AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de madameduberry


Il y a déjà d'excellentes et synthétiques critiques de cet ouvrage sur Babelio, la mienne sera sûrement moins précise, moins agréable à lire.C'est en effet un excellent livre, constat et analyse d'une époque soi-disant méfiante à l'égard de toute idéologie, et qui s'enveloppe de toutes sortes de protections afin de ne pas voir ce qui est visible, entendre ce qui nous est corné aux oreilles, dire ce qui devrait être dit.Cette position étant en soi-`même une idéologie, celle du politiquement correct.
Ma foi, j’ai lu ce livre qui a bien fait parler de lui, considéré comme une infâmie par certains, une indignité par d’autres, un brûlot à manier avec prudence par les plus tièdes, récupéré comme peuvent l’être les livres engagés, tordu et essoré dans tous les sens. Je me suis assise à côté du pilote dans ce rallye quelque peu risqué, mais à l’arrivée, mis à part quelques passages en effet un peu verglacés où il a fallu toute la maîtrise d’Alain Finkielkraut pour éviter une sortie de route, je constate que rien dans ce livre ne justifie le barouf qui a été fait autour, sinon l’égocentrisme bien connu des intellectuels attirés par un débat croustillant.. Barrès, d’ailleurs plusieurs fois cité et commenté par A.F., en a écrit bien d’autres et il n’y a a contrario absolument aucune violence à rechercher dans L’identité malheureuse. Au contraire on pourrait presque y trouver un excès de consensualité, à force de précautions et de clarifications, de conceptualisation intelligible et d’effort pédagogique. Tout le monde ne se donne pas tout ce mal vis-à-vis du lecteur, c’est le moins qu’on puisse dire (cf un débat récent autour du dernier et très opportuniste ouvrage d’ Olivier Todd.)
En ce qui concerne la forme donc :
Ce que j’ai apprécié, dans ce livre, outre l’intelligence, la probité intellectuelle et l’écriture cristalline (c’est déjà beaucoup, mais il y a plus), c’est la courtoisie extrême de l’auteur, qui ne prend ses lecteurs ni pour des idiots, ni pour des puits de science. Pour transposer un terme, qui a fait se gausser d’aucuns, dans un de ses chapitres, je dirai qu’A.Finkielkraut a la galanterie de s’effacer derrière notre ignorance éventuelle, et de ne pas faire tout un plat de sa culture supposée.Il nous tient la porte et presque il règle les consommations. Les citations ou références ne sont jamais des cuistreries mais des petites lumières qui balisent le chemin qu’il nous propose de parcourir en sa compagnie. Si bien que ce livre grave et sérieux a été lu par moi avec plaisir et parfois jubilation, en l’espace d’une soirée d’été. Lu, et souligné, pour y revenir. Il ne faudrait pas que la galanterie tourne à la séduction tout de même.
Pour ne donner qu'une illustration d'un des thèmes forts (éducation et transmission) J'ai été particulièrement instruite par la découverte de l'idée grecque de l'aÏdos (hélas je ne fus nourrie que de latin, pas de grec), c'est à dire "la réserve, la modestie, la pudeur qui naissent, en nous, de l'intériorisation du regard de l'autre." A ne pas confondre avec la honte, qu'on a un peu vite peut-être cru pouvoir conceptualiser de façon nouvelle à partir des écrits-très estimables- d'Annie Ernaux et Didier Eribon. L'aïdos aide l'enfant à "se situer dans l'orbe de la société des hommes", ainsi il est "soucieux de l'image visible qu'il donne de lui-même et c'est pourquoi il écoute ce qu'on lui dit".(Aristote) Entrez dans une salle de classe, n'importe laquelle, et vous comprendrez que l'aïdos n'a pas le vent en poupe.
Une conséquente bibliographie étoffe cet ouvrage pertinent au regard de la pensée et impertinent au regard de la bien- pensance.
Commenter  J’apprécie          3710



Ont apprécié cette critique (29)voir plus




{* *}