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Critique de Corboland78


Franzobel (pseudonyme pour Franz Stefan Griebl), né en 1967 à Vöcklabruck, est un écrivain autrichien. Après avoir fait des études d'allemand et d'histoire et travaillé au Burgtheater de Vienne, en 1989 il se lance dans l'écriture. A ce point de folie est son tout nouveau roman.
Le 17 juin 1816, La Méduse quitte Rochefort à destination de Saint-Louis au Sénégal, embarquant 400 passagers sans compter l'équipage. Au commandement, un capitaine dont l'incompétence avérée est à l'origine du naufrage de la frégate après quelques jours de mer. Comme les chaloupes sont en trop petit nombre, 147 voyageurs sont abandonnés sur un radeau. Seuls quinze d'entre eux en réchapperont au terme de treize journées d'enfer, jalonnées de meurtres, de corps dépecés et d'ultimes stratégies de survie. L'un des rescapés, le médecin de bord Jean-Baptiste Henri Savigny, fera le récit de ce périple tragique, que le monde entier voudra connaître jusque dans ses détails les plus atroces…
Comme l'indiquait le sous-titre du roman, « d'après l'histoire du naufrage de la Méduse » et ce court résumé, A ce point de folie nous entraine dans cette folle aventure dramatique. S'il s'agit bien d'un roman, tout y est vrai aussi, les noms et les faits, comme j'ai pu le vérifier par de rapides recherches.
Je ne vais pas m'attarder plus longtemps sur l'histoire, le résumé en dit l'essentiel et le reste vous le lirez. Sachez que c'est rondement mené d'une écriture très vivante et qu'on lit ce bouquin goulûment du début jusqu'à la fin. Les personnages sont particulièrement bien campés (en particulier les officiers bouffis de suffisance et d'incompétence), les dialogues sont fort bien troussés, c'est bien documenté sur la vie à bord en ces temps-là, le texte est imagé et l'écrivain a choisi de maintenir une certaine distance entre son texte et le lecteur soit en usant de phrases telles que « Quant à nous, qui avons pour l'instant bien assez visité les entrailles crasseuses du navire, nous devrions être impatients de savoir ce qui se passait sur le gaillard d'arrière, là où se tenait le capitaine… », à moins qu'il n'y glisse des références contemporaines comme ce, « Imaginons un genre de Lino Ventura jeune. »
L'humour est aussi du voyage, « … elles jouissaient de l'attention qu'on accordait à bord à toutes les créatures féminines (depuis la figure de proue jusqu'à la chèvre embarquée, en passant par la fille du gouverneur) » et les clins d'yeux aussi, « il levait la main en signe de refus. Je préférerais ne pas. » Tout cela pour vous dire, et je voudrais insister sur ce point : certes il s'agit d'un drame, de plus historiquement avéré, mais Franzobel a pris délibérément le parti d'en parler sans appuyer sur le côté morbide et atroce des faits, tout au contraire, le texte est léger, très souvent drôle même dans les pires situations. Que ceux qui seraient effrayés, a priori, par les cadavres et le cannibalisme qu'on sait trouver dans ce livre, n'aient peur, le ton général du récit vous fera digérer (sic !) le truc.
Voilà pour la forme. Pour le fond, la question centrale du cannibalisme est posée, « Il devait manger, mais l'effroi le paralysait. Il s'accrochait à des mots comme morale, civilisation, culture, tel un noyé s'agrippe à son tronc d'arbre. » Sauf que les mots sont bien beaux quand on disserte dans un fauteuil dans son salon… Avec de ci-de là, quelques résonnances avec l'actualité et ces migrants en Méditerranée…
Un bon roman et je le répète lourdement, beaucoup moins épouvantable que certains (comme l'éditeur ?) voudraient nous le faire croire…
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