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sur 73 notes
Le fait divers est passé à la postérité grâce à l'immense toile (sept mètres sur cinq !) de Géricault exposée en bonne place au Louvre. En juillet 1816, la frégate La Méduse en route vers Saint-Louis-du-Sénégal s'échoue sur le banc d'Arguin. Les canots de sauvetage ne sont pas assez nombreux pour embarquer tous les passagers. Cent cinquante d'entre eux s'entassent sur un radeau de fortune. Tandis que le commandant Chaumareys et le gouverneur Schmaltz parviennent sains et saufs à Saint-Louis, le radeau dérive en haute mer sous un soleil de plomb. Treize jours plus tard, lorsqu'il lui est enfin porté secours, le radeau ne compte plus que quinze survivants à son bord.

C'est bizarrement un romancier autrichien qui vient revisiter cet épisode célèbre. Il le fait avec un panache qui n'a rien à envier à celui de nos plumes les plus éloquentes, en plus de cinq-cents pages qui se dévorent avec gourmandise. Franzobel est quasiment inconnu en France où un seul de ses livres avait été traduit avant celui-ci. On le suspecterait presque d'avoir pris à l'exercice trop de plaisir, devenant expert en navigation à voile et lestant sa prose de termes techniques qui en obscurcissent parfois la lecture pour qui n'a pas passé ses vacances d'été depuis l'enfance aux Glénans.

Franzobel ne résiste pas au plaisir de nous amener à bord et de nous y faire découvrir les participants de cette funeste odyssée dont on connait par avance le dramatique dénouement. L'inexpérience du capitaine, un royaliste qui n'avait jamais commandé à la mer, l'hostilité de ses seconds, bonapartistes enragés, la fatuité du gouverneur Schmaltz et de son épouse, tout semble conspirait à l'inéluctable échouement du 2 juillet.

L'auteur nous fait toucher du doigt combien l'autorité, lorsqu'elle est mal exercée peut transformer des avanies en drames. Si La Méduse avait été mieux commandée, elle ne serait pas échouée. Quand bien même elle se serait échouée, un capitaine expérimenté aurait réussi à la dégager. Il n'aurait pas pris la décision de construire un radeau trop lourd et impossible à gouverner. Et, surtout, il n'aurait jamais pris la poudre d'escampette en abandonnant ledit radeau et ses passagers à une mort certaine.

Bien sûr, on ne s'ennuie pas en compagnie de cette troupe bigarrée. Au point d'ailleurs de passer un peu trop de temps avec elle - presque la moitié du livre - avant que les choses sérieuses commencent sur le banc d'Arguin. On aurait aimé en passer un peu plus sur le radeau proprement dit et comprendre comment des naufragés désespérés en viennent à décider de se nourrir de chair humaine. C'était là le coeur du sujet - si l'on ose dire - qui explique le retentissement et la postérité du naufrage de la Méduse.

On aurait aimé également suivre les rescapés après leur sauvetage, devant la cour martiale qui se réunit à Rochefort en janvier 1817 pour juger Chaumareys. Las ! le procès est expédié en quelques pages trop courtes. Dommage...
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Titre original : ?
Titre français : A Ce Point de Folie - D'après l'Histoire du Naufrage de la Méduse
Traduction : Olivier Mannoni

ISBN : 9782081429406

Commencé sans grand empressement en raison de certains troubles de santé actuels, ce roman m'a littéralement aspirée par sa densité et son naturel. L'auteur précise qu'il ne s'agit pas d'une biographie mais d'une biographie romancée. Comme Géricault dans son inoubliable toile - plus même que le peintre puisque celui-ci se borne (et c'est largement suffisant) à nous dresser le portrait des malheureux qui périrent sur le radeau de la Méduse - Franzobel s'attache a brosser le portrait de chacun de ses héros (ou contre-héros ?) En cette dimension où une normalité déjà bien cruelle va se heurter de plein fouet à un instinct de conservation déchaîné, peut-on parler de héros ou de contre-héros ?

De lâches, en tout cas, on peut. A la courte paille, (dommage, ceux-là, on ne les mangera pas mais, d'un autre côté, ne risquions-nous pas l'empoisonnement ? ) nous tirons le capitaine de frégate Hugues Duroy de Chaumareys, quadragénaire qui a préféré émigrer pendant la Révolution et courir les tailleurs londoniens plutôt que de se battre jusqu'au bout, aux côtés d'un La Rochejaquelein par exemple, rentrer ensuite en France et y réintégrer l'administration des Douanes avant de se dire que, puisqu'un tel de ses aïeux avait fait une belle carrière dans la Royale, il se devait de suivre son exemple. Et son "ami d'enfance" - dont Chaumareys se demandera à un certain moment s'il l'a réellement connu durant l'enfance - Antoine Richeford.

Ce sont eux - le premier fut d'ailleurs condamné dans les formes par Louis XVIII - qui sont et resteront dans L Histoire les responsables, par leur incompétence, du naufrage de la Méduse, puissante frégate qui, entouré du brick L'Argus, de la corvette L'Echo et de la flûte La Loire, est chargé de rejoindre les comptoirs du Sénégal. Nous sommes en juillet 1816. Nous l'avons dit, La Méduse est un vaisseau puissant qui, bien que son capitaine n'ait plus navigué depuis l'Ancien Régime, distance assez vite les autres bâtiments. Chaumareys, royaliste à tout crin, de ceux qui n'ont "rien appris, ni rien oublié", est pompeux, arrogant et vous case des latinismes à chaque phrase. Il boit aussi, moins sans doute que son ami Richeford, mais surtout, au fond de lui, il doute de lui-même. Snob et plein de morgue, croyant que tout se règle par le nom et l'argent, au lieu de s'appuyer sur un solide trio de premiers officiers, lesquels ont à ses yeux le tort d'avoir servi Bonaparte, il en arrive à céder une bonne part de son autorité à ... Richeford, lequel se pare aussitôt du tricorne de capitaine et va accumuler erreur sur erreur.

A partir de là, si l'on fait abstraction de la façon très dure, voire impitoyable dont étaient traités les marins de l'époque, en France comme en Grande-Bretagne, et des hostilités qui, peu à peu, commencent à apparaître entre les membres des équipages et les passagers (La Méduse a, songez donc, l'honneur de transporter à Saint-Louis le futur Gouverneur des Colonies, accompagné de sa mégère d'épouse et d'une fille atteinte d'un angiome mais qui fera une "belle fin" en épousant l'un des premiers officiers bonapartistes), l'Absurdité, mais une absurdité meurtrière, et l'horreur s'installent à bord.

Incontestablement, Franzobel a du souffle, une bonne dose d'humour, noir ou pas, et la passion nécessaire au sujet on ne peut plus délicat qu'il traite. Ce sujet, ce n'est ni plus ni moins que l'abandon volontaire des plus misérables du lot sur un radeau, le fameux "Radeau de la Méduse", tout cela non par méchanceté d'ailleurs ou par mépris social : simplement parce que l'architecte du navire n'avait pas calculé le nombre exact de canots de sauvetage nécessaires ! Si le naufrage de la Méduse, était inévitable parce que Chaumareys a préféré se rendre aux "avis bacchiques" de Richeford, lequel ne connaissait rien à la Marine, que suivre les conseils éclairés de ses officiers, la tragédie des canots de sauvetage d'abord, puis celle du radeau en devenaient quasi obligatoires. Certes, à peu de choses près, les canots de sauvetage arriveront à St Louis avec le nombre de passagers qu'ils transportaient au départ. Mais, sur les cent quarante-sept laissés pour compte du radeau, seuls cinq survivront dont la majorité s'abîmera ensuite dans la Mort ou dans la folie. A deux exceptions près, le jeune Victor, qui avait voulu voir du pays, mais qui sera tout heureux, après l'horrible expérience de la Méduse, de rentrer dans des foyers confortables. Et le docteur Jean-Baptiste-Marie Savigny, second médecin sur La Méduse, personnage parfois très ambigu avec son obsession d'anatomiste, mais qui aura au moins le courage, revenu à terre, de rédiger une brochure sur les sinistres vérités du naufrage de la Méduse et les atrocités accomplies sur le radeau. Menacé de toutes parts, il maintiendra ses dires, brisera sa carrière dans la marine mais c'est grâce à lui qu'un certain Théodore Géricault aura vent de l'affaire et imaginera son inoubliable toile - laquelle n'eut pas l'heur de plaire à Louis XVIII. Peu importe, puisqu'elle figurera un jour en bonne place, auprès du Sacre de Napoléon Ier de David.

Signalons que, dès le début, la sinistre silhouette du maître-coq, Gaines, qui poursuit le jeune Victor de sa brutalité et de sa concupiscence, pourra apparaître comme la personnification du Mal à l'état pur, infiltré bien sûr sur le radeau où la Mort, une mort horrible, l'attend avec patience et probablement un profond dégoût. On peut y voir un "double", moins grossier et assurément méphistophélique, dans le personnage de Griffon.

Que dire de plus ? Sinon : lisez "A Ce Point de Folie" de Franzobel, auteur autrichien controversé, dit-on - on peut comprendre pourquoi - mais qui, comme Savigny, a au moins le mérite d'aller jusqu'au bout de ses convictions d'écrivain. Et aller au bout de ses convictions, ce n'est pas toujours facile, surtout avec un sujet tel que celui de la Méduse qui vous écrase brutalement la question en pleine figure :

- "Et vous, mes bons amis ? Pendant ces treize jours sur le radeau, sans aucun espoir, sans eau, sans nourriture, avec le soleil au-dessus de vous et les requins autour ... qu'eussiez-vous fait ?" ;o)
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Encore un de ces romans qui veulent en mettre plein la vue aux petits lecteurs d'un niveau intellectuel et culturel médiocre.
Je ne prendrai pas la peine d'en relever toutes les faiblesses , nombreuses, toutes les carences, toutes les facilités, et tous les anachronismes.
J'y ajoute le manque de psychologie acerbe de la part d'un peintre littéraire qui veut donner à voir mais aussi à penser. C'est raté et on ne s'improvise pas romancier de génie quand on fait du surf sur les vagues dolentes d'une mer en détresse
Quant aux cannibales et la peur d'être mangés - que le lecteur avide d'aventures véritables et grandioses lise alors l'irremplaçable Voyage en terre de Bresil de Jean de Léry, récit d'un véritable voyage en 1555... On y retrouve les membres de l'équipage, et bien d'autres choses, une ambiance à couper le souffle, les moeurs des sauvages, le retour pas facile sur un frêle voilier...
Je suppose que Jean de Léry a dû inspirer l'auteur de cette petite chose insignifiante.

Alors si vous souhaitez lire une sorte de roman - plutôt un récit - qui sera lui, aux confins de l'imagination et de l'insoutenable, avec une fine analyse de la psyché humaine, courez acheter ce bouquin.

Je doute fort que À ce point de folie soit encore lu en 2555... Voire en 2025.
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Suite au partenariat avec Babelio, je les remercie ainsi que la maison d'édition Flammarion pour la lecture de ce roman.

Qui n'a jamais entendu parler du radeau de la méduse ? Un lointain souvenir ou au contraire une vérité qui fait mal d'imaginer ce qui a pu se produire. le 18 juillet 1816, l'Argus trouve une embarcation bancale avec à son bord des survivants du naufrage de ce navire : la Méduse. une quinzaine d'hommes et de femmes, enfin qui y ressemblaient bien avant d'être découvert. Les conditions ont été terribles durant les treize jours entre le naufrage et leur retour à la civilisation. Si certains ont réussi à s'en sortir, non sans avoir perdu un peu de leur esprit, d'autres n'ont pas survécu malgré les soins reçus. Nous suivons Savigny, médecin de bord et Osée, matelot durant quelques temps après leur retour en France. Puis le retour sur le navire, au moment du départ. Ce moment où tous les passagers, matelots, hommes d'armée partent pour trois semaines de voyage vers le Sénégal. Ce moment où personne ne prend conscience que ce lieu est dangereux, autant parce que les mousses risquent gros, mais surtout avec la mer qui peut se déchainer à n'importe quel moment.

Bien entendu ce livre n'est pas le récit typique de ce qui est arrivé, mais de ce qui aurait pu se produire à bord. À cette époque, au temps des rois, chacun doit rester à sa place. Pourtant, sur ce navire, les grades ne restent pas forcément en l'état. La bourgeoisie n'est pas isolée comme elle le voudrait, je pense à la famille Picard, par exemple. Victor, celui dont Osée ne cesse de dire son prénom depuis son retour sur la terre ferme, nous le suivons. Ce petit devient un souffre-douleur, pourtant il arrive à s'en sortir de situations plutôt dramatique. Tentatives de viols, tentatives de pertes de peau par la cuisinière chauffée... Et puis il y a cette vie sur ce rafiot, La Méduse continue son bonhomme de chemin, emportant avec elle les passagers qui ne voient rien. Les tracas sont les mêmes qu'à terre, mais en ayant moins de place, moins d'intimité. Les relations sont exacerbées, les besoins deviennent terre à terre. Les rancoeurs sont tenaces, la vie devient plus difficile. Et c'est là que tout prend l'eau. Les trous se forment, les seaux arrivent mais c'est trop tard.

L'histoire de ce navire qui s'est perdu en route, c'est le récit de bon nombre de passagers qui ont tenté de survivre à des éléments indépendant de leur volonté, mais pas uniquement. Les désaccords se suivent tant que les personnages sont ensemble. La rancune est tenace et les esprits vont commencer à sombrer. Essayer de ne pas s'attacher à eux est difficile, ne pas les haïr ou ne pas les adorer devient un problème. L'auteur donne assez de détails sur chacun pour imaginer sa vie avant de mettre un pied sur La Méduse, jusqu'à ce qu'il remette le pied sur terre, s'il survit. Car c'est bien le hic, sur le nombre impressionnant, on se retrouve dans la même position que le Titanic. Trop de monde, pas assez d'embarcations en cas de naufrage, un bateau qui se fracasse au pire moment. Qui doit vivre ? Qui doit mourir ? Les éléments se déchainent, les requins font leur apparition.

Les personnages sont nombreux. Nous les suivons, découvrant le pourquoi ils sont sur ce navire. Arétéé Schmaltz, fille du gouverneur qui recherche un médecin pouvant effacer la tache de vin qui lui couvre la moitié du visage. Victor qui fuit, Osée qui aime cette vie depuis ces 6 ans, la Reine qui se veut tout puissante, et tous les autres qu'on a envie soit de torturer, soit de les protéger. Rien n'est simple. Ceux qui meurent se demandent pourquoi eux non pas pu être sur un rafiot. Ceux qui y sont se demandent comment survivre sans nourriture, avec de simples tonneaux de vins. L'esprit humain est complexe. Vouloir survivre pour retrouver ses proches, ses amis, sa famille, oui, mais à quel prix ? Qui serait capable de continuer en devenant autre chose qu'un être humain ? L'animal en nous semble prendre vie et nous faire oublier qui nous sommes : des gens civilisés. La plupart du temps.

C'est un conflit permanent entre ce que l'on veut et ce que l'on doit faire. Les personnages ne cessent de retrouver un peu de lucidité, mais, car il y a un mais, initialement certains ne sont pas "corrects". Ils préfèrent s'amuser aux dépends des autres. Il est question de Bonaparte également qui pourrait peut-être aider, à moins que le fait d'écrire ce qui s'est produit ne dérange ? L'humour souvent noir de l'auteur est parfait à mes yeux. C'est ce type d'humour que je préfère, plus dans le sombre, le glauque qui fait rire, pour éviter de s'apitoyer sur le sort de ses hommes et femmes qui vont y passer, autant le dire. Un naufrage à cette époque, des personnages qui ne sont pas tous d'accord, forcément il va y avoir des moments où il faut trancher dans le vif !

En conclusion, c'est un récit qui permet de nous poser des questions. La principale étant de savoir si nous aurions agit de la même façon que certains. Survivre dans de telles conditions, aurions-nous laissé la faim nous envahir ou la folie prendre le pas sur notre corps ? Sacrifice, amitié, dénigrement, les mutineries si infimes quelles soient auraient pu être le bon déclencheur pour tous les sauver. Aller jusqu'au fond des choses comme le doc, fouiner dans les cerveaux, dans les entrailles, ça il sait le faire. Un dernier point, on sait enfin ce qui est arrivé à ce fameux Victor, c'est un soulagement de savoir s'il a survécu ou non a cette folle épopée.

http://chroniqueslivresques.eklablog.com/a-ce-point-de-folie-franzobel-a148464850
Lien : http://chroniqueslivresques...
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Un roman passionnant sur le naufrage de la Méduse.
Nous suivons le départ de la Méduse et de tous ses passagés à destination de l'Afrique. Il y a beaucoup de personnages à suivre alors ce n'est pas toujours très simple mais au fur et à mesure de la traversée nous arrivions à nous faire une image et à comprendre le désastre vers lequel la Méduse se dirige...lorsque le bateau heurte le banc d'Arguin nous suivons alors les différents canots de sauvetages ainsi que la radeau (bien sûr il n'y avait pas assez de canots pour tut le monde, cela rappelle quelque chose non ?)...
Un désastre humain, les survivants seront marqués à tout jamais.
Une photographie d'une époque, un condensé de la société d'après Napoléon et pourtant on s'y retrouverait presque aujourd'hui...
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L'histoire tristement célèbre du vaisseau qui sera surtout connu pour son naufrage et pour avoir donné le radeau de la méduse.

L'auteur nous plonge dans une réflexion sur les dégâts potentiels d'une autorité maladroite, démontrant comment elle peut métamorphoser des inconvénients en drames poignants. Si La Méduse avait bénéficié d'une direction plus habile, son échouement aurait pu être évité. Même en cas d'échec, un capitaine expérimenté aurait su manoeuvrer pour la libérer sans avoir à construire un radeau trop massif et ingouvernable. Surtout, il n'aurait jamais abandonné le radeau et ses occupants, les condamnant ainsi à une fin inévitable.

Ce sujet explore ni plus ni moins que l'abandon délibéré des plus vulnérables, laissés à la merci d'un radeau. Parmi les cent quarante-sept oubliés, seuls cinq survivront, la majorité plongeant ensuite dans la Mort ou dans la folie. Comment réagir autrement lorsqu'on est égaré au coeur de l'océan, privé d'eau et de nourriture ? (Spoiler : le récit traitera notamment du cannibalisme).

Alors oui c'est un voyage, un voyage long, sombre ou l'humidité ne nous quitte jamais et ou la faim nous rattrape. Mais malgré tout cela l'auteur ne surjoue pas. On ne tombe pas dans le gore juste pour le plaisir… En vérité on trouve même une certaine touche d'humour, un peu sombre quand même, tout au long de l'histoire.
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On connaît tous le tableau de Gericault exposé au Louvre mais personnellement je ne connaissais pas l'histoire exacte de ce bateau La Méduse , échouée sur un banc de sable près des côtes du Sénégal .
Le style est agréable et l'auteur s'est surtout très bien documentée. Ici sont décrit ce début du XIX Siècle au lendemain de Waterloo , la France est divisée, la révolution n'est pas loin . Ces nobles arrogants , vivent dans un monde à mille lieues des soucis des pauvres gens . Ils sont intouchables , et surtout incompétents , c'est ce qui mènera le bateau à sa perte . L'histoire paraît irréelle tant c'est une honte dans l'histoire de l'humanité. Des hommes ont abandonné à une morte lente mais certaine 148 hommes et une femme . Tandis que les plus riches trouvent une place dans une des trop rare chaloupe , les soldats , les mousses les marins se retrouvent sur ce radeau impossible à diriger . On promet de les tracter avec une corde mais devant la difficulté on coupe cette corde et c'est la dérive de 13 jours , il n'en restera que 15 . Et on atteint la ce point de folie .
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c'est un roman classique, riche et très bien construit. Il commence par l'évocation de deux survivants du radeau de la Méduse: le médecin de bord, amaigri, affamé, qui va dénoncer ce qui a pu se passer à bord, et un marin devenu fou, qui évoque Shakespeare (dont on apprendra que c'est son perroquet) et qui réclame Victor (un jeune homme qui a beaucoup souffert de ce voyage). Pour la suite du roman, un retour en arrière nous relate tout le voyage de la Méduse à destination du Sénégal, depuis le départ de Rochefort jusqu'au moment où le navire s'échoue sur un banc de sable, puis les longs jours où passagers mis dans des chaloupes... ou sur un radeau construit de bric et de broc, selon leur rang social, vont tacher de survivre. Des scènes difficiles de violence et de cannibalisme sont relatées... mais la violence était déjà présente à bord bien avant le naufrage: le cuisinier brute avec son aide, l'homme fouetté à mort pour l'exemple, l'incompétence avérée d'un capitaine pistonné et influençable, qui refuse d'écouter ses hommes pour ne pas remettre en cause son pouvoir... on a une représentation de la société française post révolution: ceux qui se réclament des Lumières et aspirent à une république face à ceux qui veulent garder leur richesse et leur privilèges. C'est un roman fait pour choquer, certes, mais bien actuel dans les problématiques qu'il soulève. L'auteur s'amuse par moments à faire des parallèles avec le Titanic et le regard des riches sur les pauvres (les migrants)n'a pas tant évolué depuis le 19e siècle...
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«Le Radeau de la Méduse », immense toile de Théodore Géricault inspirée par un drame de l'actualité, ne peut manquer d'influencer toute notre lecture de Franzobel. L'ancien régime a volé en éclats avec ses têtes et ses valeurs. La légende napoléonienne a disloqué l'Europe, enfiévré les esprits. La chute du dernier conquérant épique désespère les énergies, déchire les rêves de gloire, exacerbe les antagonismes. En ce début de siècle, les plus intrépides s'embarquent pour des contrées exotiques comme l'Afrique. Les artistes cherchent en eux des motifs d'exaltation ou de simples raisons de vivre. La peinture romantique de la Méduse instaure un espace romanesque où se déploie la tempête des sentiments, le tableau semble se construire sur une dynamique émotive chargée de discipliner la violence illimitée des mouvements internes. L'artiste n'a placé qu'une mince bande d'un ciel tourmenté de nuages en accord avec la sinistre mêlée des anatomies. Là des corps s'accumulent en deux pyramides humaines : renoncement, avachissement et mort au fond de l'embarcation, élancement et espoir de salut à sa tête.


Il aurait fallu sans doute de la démesure et bien d'autres moyens littéraires pour reprendre ce flambeau là et tenter de peindre, d'actualiser l'enchevêtrement des destins, des conditions, des aspirations. La bien trop prudente tentative de Franzobel n'est pas sans intérêt mais elle semble manquer irrémédiablement sa cible. Certes, on lira sans déplaisir un roman de mer de plus et on découvrira les détails sordides de l'histoire d'un vrai naufrage et d'un authentique tableau. Dans ces pages, il ne manque pas une voile, pas un cordage à la Méduse en partance pour le Sénégal ; l'accastillage est au complet et les termes de marine dépaysants ; les matelots sont dans les haubans et les officiers président à d'obscures manoeuvres. Sous le vent, les personnages historiques se mêlent aux personnages de fiction, ils se meuvent malheureusement dans un monde simpliste, un monde en bonnes et bien épaisses tranches napolitaines. le pouvoir est aux royalistes sur le pont, au très incompétent et très faible commandant Hugues Duroy de Chaumareys, à son fabulateur ami Richeford, au très suffisant gouverneur Julien-Désiré Schaltz, au commandant du contingent Paulin Etienne d'Anglas de Praviel. La compétence aux ordres est aux mains des bourgeois républicains et bonapartistes du navire, aux officiers tels que Reynaud le second, Savigny le savant médecin de bord ; aux experts tels que Corrérard l'ironique ingénieur, Griffon le froid administrateur ; aux commerçants Picard et consorts. La plèbe des matelots, des mousses et des militaires du rang enfin, semble dans la cale n'écouter que ses délétères pulsions qu'il conviendrait urgemment d'endiguer. Heureusement, il y a quelques goûteux raisins de Corinthe dans cette dernière tranche, de rares raisins sans lesquels la petite cuillère nous resterait dans la bouche et le livre nous tomberait irrémédiablement des mains. Victor, le mousse fugueur, martyrisé par le chef cuisinier Gaines et son aide Clutterbucket, protégé par le matelot Osée Thomas, particularise et humanise un peu le récit.


Franzobel introduit lourdement de nombreux anachronismes dans son roman (rayons UV, cancer de la peau, changement climatique, contrôle de sécurité, syndicats, travail d'enfant, etc.). Il semble craindre que des liens ne s'établissent pas avec l'histoire présente. L'anomie qui découle du manque de régulation de la société sur l'individu, c'est entendu, est le sujet de ce livre, la préoccupation centrale de l'auteur. le recul des valeurs sur la Méduse, puis s'accélérant sur le radeau, conduit à la diminution et à la destruction de l'ordre social : les lois et les règles ne peuvent plus garantir la régulation sociale et l'impensable implacablement surgit. Rien là, qu'après Emile Durkheim, nous ne sachions déjà. « La politique est la grande génératrice et la littérature la grande particularisatrice, et elles sont dans une relation non seulement d'inversion mais aussi d'antagonisme… Quand on généralise la souffrance, on a le communisme. Quand on particularise la souffrance, on a la littérature. » Nous attendions, comme le suggère Philip Roth, que Franzobel dise autre chose, dise d'avantage et différemment que la sociologie. Sur le navire les violences sont coutumières, omniprésentes. C'est la brutalité des supérieurs sur les subalternes d'une société de punition et la flagellation jusqu'à la mort du matelot Prust ; c'est la supériorité du fort sur le faible et le supplice de Victor dans la cambuse ; c'est l'optimisation des chances de survie et le sacrifice des malades sur le radeau ; c'est enfin la condamnation pour vol de nourriture d'une microsociété de surveillance et le meurtre perpétué sur deux jeunes ouvriers … La philosophie à la petite semaine sur la soi-disant nature humaine, la misanthropie latente et le regard surplombant du narrateur semblent dominer ce récit et servir d'explication. Cela nous parait grandement insuffisant. Nous aurions aimé pénétrer d'avantage les personnages, saisir de l'intérieur leurs revirements incessants, leurs passages de la soumission à la révolte ; comprendre leurs acceptations successives de la punition, puis de la surveillance, puis du calcul utilitaire. Nous aurions aimé sonder les coeurs, les reins, les têtes de ces anti-héros ordinaires, comprendre les failles, les déchirures et les indicibles peurs à l'oeuvre dans ce drame. Ce roman de l'anomie en pleine mer sans aucun doute reste à écrire.
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Franzobel (pseudonyme pour Franz Stefan Griebl), né en 1967 à Vöcklabruck, est un écrivain autrichien. Après avoir fait des études d'allemand et d'histoire et travaillé au Burgtheater de Vienne, en 1989 il se lance dans l'écriture. A ce point de folie est son tout nouveau roman.
Le 17 juin 1816, La Méduse quitte Rochefort à destination de Saint-Louis au Sénégal, embarquant 400 passagers sans compter l'équipage. Au commandement, un capitaine dont l'incompétence avérée est à l'origine du naufrage de la frégate après quelques jours de mer. Comme les chaloupes sont en trop petit nombre, 147 voyageurs sont abandonnés sur un radeau. Seuls quinze d'entre eux en réchapperont au terme de treize journées d'enfer, jalonnées de meurtres, de corps dépecés et d'ultimes stratégies de survie. L'un des rescapés, le médecin de bord Jean-Baptiste Henri Savigny, fera le récit de ce périple tragique, que le monde entier voudra connaître jusque dans ses détails les plus atroces…
Comme l'indiquait le sous-titre du roman, « d'après l'histoire du naufrage de la Méduse » et ce court résumé, A ce point de folie nous entraine dans cette folle aventure dramatique. S'il s'agit bien d'un roman, tout y est vrai aussi, les noms et les faits, comme j'ai pu le vérifier par de rapides recherches.
Je ne vais pas m'attarder plus longtemps sur l'histoire, le résumé en dit l'essentiel et le reste vous le lirez. Sachez que c'est rondement mené d'une écriture très vivante et qu'on lit ce bouquin goulûment du début jusqu'à la fin. Les personnages sont particulièrement bien campés (en particulier les officiers bouffis de suffisance et d'incompétence), les dialogues sont fort bien troussés, c'est bien documenté sur la vie à bord en ces temps-là, le texte est imagé et l'écrivain a choisi de maintenir une certaine distance entre son texte et le lecteur soit en usant de phrases telles que « Quant à nous, qui avons pour l'instant bien assez visité les entrailles crasseuses du navire, nous devrions être impatients de savoir ce qui se passait sur le gaillard d'arrière, là où se tenait le capitaine… », à moins qu'il n'y glisse des références contemporaines comme ce, « Imaginons un genre de Lino Ventura jeune. »
L'humour est aussi du voyage, « … elles jouissaient de l'attention qu'on accordait à bord à toutes les créatures féminines (depuis la figure de proue jusqu'à la chèvre embarquée, en passant par la fille du gouverneur) » et les clins d'yeux aussi, « il levait la main en signe de refus. Je préférerais ne pas. » Tout cela pour vous dire, et je voudrais insister sur ce point : certes il s'agit d'un drame, de plus historiquement avéré, mais Franzobel a pris délibérément le parti d'en parler sans appuyer sur le côté morbide et atroce des faits, tout au contraire, le texte est léger, très souvent drôle même dans les pires situations. Que ceux qui seraient effrayés, a priori, par les cadavres et le cannibalisme qu'on sait trouver dans ce livre, n'aient peur, le ton général du récit vous fera digérer (sic !) le truc.
Voilà pour la forme. Pour le fond, la question centrale du cannibalisme est posée, « Il devait manger, mais l'effroi le paralysait. Il s'accrochait à des mots comme morale, civilisation, culture, tel un noyé s'agrippe à son tronc d'arbre. » Sauf que les mots sont bien beaux quand on disserte dans un fauteuil dans son salon… Avec de ci-de là, quelques résonnances avec l'actualité et ces migrants en Méditerranée…
Un bon roman et je le répète lourdement, beaucoup moins épouvantable que certains (comme l'éditeur ?) voudraient nous le faire croire…
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