avec un voisin, le riche et grossier Monsieur de Bevallan, pourtant connu pour n'être qu'un coureur de jupons. Dommage : elle ignorait qu'il existait un lien (et quel lien !) entre la famille du marquis (les Champcey d'Hauterive) et celle des Laroque d'Arz ...

L'époque n'a en fait rien de fascinant et cette société vous semblera bien surannée. Surannée par ses aspects extérieurs : la femme (financièrement dépendante de son mari) doit respect, admiration et obéissance à son époux ; à la ville comme à la campagne les habitations sont dépourvues de ce que nous appellerions aujourd'hui un confort des plus sommaire ; les individus se déplacent à pied (en Bretagne, c'est en sabots) ou en diligence ; la monnaie est le liard (une pièce rouge, ornée de fleurs de lys) ; on met un costume de bain pour aller se baigner (mais peu de gens savent nager) ; on joue au whist ou au piquet ; etc.
Surannée aussi par ses passions et sa psychologie : la femme est dépeinte comme indéfinissable, insaisissable, perfide, volatile et fantaisiste ; l'homme doit se choisir une femme agréable et pourvue de qualités estimables (!) ; les êtres résistent difficilement à la tentation ; les jeunes ont la fougue de l'âge ; le coeur ne raisonne point et ne calcule point, ce qui en fait sa gloire (!) ; les hommes sont ballotés par l'existence mais restent maitres de leur destin (le fameux libre-arbitre ?) ; le travail est une loi sacrée qui rend l'homme content et serein puisqu'il lui procure la juste rémunération de son travail ; etc. Les Champcey d'Hauterive disposent d'un château situé à une demi-lieue de Grenoble (avec cour, domestiques, écuries monumentales et chevaux de prix) mais aussi d'un hôtel particulier à Paris, boulevard des Capucines ; ils vivent correctement (table délicate et raffinée, chasse et vie mondaine) et respectent les traditions. La famille est noble et fortunée. Maxime -qui a l'éducation d'un homme destiné à la richesse et à l'oisiveté- s'ennuie jusqu'au jour où il découvre Marguerite : la passion commencera alors à le dévorer. Mais, il faut garder la maitrise de ses passions et des élans de son coeur, et conserver une assurance tranquille qui donne l'apparence d'une domination et d'une certaine supériorité …

Les passions humaines sont certes dépeintes avec réalisme mais que de postures, de principes et de préjugés ! La langue est sure et empreinte de rigueur mais le langage est formaliste, ampoulé, affecté et ridicule, raide, maniéré, bourré de lieux communs et de clichés. de la fierté mais aussi de la suffisance, et à toutes les pages, avec -en prime- le paravent de l'honneur et de la probité qui cache en fait les incidents de parcours -parfois sordides- d'hommes et de femmes "ordinaires" vivant à cette époque. Une recherche d'idéalisme et une intention moralisatrice ? Une entreprise d'un autre âge et un ouvrage qu'on se dépêchera de terminer malgré de belles descriptions des paysages de la Bretagne (cf. ma citation). Allez, je me force et je mets trois étoiles à ce petit livre (222 pages), conçu comme le journal intime du fils du dernier des gentilshommes.
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