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Critique de horline


Le roman de Kjartan Floøgstad n'a rien d'ordinaire, il entrecroise la petite et la grande histoire au sein d'une fresque formidable et glaçante qui traverse l'Europe du Nord, à la frontière ô combien cruciale entre la Norvège et la Russie, des années 30 à nos jours.


On peut lire ce roman historique richement documenté comme un révélateur éclatant des stratégies politiques qui, dans l'ombre des grandes tragédies de ce siècle, ont accompagné la construction de l'Europe. Décryptage de l'idéologie totalitaire nazie, mise à nu de la dialectique national-socialiste et des valeurs philosophiques associées … sur un ton didactique, l'auteur évacue avec rigueur la dimension émotionnelle de la guerre de 1939-45 pour exposer froidement voire cyniquement la conscience collective allemande de l'époque. Loin des discours humanistes, le récit est implacable, le réalisme glaçant lorsque l'auteur rapporte l'intellectualisation du génocide juif et de tous ceux considérés juridiquement malades, subversifs ou agitateurs intellectuels.
Le réalisme est tout aussi implacable lorsque l'auteur s'attarde non seulement sur l'emprise du nazisme chez les élites bourgeoises, réalisée par l'appropriation des valeurs traditionnelles, mais aussi en seconde partie sur la réinsertion des dignitaires nazis à la fin de la guerre dans la lutte contre le communisme avec la collaboration des américains sous couvert de l'OTAN. On découvre alors le pragmatisme, l'opportunisme politique et les luttes d'influence rarement évoqués en littérature, laissant l'impression saisissante finalement que la politique est la seule à porter en elle les germes de la perversion et la corruption des esprits.


On peut également lire cette fiction comme une quête spirituelle, la quête d'idéal de trois hommes, deux SS allemands et un policier norvégien, trois hommes aux convictions opposées mais réunis par la force des évènements. Trois hommes convaincus, parfois enthousiastes, parfois désabusés, mais toujours guidés par leur intransigeance morale et leur souci de vérité qui ont voulu écrire leur histoire au sein de la grande Histoire. Face à l'évolution des moeurs, des mentalités, ils découvrent au fil du temps que la vérité peut être relative se réduisant à n'être que leur vérité, et même que « les anti-utopistes ont tous une utopie secrète, un jardin d'Eden mythique ».

Pour ma part, je préfère retenir la réflexion qui transparait en filigrane dans ce récit complexe à double narration mais passionnant : celle qui déshabille avec force le fascisme de tous ses apparats et le montre tel qui il est, c'est-à-dire comme le détournement des valeurs universelles, une idéologie non naturelle construite sur le mensonge, la perversion, une rhétorique « séduisante » pour donner à l'utopie véhiculée une apparence morale…
C'est un roman déroutant dans sa construction oscillant entre étude sociologique, témoignage historique et essai au regard de la richesse de la réflexion, tant est si bien qu'on a du mal à envisager cette oeuvre comme une simple fiction, on est tenté de lui prêter une ambition autrement plus grande.


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