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Critique de Davjo


Dans le gros son de l’océan, Jours barbares orchestre tous les moment de grâce que son auteur a connu grâce au surf. Glisser sur l’eau, entre jouissance et effroi. Et continuer, encore et encore, jusqu’à ce que le corps se rebelle...Mais il est tout le temps conscient de la vanité de ces sensations uniques, de cette drogue dure qui a dominé sa vie. Et c’est pour ça que le livre de William Finnegan nous paraît de plus en plus sublime au fil de la lecture.
Le style est fait de longues phrases qui ramassent les souvenirs comme autant de vagues. Les décennies passent et l’auteur nous fixe dans les rouleaux de vague, dans les houles du monde entier, comme des zones intemporelles. Sa bienheureuse cachette.

Un journaliste reconnu de 65 ans remonte dans le temps.
Au commencement...Honolulu.
Au collège, le petit blanc est un souffre douleur mais la découverte et la pratique du surf domine tout. Il lui donne ses amis, Roddy Kaulukuiki et son frère Glenn le fugueur, Ford Takara le japonais mutique, Domenic Mastrippolito, le David de Michel Ange. Les corps bronzés, les cheveux blondis par le soleil.. Il est déjà à l'écart de sa famille, il dresse le portrait de son père, de sa mère. Finnegan raconte qu'un ami lui a renvoyé les lettres très longues qu'il lui avait écrites à l'âge de treize ans et il pu se nourrir de leurs détails pour son autobiographie. 

Les époques se croisent, un homme se souvient de l'enfant, de l'ado qui passe de longues heures à  nager, à déchiffrer les houles. D'un coté, les vagues, de l'autre, l'enfance, les bagarres à l'école où il faut s'imposer, les bandes, les caïds. Il parle de la violence de cette époque où les parents fessent les enfants ou les corrigent à la ceinture.

Tout d'un coup les "longboard" sont considérées comme obsolètes, les planches raccourcies - le shortboard- révolutionnent la manière de surfer.Il y a toujours Domenik  et Caryn Davidson la petite amie de ses 17 ans, la liberté sexuelle, Jimi Hendrix qui meurt cinq jours avant un concert à Rotterdam, le voyage en Europe où il se revoit, cruel, avide de mouvement, de départs, d'explorations. Et les vagues, encore et toujours, comme des personnages, les tubes « la traversée réussie de la chambre intérieure d'une vague creuse ».

Même en surfant de nuit, il a toujours retrouvé sa planche.

Dans un chapitre qu'il nomme La quête, Finnegan a quitté sa petite amie, son métier de "serre-freins" à la Southern Union (sa fierté d'avoir été cheminot), pour aller explorer le monde des mers du Sud avec Bryan di Salvatore.

Les deux hommes scrutent des cartes marines et rêvent de houles et de tubes. Les déceptions s'enchaînent. L'océan est souvent inaccessible. Il a le contact facile avec les autochtones et il réfléchit à leur condition comparée à la sienne d'Américain voyageur.

Il y a une vague secrète quelque part au milieu du livre. Ils campent au-milieu des serpents de mer (« Trois pas, le nombre de pas que tu peux faire une fois qu'il t'a mordu ») aux Fidji. Et ils vont enchaîner les vagues des jours entiers. Il décrit ça comme des shoot. Une mer transparente. Des vagues qui l'assomment, le tabasse, des falaises, des coraux qui les laissent en sang. Ils sont loin de tout, dans des îles sans téléphone où les autochtones font tout eux-mêmes. 
Ils font le serment de ne pas divulguer la position de Tavarua.

Puis c'est l'Australie (La Contrée chanceuse) et ses très bons salaires. Il fait la plonge dans un restaurant. Il explore le spot de Kirra. Bryan et lui signent leurs premiers articles pour la presse même s'ils ne s'entendent sur rien à propos du style.

Sa petite amie vient le rejoindre. Il tombe gravement malade, malaria. Il se demande s'il ne doit pas rentrer, s'il n'est pas un raté. Bryan, lui, est rentré.Mais ce n'est pas encore l'heure de rendre des comptes.
Départ en Afrique. Découverte de l'Afrique du Sud et de l'appartheid. Il est engagé comme instituteur dans une école pour noirs, sa conscience politique se réveille.
Et toujours les séries de vagues...
Retour au pays. San Francisco et Ocean Beach. 
Encore des personnages: le doc Mark Renneker, sorte de fou animé par une pulsion de mort sur lequel il écrit un article dans le New Yorker, Edwin l'Argentin, Peewee le charpentier. Les débuts de la peur face aux plus grandes vagues quand il se compare à ces têtes brûlées.
En société, dans le monde sérieux, il commence sa carrière de journaliste engagé, il écrit sur l'Afrique du Sud. Ces années-là sont compilées en quelques lignes alors que les sessions de surf s'étendent sur des pages et des pages, comme pour nous les faire vivre en temps réel. Les désillusions, quand soudain, avec son vieux copain Mark (installé à Missoula au-milieu de tous les autres écrivains), ils se rendent compte que leur vague secrète des Fidji est dévoilée au monde entier dans le magazine Surfer.

Dans les années 90, il découvre Madère avec un nouveau camarade. Encore des dangers dans les vagues, les tonnes de flotte, les bruits de tonnerre de cascade. Plusieurs fois il croit sa dernière heure arriver. On se demande si ce n'est pas ça le surf: le plaisir ultime, jouissif de filer en vitesse avec l'ombre de la mort à chaque grande vague. L'auteur aura mis tous ses forces d'écrivain pour nous communiquer, à nous simples mortels qui jamais n'avons surfé, les plaisirs et dangers de sa pratique. 
L'âge vient, la peur augmente au fur et à mesure des sessions, son corps n'a plus les mêmes réactions. 
Et en parallèle, expédiée, la vie de grand reporter dans les zones brûlantes du globe d'où il rapporte de longs articles d'immersion.

Ode au temps qui passe, à l'amitié masculine, Jours barbares m'aura emporté loin avec ravissement.

Lien : http://killing-ego.blogspot...
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