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27 décembre 2011
Pour débattre d'une situation sociale, il convient de commencer par aller au fond des choses, mettre en sens les réalités si mal décrites, puis argumenter sur ce que nous souhaitons. Dire oui à un projet d'espoir.

Puis, reste, bien sûr, le nécessaire travail d'annihilation, pas à pas, des évidences qui n'en sont pas, des mensonges intéressés, des arnaques intellectuelles et des « il n'y a pas d'autres solutions » sans oublier le refus concret de la (contre)réforme.



« C'est seulement à partir du rappel du mouvement qui a conduit au système de retraite actuel et à sa réussite, tant politique qu'économique, qu'on peut comprendre les objectifs de la réforme et ceux qu'on peut lui opposer pour prolonger un mouvement qu'elle tente d'interrompre »

A juste titre, Bernard Friot débute son livre par un chapitre percutant « Les retraites, une réussite historique à contre-pied du capitalisme » Il nous rappelle les débats antérieurs (qui reviennent aujourd'hui dans les argumentaires de la réforme). Contre l'épargne retraite, nos pensions sont un salaire continué, une reconnaissance d'une qualification acquise. Par ailleurs « L'évitement de l'épargne lucrative se double de celui de l'impôt ». L'auteur montre aussi toutes les ambiguïtés du régime Arrco (régime complémentaire obligatoire), avec son système de point et son absence de garantie de prestation. Il souligne la première brèche, dans notre système de retraite, avec l'indexation de pensions sur les prix et non plus sur les salaires.

Afin de situer historiquement, la notion de travail, Bernard Friot, fait un court détour, par l'analyse du travail comme rapport social, du temps travail abstrait comme carcan et mesure de toute chose, de la marchandise (abstraite de toute considération tenant à la spécificité du bien produit, à son usage), il souligne qu'il n'y a pas d'essence du travail ni de définition transhistorique de celui-ci.

Le statut des fonctionnaires (fondé sur la qualification et non pas sur l'emploi), les pensions comme salaire continué « ces tremblés dans l'écriture capitaliste du travail, ces étrangetés tolérées ne peuvent plus espérer subsister sans un discours et des pratiques fortes ». Il ne suffit donc pas de s'opposer à la réforme. Il faut affirmer que « c'est le statut du travail et des salariés qui est en cause ».

La réforme comporte deux objectifs centraux : « Donner un coup d'arrêt quantitatif au mouvement de continuation du salaire dans la pension à partir de 60 ans et, qualitativement, délier la pension du salaire pour la lier à l'épargne, au revenu différé et à l'allocation tutélaire (pension complémentaire allouée sous condition de ressources ou d'activité longue), trois formes de ressources résolument non salariales »

L'auteur prend le temps d'expliquer que « l'équité est la renonciation à l'égalité », « le revenu différé est le contraire du salaire continué » et il analyse en détail le modèle suédois de répartition.

Il revient très précisément sur « les caractéristiques du revenu différé » et montre comment « la qualification personnelle » permet d'en finir avec ce type de revenu.

Bernard Friot souligne l'illusion d'une épargne subsituable au travail : « L'épargne n'est pas une opération interpériodique de soi à soi par laquelle de la monnaie ou de la valeur sont transférées d'une période à l'autre sous forme de ”revenu différé”, chacun récupérant demain sa mise d'aujourd'hui. L'épargne est un rapport social intrapériodique dans lequel la propriété de titres est une propriété lucrative qui donne à son détenteur le droit de recevoir une partie de la monnaie mise en circulation à l'occasion de l'attribution de valeur à la richesse produite. Qu'on soit en répartition ou en capitalisation, c'est toujours le travail de l'année qui produit la richesse correspondant à la monnaie qui finance les pensions de l'année. »

Avant de critiquer les balivernes sur la démographie (j'invite les lectrices et les lecteurs à lire les démonstrations sur : « la proportion d'actifs occupés reste stable dans un PIB en constante augmentation » ou « la croissance du poids des pensions dans le PIB ne pose aucun problème »), l'auteur critique la problématique générationnelle, la naturalisation d'une caractéristique biographique et indique « L'analyse d'une société selon la naturalisation de caractéristiques biographiques individuelles (comme l'appartenance à une génération), posées du coup comme des essences, empêche l'affirmation des logiques d'abstraction fondatrices d'un lien social politique. »



« Retraite à 60 ans » Bernard Friot propose de « poser sa signification politique, donc contingente, conventionnelle, et en même temps source de droits garantis à un âge qui ne peut être laissé à l'initiative privée mais doit être le même pour tous, et obligatoire dans ses effets, comme l'est ”la majorité à 18 ans” »

D'autres débats pourraient être ouverts, la fusion de l'Arrco et de l'Agirc dans le régime général, la compensation du déficit des carrières des femmes, ou l'ancienne proposition de l'auteur, ici reprise, de financer les investissements par une cotisation économique.

Je partage, avec l'auteur, l'appréciation du caractère potentiellement corrosif, pour le capitalisme, des cotisations sur les salaires, de leur augmentation dans le produit intérieur brut (PIB) et donc de la nécessaire extension des salaires socialisés, à d'autres couches de la population, comme les étudiant-e-s.

Mais dire cela ne signifie pas, que les cotisations ou leur développement, par augmentation de la part patronale, suffiraient à dissoudre les mécanismes ”objectifs” du fonctionnement du système.

Comme dans ces précédents livres, je trouve que l'auteur sous-estime le caractère systémique du capitalisme et les effets de la propriété privée. Ou, pour le dire autrement, une modification substantielle dans l'organisation du système capitaliste (généralisation du salaire continué) ne pourra se faire, en douce, des réactions probablement violentes des possédants. Se pose alors et une fois de plus, l'unification des salarié-e-s (au sens souhaité par Bernard Friot) dans la construction d'une alternative démocratique majoritaire.

Mais ceci est une autre dimension des débats nécessaires.

Il faudrait que l'éditeur réédite deux précédents ouvrages de l'auteur « Puissance du salariat. Emploi et protection sociale à la française » (La Dispute 1998) et « Et la cotisation sociale créera l'emploi » (La Dispute 1999)
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