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Critique de MarcelP


Aussi roboratif qu'un Steak and kidney pie, le très volumineux roman de Fielding nous conte les affres désordonnées des amours d'un bâtard et de la fille d'un riche propriétaire terrien.

Sous la croûte dorée de la tourte -style irréprochable et narration magistrale- se dissimule un feuilleton picaresque englué trop souvent dans la sauce épaisse de parabases bavardes et de digressions philosophiques excessives. Autant la verdeur compacte de Joseph Andrews m'avait conquis, autant la plantureuse geste de Tom Jones m'est fréquemment tombée des mains. Heureusement la viande fade de ce récit, somme toute attendu avec ses coups de théâtres prévisibles et ses péripéties classiques, est relevée par la rognonnade d'un humour délicieusement licencieux.

Construit en trois parties symétriques, ce roman d'apprentissage nous conte l'ascension, la chute et la rédemption d'un Apollon rustique, honnête homme et candide fouteur, qui, victime de médisances et de cruels coups du sort, ne devra son salut qu'à l'imprescriptible happy end des récits moraux du XVIIIe siècle. Violemment épris de la délicieuse Sophie Western, Tom Jones se voit soumis, avant de pouvoir l'épouser, à de terribles épreuves : bannissement, emprisonnement, misère et maltraitance... Il se perd souvent dans les sentiers d'une fatalité tenace mais grâce à sa jolie gueule et à des arguments plus équivoques ce gigolo par ingénuité parvient à retrouver son chemin. Trousseur de rustiques jupons ou dénicheur d'élégants corsages, le tumescent éphèbe ne s'encombre d'aucun préjugé et accueille avec bonhomie les hommages des plus fraîches comme des plus mûres.

Souvent cocasse, toujours goguenard, Fielding -un Diderot à la mint sauce- met en scène une ribambelle de personnages (le squire rustaud, le philosophe libre penseur, le détestable cagot, l'hypocrite fielleux, l'aristocrate débauchée, la domestique versatile ou la fripouille invétérée) avec alacrité mais ses créatures demeurent des types et ne parviennent que rarement à exister. Tom Jones, lui-même, est figé dans une limpidité décevante ; ses actes et ses discours ne cherchent jamais à abuser le lecteur et ses faux pas n'entament en rien sa mièvrerie. Quant à la prude et assommante Sophie, on la rêverait en Justine !

Engoncé dans les contraintes de l'époque, l'auteur "dépoivre" son écriture au risque d'adopter un ton de prédicant -ce qu'il n'évite pas toujours- et s'il amuse, il exaspère également par sa dilection pour le convenable et la morale. C'est le pendant littéraire d'Hogarth : le rire se dilue dans l'édifiant.

Heureusement, le regard malicieux que Fielding pose sur son oeuvre en train de se faire avec ses apostrophes au lecteur, le réalisme ironique de ses portraits et la théâtralisation revendiquée de son intrigue constitue ce qui a le mieux vieilli dans ce classique de la littérature anglaise et parvient à réjouir encore. On y subodore déjà le génie à venir d'un Dickens...

Appétissant donc mais indigeste !
Lien : https://lavieerrante.over-bl..
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