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Critique de christinebeausson


Un auteur qui m'enchante.
Un pays, la Tasmanie (1), que je rêve de découvrir parce qu'il est au bout du monde, parce que c'est une île sauvage avec une histoire complexe … le temps ne me permettra certainement pas d'accomplir ce voeu … alors paisiblement installée dans mon fauteuil, je déguste.
Un livre qui part d'une expérience vécue par l'auteur (2), pendant laquelle il a été confronté à la difficulté d'écrire la biographie d'un personnage pas vraiment recommandable, mais connu et qui voulait monnayer l'histoire de sa vie.
Il est donc question du métier de nègre, de la vision que l'on peut avoir de ce qui peut se nommer « la vérité », des rapports sociaux en général et de leurs influences sur notre existence.
Une écriture qui me ravit, qui met en avant des descriptions fantastiques de paysages que l'on découvre sans les voir, des rencontres avec des personnages complexes que nous prenons plaisir à décrypter.
Une étoile supplémentaire pour la narration d'un accouchement, scène forte décrite dans un réalisme rare et d'une grande sensibilité. L'auteur s'est expliqué sur ce sujet (3).
Petit détail croustillant à propos du titre « première personne » toujours d'après l'auteur :
« Le point de départ a été un article où Zuckerberg (le fondateur de Facebook) a dit que la vie privée n'était plus admissible comme norme sociale – que l'époque où l'on avait deux identités, l'une à la maison et l'autre au bureau, était révolue – et que dorénavant on aurait ce qu'il appelait l'« l'intégrité » d'une identité en ligne.
La volonté de supprimer la vie privée, volonté des régimes totalitaires, concrétisée dans le smartphone rangé dans votre poche arrière, est aussi celle de l'escroc avec qui j'ai travaillé jeune homme. Il cherchait à contrôler des gens en découvrant tout ce qu'il pouvait sur leur vie privée. Et le solipsisme et le narcissisme avec lesquels il manipulait ces histoires rejoignent le côté obscur de la vie contemporaine, facilité par un nouveau solipsisme, où chacun est une « première personne » sur ses comptes Instagram ou Facebook. Aujourd'hui, surtout en Amérique, on croit que le roman est redondant, que la seule littérature valable est celle des mémoires, qui sont enracinés dans l'expérience réelle et vérifiables par tout le monde. Donc, pour défendre le roman, j'ai écrit un roman sous la forme de faux mémoires d'un escroc. »


PS
On peut retrouver l'entretien avec Richard Flanagan
par Steven Sampson sur le site en-attendant-nadeau.fr


(1)
La Tasmanie vue par Richard Flanagan :
« Il y a deux faits saillants concernant la Tasmanie : elle est loin de l'Australie, et son histoire est totalement différente. Elle a toujours été la plus pauvre et la plus arriérée des États australiens. Une guerre d'extermination a été menée contre les autochtones qui n'a laissé qu'une centaine de survivants. Et, pour le premier quart de son histoire, elle était un État totalitaire avec des esclaves, des conscrits : après l'interdiction de la traite, les navires qui avaient emmené les Africains en Amérique ont commencé à transporter des Irlandais en Tasmanie. Dans l'imagination australienne, elle occupe une place semblable à celle du Mississippi pour les Américains. »

(2)
Le fond historique de mon roman d'après richard Flanagan :
« en 1990 ou 1991, quand j'essayais d'écrire un roman, j'ai reçu au milieu de la nuit un coup de fil de John Friedrich, le plus important escroc industriel australien. Il était sur le point d'être emprisonné et m'a offert dix mille dollars si j'écrivais ses mémoires en six semaines. Puis, à mi-chemin, il s'est tiré une balle : il me restait alors trois semaines pour terminer le livre tout seul. Il avait volé à peu près un milliard de dollars australiens en valeur actuelle. Il revendiquait des connections avec la CIA. Lorsqu'il s'est suicidé, j'ai dû écrire la biographie d'un homme qui ne m'avait révélé aucun élément réel de sa vie. Je l'ai fait et j'ai eu mon argent, ce qui m'a permis d'arrêter de travailler et de me concentrer sur mon premier roman.
Friedrich dirigeait un organisme appelé le National Safety Council, à ses débuts une petite structure caritative devenue en quelques années une force paramilitaire de six cents personnes ayant accès aux installations militaires, dont celle de Pine Gap, centre d'espionnage américain au milieu du désert australien où il y avait une station radar connectée au réseau de défense américain. Friedrich y a eu accès et son personnel s'occupait de la sécurité. »

(3)
« J'ai toujours eu envie de décrire une naissance : la littérature est pleine de scènes de mort, mais pas d'accouchements. Tolstoï en décrit un dans Anna Karénine, mais on n'y assiste pas. Et Knausgard le fait très bien dans son deuxième livre. Je n'en connais pas d'autres. C'est étrange ! »
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