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Critique de Ys


Dressé sur un éperon rocheux sur l'âpre frontière des Pyrénées, c'est un vieux château sévère, comme fortifié contre tout ce que la vie peut avoir de léger, de souriant. Un château de conte de fées, un château de Barbe Bleue. Et le vieux baron de Caylus l'est un peu, Barbe Bleue, lui qui est venu à bout de deux jeunes et charmantes épouses, morte là d'ennui et sans doute de désespoir. Désormais, c'est sa fille, la belle Aurore, qu'il retient quasi prisonnière loin du regard des hommes.
Loin du regard des hommes, vraiment ? le jeune, le beau, l'irrésistible duc de Nevers ne serait pas de cet avis - et d'ailleurs le voici qui revient vers sa belle à grand galop, pour récupérer de ses blanches mains le bébé qu'ils ont eu tous les deux. Mais... attendez un instant ! Ces hommes à la rapière arrogante, à la moustache en croc, réunis à l'auberge du village, que font-ils là ? Ces ombres dans la nuit, ces mouvements furtifs... tout cela sent le guet apens à plein nez ! Est-ce le père indigné qui cherche à réparer l'honneur de sa fille ? Est-ce un galant jaloux ? Ou bien... un ami faux, un ami fourbe, qui pour hériter d'une grande fortune ferait n'importe quoi ? Tuer celui qu'il appelle son frère, éliminer son enfant... Ah ! Prends garde, Nevers, c'est la trahison et la mort qui t'attendent dans les fossés du château De Caylus !
La trahison, la mort, mais aussi un allié imprévu, le plus fougueux, le plus ardent de tous, un jeune chevalier à la tête un peu folle qui se fait appeler Lagardère. Et si Lagardère ne sauvera pas Nevers, il saura devenir sage, inébranlable, patient, le plus patient des hommes, pour protéger la fille et venger le père.
De Madrid à Paris, des campements gitans de la sierra aux boudoirs parfumés de la Régence, des auberges misérables aux ors du Palais Royal, par les chemins, par les rues et par les bals, bien des aventures vont advenir avant qu'il ne parvienne enfin à son but.

Côté suspense, il faut reconnaître qu'il est très fort, le père Féval, tellement fort qu'à force d'artifices narratifs et de retournements de situation, il arrive à tenir en haleine son lecteur même lorsque celui-ci, pour avoir vu un film ou deux dans son enfance, connait déjà plus ou moins la fin. Mais comment va-t-on y arriver, ça, c'est une autre paire de manches !
Côté ambiance, ses tableaux pleins de clairs-obscurs, d'ombres profondes et d'éclats de lumière, ont tout le pittoresque requis, aussi habiles à restituer le sinistre d'un vieux château de montagne que les folies décadentes de la Cour. Les dialogues sont vifs, enlevés, colorés et les personnages... bon, soyons honnêtes, la belle Aurore de Nevers est un peu trop pure et effarouchable pour me parler beaucoup, et à force d'être beau, loyal, indomptable et généreux, Lagardère serait parfaitement insipide s'il ne savait si bien se métamorphoser, se faire aussi fourbe et retors, pour parvenir à ses fins. Mais le plus enthousiasmant est indubitablement du côté des personnages secondaires.
Là, nous avons l'infâme Gonzague, certes bien peu nuancé mais tellement mauvais qu'on lui pardonne. Nous avons le beau trio tragique des trois Philippe, amis à la vie à la mort que la trahison va très tôt déchirer. Nous avons l'irrésistible duo comique des truands au grand coeur, le gascon Cocardasse et le normand Passepoil, dont chaque entrée en scène offre un sommet de truculence - et plutôt attachants avec ça. Nous avons, surtout, l'exquise dona Cruz, vive, riante, audacieuse, libre et le coeur sur la main, que pas grand chose n'effarouche. Nous avons surtout le délicieux petit marquis de Chaverny, joueur, buveur, charmeur, looser, charmant, dont les oscillations au bord du gouffre m'ont presque aussi bien captivée que l'intrigue principale et dont le mauvais esprit insolent n'a pas manqué de faire mes délices. Ces deux-là, avec leur goût de la vie, du plaisir, avec leur résolue insouciance, font un contrepied ô combien appréciable aux héros trop purs et trop ardents ! Dois-je encore dire que ce sont mes deux personnages préférés ?!
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