Revenir à Medellín était comme n’en être jamais parti, comme si les années qu’il avait passées à l’étranger avaient été un rêve, et qu’au réveil la ville avait engloutit le temps.
-Plutôt mourir d’une balle que mourir de tristesse.
-On ne peut rien contre le ciel.
Il ferma les yeux pour réfléchir à la possibilité d’acheter des minutes faites de temps, de passé et de futur,des minutes à garder comme des souvenirs ou à jeter à la poubelle et à oublier complètement. Des minutes sous la main en cas de besoin, pour les utiliser à un moment urgent, pour quand la dernière minute viendra, pensa Larry.
-Au fait, mec, je t’ai souhaité la bienvenue en enfer?
On croit connaître ses parents comme eux croient vous connaitre, mais nous étions encore jeunes et manquions d’expérience pour vraiment les connaître, pour comprendre pourquoi ils faisaient ce qu’ils faisaient, pourquoi ils étaient comme ils étaient. La véritable vie de Libardo était difficilement camouflable. Il n’y avait pas moyen d’escamoter les types qui le protégeaient, ni les valises remplies de billets cachées dans la maison , ni les voitures qui changeaient tous les deux ou trois mois, ni le calibre de ses menaces, et il n’avait jamais non plus dissimulé son admiration pour Escobar.
Et j’ai vu finalement Pedro en face de moi, en train de gratter le billet avec la pointe de sa carte. Sous ma narine se trouvait mon histoire, celle de Libardo, la boîte de Pandore de ce pays, la force qui faisait mouvoir le monde. Chaque particule de cette poudre contenait une guerre, mais qui étais-je, moi, pour émettre des jugements ? Une victime ? Le bourreau ? Un exemple de morale, ou la pomme pourrie ? Tout le monde attendait pour voir si j’allais en prendre. Un fils de narco qui ne touche pas à la drogue ?
(p. 231, Chapitre 49).
Toutes ces années, tout ce temps, pour que ce soit pareil. Ou pire. Une reine de beauté qui vieillit, un frère qui a pour refuge une ferme qu’il a transformée en petit royaume, une ville où l’ histoire se répète, un pays non viable qui avance à reculons, une planète de haine et de guerres. Un père mort qui n’en finit pas de mourir, un imbécile qui tombe amoureux d’une inconnue dans un avion. Ça donne envie de vomir, de ne pas exister.
Tout ici a une justification. Les explosions, la violence, les balles, les morts… tous nos maux ont une excuse. Et du prétexte nous arrivons à la résignation, et de là à l’acceptation de tout, comme si c’était normal.
(p. 104, Chapitre 22).