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Critique de Kenehan


Madame Bovary est chiante !
Une opinion bien arrêtée qui m'a poursuivi la moitié de ma vie (courte certes, mais quand même...). Pourtant, d'une lecture forcée au lycée, je ne pouvais décemment pas en rester à une conclusion aussi biaisée. Ces dernières années, l'idée d'une réconciliation avec Emma Rouault/Bovary a fait son petit chemin. Longtemps j'ai rechigné, reposant le roman sur son étagère, jusqu'à qu'une fâcheuse impulsion ne s'empare de moi. le livre est resté dans ma main, un nouveau tête à tête en compagnie d'Emma pouvait commencer...

Madame Bovary est chiante !
Il serait facile de croire que le constat demeure inchangé après tant d'années. Les mêmes mots, intentionnellement répétés, mais derrière, un sens, un ressenti, une émotion toute autre ! Je n'avais jamais pardonné à Flaubert/Emma cet ennui, renforcé par l'obligation scolaire, qui transpire à chaque page. Pas plus que cette éternelle insatisfaction qui colle inlassablement à la peau d'Emma. Qu'est-ce que je pouvais être bête ! Ennui et insatisfaction… Sérieusement ?! En vérité, c'est la violence de Flaubert, sa cruauté qui, aujourd'hui encore, me reste en travers. Pour le comprendre, l'expérience devait me forger, le cycle de l'introspection être enclenché… Que ça devienne personnel, aussi.

Oh bien sûr, "Madame Bovary" est une oeuvre virulente à la plume acerbe. Personne n'est épargné, tantôt tourné en ridicule, tantôt révélé dans toute sa répugnance, tout ce "beau" petit monde passe à la loupe d'un Flaubert minutieux. le titre est trompeur et se permet d'aller toujours au-delà d'Emma Bovary, point focal autour de qui le réel prend forme dans toute sa laideur. Pas étonnant qu'elle aspire tant à un ailleurs puisé dans un imaginaire romanesque, qu'elle s'enfuit toujours plus avant vers ses rêves jusqu'à que la réalité ne la rattrape. Qu'est-ce qui l'aura détruite en fin de compte ? Ses rêves qu'elle consume sans jamais parvenir à satiété ou les retours répétés d'une réalité qui toujours la blesse ?

Madame Bovary est chiante à cause de ce qu'elle incarne. Madame Bovary est chiante pour ce qu'elle remue. Madame Bovary est chiante parce que même dans l'amour elle nous trompe. Madame Bovary est chiante car, par son entourage, elle provoque le malaise. Madame Bovary est chiante parce que ses tournures poétiques écorchent. Madame Bovary est chiante pour des tas de raisons. Et, ce n'est que dans la mort, qu'enfin, elle touche au sublime : "Il […] trempa son pouce droit dans l'huile et commença les onctions : d'abord sur les yeux, qui avaient tant convoité toutes les somptuosités terrestres ; puis sur les narines, friandes de brises tièdes et de senteurs amoureuses ; puis sur la bouche, qui s'était ouverte pour le mensonge, qui avait gémi d'orgueil et crié dans la luxure ; puis sur les mains, qui se délectaient aux contacts suaves, et enfin sur la plante des pieds, si rapides autrefois quand elle courait à l'assouvissance de ses désirs, et qui maintenant ne marcheraient plus". Madame Bovary est pardonnée.

Entre demi-mots et non-dits, jamais je n'avais à ce point passé de temps à formuler, reformuler, corriger, supprimer la transcription de mon ressenti. Flaubert est talentueux mais ça coince. Je ressors plus déprimé qu'autre chose de ce roman et ce n'est pas ce que je recherche. M'est nécessaire une possibilité de projection positive, et ce qu'importe que l'univers dépeint soit sombre ou lumineux, violent ou paisible ; quelque chose dans quoi je puisse puiser et non me vider. Flaubert retourne parmi ces auteurs qui ne me tentent pas ou plus, que je crains même pour certains, mais une interrogation subsiste : Qu'aurait écrit Flaubert de nos jours ? Que serait Madame Bovary 2.0 ?

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