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Critique de Levant


La Lydia entre en rade de Saint-Hélène. L'île aux mains des anglais n'est pas encore la geôle de Napoléon. Il s'en faut de quelques années seulement. Cette escale met fin à son périple retour du Pacifique, doublant le Cap Horn et ses flots enragés. La frégate est tout juste sortie victorieuse de son affrontement avec La Natividad, un galion de cinquante canons pris aux espagnols par le révolutionnaire en guenilles qui se faisait appeler pompeusement El Supremo, et finalement coulé par elle au large du Nicaragua. Il faut dire que Horatio Hornblower est un capitaine hors pair. Sous ses ordres la Lydia s'est acharnée autour du galion comme la mangouste sur le serpent. Les Espagnols venaient de se réconcilier avec les Anglais, leur ennemi d'hier, par la nécessité de mettre fin aux appétits du petit Corse teigneux qui a mis l'Europe sens dessus dessous. Il a favorisé contre lui des alliances de circonstance, forcément contre nature.

Dans cet univers guerrier, univers d'hommes, il y a ce que Hornblower envisage comme une cargaison maudite, le clou dans sa chaussure à boucle, une menace plus redoutable à ses yeux qu'un galion ennemi de 50 canons. L'épreuve pour un capitaine taiseux qui règne en maître après Dieu sur navire et équipage : il y a une femme. Qui plus est une aristocrate. La Lydia doit ramener en Angleterre Lady Barbara. Elle a fui la contagion qui gagne l'Amérique centrale. le prince des gaillards d'avant devient le serviteur d'une passagère dont on ne lui pardonnerait jamais d'écorner l'intégrité. Confrontation des classes sociales, des sexes, des culture et condition : le diable est à bord. Plaise à Dieu de ne pas fomenter de tentation aux perspectives inenvisageables tant le cloisonnement est étanche entre classes sociales en ce tout début de XIXème siècle. le rang, la naissance commandent à la vie. Fût-il capitaine d'une frégate de sa gracieuse majesté, Hornblower est issu du peuple, un manant aux yeux d'une aristocrate.

C'est avec une écriture d'une incroyable précision que Cecil Scott Forester incorpore son lecteur à l'équipage de cette frégate anglaise de 36 canons sur un seul pont. le foisonnement des termes de marine témoigne de sa part d'une étonnante connaissance de la navigation et de la marine à voile en particulier. le lecteur est littéralement pris dans le feu de l'action dans ce combat naval d'un autre temps. Les cinq sens en alerte à craindre les paquets de mer, la canonnade et ses acres fumées, l'enchevêtrement de cordage, de toiles, d'éclats de bois avec son inévitable lot de blessures sanglantes qui en ces temps et circonstances valent autant de condamnation à mort. le mal de mer dans les brisants du cap, quand il n'y aura plus que lui, sera une sinécure après le fracas de la bataille.

L'heureux retour, premier tome de ce qui deviendra une série sous la plume de Cecil Scott Forester est surprenant de réalisme, de mise en situation du lecteur avec sa minutieuse restitution du contexte historique tant pour son environnement matériel que pour la psychologie des personnages engoncés dans leur classe sociale respective. Écriture précise, efficace que ce style sans ambages dépourvu de métaphores. Une véritable immersion historique et romanesque du lecteur dans l'univers d'un héros dont le caractère à la fois sévère et emprunté a trouvé grâce à mes yeux. A bien chercher, on trouve l'homme sous le bicorne de l'officier de marine. Je suis sûr de croiser à nouveau sa route sur les océans dans un autre ouvrage de Cecil Scott Forester. Il a fait d'Hornblower un personnage récurrent, à suivre contre vents et marées.
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