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Critique de Renatan


« Jamais je n'ai eu sous les yeux une partition aussi complexe et délicate que la membrure de Clara Werner. Son corps mérite de l'inédit, un mouvement singulier pour main seule, une main qui improvise, une main qui apprivoise »

Ça y est, je l'ai trouvé, enfin, et je le tiens entre mes mains… C'est ce que je me suis dite en découvrant ce petit livre de Fottorino, soulagée d'avoir repéré le roman qui offrirait à mes sens cette idée d'avoir déjà vécu ma vie, littéralement parlant, d'en avoir éprouvé les plus belles sensations d'amour. Et puis, au final, l'auteur n'est pas allé au seuil des émotions pures. Il s'est arrêté quelque part, alors que je croyais tenir à bout de doigts la promesse du sublime. Tout était là, pourtant. Les blessures d'une femme et les mains d'un homme, pour redonner vie à ce territoire intime et profondément fracassé.

Clara est biologiste. Elle fuira Fès, à l'âge de 23 ans, pour rejoindre l'Institut Océanique de Norvège, dans l'espoir d'une vie meilleure. Elle prendra surtout la fuite d'un mariage raté durant lequel elle sera victime de violence, de séquestration, des pires humiliations. Et son corps se souviendra, il portera les traces de la haine, du manque d'amour, d'une douleur sourde, du regret et du renoncement, aussi. Il sera en mille morceaux lorsqu'elle arrivera à Bergen, couverte d'eczéma. C'est ainsi qu'elle punira son corps du bien-être qu'il éprouve…

« J'ai l'impression que l'accordeur a repéré une trace sur mon bras. Ses mains me font peur. S'il me touche, il va s'apercevoir que mon corps est en mille morceaux. Ou qu'il n'existe pas. Et s'il réveille ma première peau, ma peau d'avant les coups de minuit, ce sera pire encore. Il verra l'empreinte de ma mère… qui ne m'a rien donné, sinon la vie…»

Lui, on le surnomme « l'accordeur de corps ». Ce qu'il accorde aussi et surtout, c'est la confiance à ceux ou celles qui l'ont perdue. du bout des doigts, il ressent le chaos sonore des corps meurtris, la souffrance palpable des tissus abîmés. Et le hasard les mettra l'un l'autre sur le même chemin. Avec ses mains aimantes et douces, il l'aidera à retrouver ce qu'elle est, à lui redonner cette part de valeur qui lui revient, en tant que femme. Il fermera les yeux, pour mieux la ressentir, pour lui faire découvrir les limites de son corps, les fissures, les traumatismes. Pour atteindre l'intérieur de ses frontières intimes. Il sera son ultime pourvoyeur de caresses. Mais il faudra beaucoup de temps pour accorder le corps d'une femme qui ne s'aime plus…

« Je suis un accordeur de corps. J'accorde les muscles et les vertèbres comme un guérisseur de piano rend leur souplesse aux cordes martelées de la table d'harmonie. C'est toute ma vie, accorder. Au fond, je ne connais pas d'oeuvre plus humaine ».

L'histoire en soi se laissait savourer, à rythme lent, jusqu'à l'arrivée d'un troisième personnage, peintre. Il posera un regard sur les souffrances de Clara, là où l'accordeur de corps y aura posé ses mains. Ce personnage n'ajoutera rien à l'histoire, sinon qu'il tentera de redonner confiance à Clara en éveillant sa beauté. Je n'ai pas saisi les motivations de l'auteur à ce sujet. Autrement, les images sont magnifiques, j'ai surligné plusieurs passages au fil de ma lecture. Certains symboles sont aussi très forts. Mais il manquait un je ne sais quoi dans l'élaboration des sentiments. Pas que je me sois attendue à des ébats amoureux à ne plus finir, mais certainement à une reconnaissance des gestes posés, en retour. C'est donc la finalité qui m'a laissée sur ma soif, toujours à l'affût d'un certain éveil chez Clara. Aussi respectueusement que ses mains caressaient son corps, jamais n'est exprimé le bien-être profond qu'elles ont sur le grain de sa peau. le territoire est fragile, certes, mais la reconstruction de l'âme est aussi possible. C'est ma seule déception…

Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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