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Critique de ValentinMo


Une fois la page politique tournée, Aurélie Filippetti, ex-ministre de la Culture, est retournée à ses premières amours : la littérature. "Les Idéaux" est son troisième roman, une histoire d'amour sur fond de turpitudes politiques. Entre romance et manifeste politique, Aurélie Filippetti se joue des genres et nous dévoile les coulisses du pouvoir...

Tout débute au palais Bourbon : elle est députée de gauche, lui est de droite. Tout les oppose et pourtant ces deux quadras vont clandestinement s'aimer. Elle vient du peuple et de l'Est industriel, lui de l'aristocratie et de l'Ouest résidentiel (« Ils partagent la même langue, mais ne la parlent pas de la même manière »). Il finira par entrer au gouvernement avant de s'engager dans une association humanitaire et elle, par devenir ministre de la Culture.

Il s'agit assurément d'un roman à clef dont les politiques sont si friands. Même si les protagonistes principaux ne sont nommés que par les pronoms «Elle» et «Lui», les lecteurs les plus avisés reconnaîtront sans mal le couple qu'ont formé un temps Aurélie Filippetti et le chiraquien Frédéric de Saint-Sernin, qui fut ministre de Raffarin.

Tout au long du livre, l'intrigue sentimentale s'entremêle à l'histoire politique française contemporaine mais la première partie, un tantinet longue et répétitive sur la relation entre ces deux responsables politiques de bords opposés, sert surtout de tremplin à la seconde, beaucoup plus mordante, inspirée et éclairante sur l'épreuve du pouvoir. Un éloquent dialogue sur l'engagement et l'enfermement du pouvoir se noue entre les deux amants. La narratrice, d'origine populaire et étrangère aux codes de l'élite sociale, décrit de l'intérieur une société bloquée à son sommet par une caste qui se reproduit, et des militants de terrain qui se désespèrent des reniements de la gauche au pouvoir.

Un roman qui, du Krach de 2008 aux attentats de 2015, et du sarkozysme aux années Hollande, n'est pas tendre pour la realpolitik. Tout y est : les coups bas, les manipulations, la fabrication des scandales, la lassitude des citoyens tentés par les extrêmes. En opposition, l'histoire d'amour sert de métaphore, utopique sans doute, au dialogue désintéressé, qui pourrait s'établir entre rivaux, contrariant ainsi le niveau affligeant de nos débats publics.

C'est habile sur le fond mais le roman n'est pas exempt de défaut sur la forme. Si les pages politiques sont les plus inspirées, le style sonne creux quand on verse dans la romance avec des phrases futiles type « Les kilomètres défilaient comme des chevaux au galop » ou alors quand la narratrice, traversant les salons déserts de son ministère, entend un bruit sourd, « le fantôme du peuple ».

Surtout, il est à noter que le titre ne respecte pas véritablement son contrat de départ et semble être bien plus une tentative de justification d'actions politiques passées que le récit d'une histoire d'amour compliquée. Pari plutôt réussi car Aurélie Filippeti en ressort avec une image plus précise, moins effacée, plus intéressante.

Sans renouveler le genre, « Les idéaux » reste captivant sur les arcanes de la politique et du pouvoir, à la manière de la série « le Baron Noir ». Malheureusement, le livre manque de souffle romanesque sur le coeur du récit, à savoir cette liaison impossible qui unit deux personnes que tout oppose. Au contraire, l'écriture de l'auteure – non dénuée de talent – perd en intensité et profondeur lors des rares passages où la romance prend le pas sur la politique.
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