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Critique de Merik


Il y a dans ce roman choral un bébé qui ne s'appelle pas Ève par hasard, même si elle est née « de la rencontre fortuite de deux cellules offertes et d'un désir d'amour inouï. » C'est par sa voix que ça débute, et il ne faudra pas être surpris d'un bébé à peine entré dans notre monde et qui dévoile déjà une forme de sagesse au regard de la vie, intéressée par les personnes « sans âge ni futur », elle qui débarque d'un «néant qui précède la naissance et qui est le même que celui qui suit la mort ».
Ève aura tout son temps à l'avenir pour faire connaissance avec son entourage et découvrir leur histoire, à commencer par sa mère Stéphanie envolée il y a peu vers son futur bébé du côté de Barcelone pour une PMA, impossible en France sans homme dans sa vie. Ève aimera sûrement Greg dès qu'elle le verra, lui qui a accepté sans sourciller d'être « un père, un père sans statut ni registre, un père intime ». Elle croisera sans aucun doute Corinne, la copine qui voulait « des corps et des fêtes en série » dans son projet d'être elle. Elle vivra l'amour de ses tantes, de ses cousines, on imagine les futures cousinades et les sororités toujours présentes. Aimera-t-elle sa grand-mère Nicole, la gorgone détestée par ses propres filles, celle-là même qui a récolté pour ses vieux jours le fruit de la « litanie haineuse » qu'elle a répandue durant sa vie ?
Comme nous dans ce roman, il est fort possible qu'Ève entende parler dans sa future vie de vieillissement des corps, de consommation, d'amour, mais aussi de féminisme, de combat pour l'émancipation des femmes, d'égalité au sein de la famille ou de réinvention du modèle familial, et à coup sûr elle entendra parler de procréation, de corps et d'intimité. Souhaitons lui de croiser des hommes libérés eux aussi de la domination masculine, et plus ouverts et réjouissants que la majorité présente par ici. Son histoire familiale se construira sans doute peu à peu, peut-être dans un concert de voix comme dans ce roman, en suivant le fil d'un récit choral et féminin, mais pas forcément à l'unisson de chansons communes, plutôt dans la mouvance de scansions diversifiées, portées par le souffle de l'émancipation.
Pour son premier roman, Camille Froidevaux-Metterie incarne à merveille une galerie de personnages vibrants, dans une polyphonie féminine. On pourra regretter l'absence de voix pour Greg, représentant d'une paternité réinventée, malgré une incarnation forte et une présence en fin de roman. Mais Greg n'aura pas voix effective au chapitre. La gorgone aurait sûrement une explication radicale à cette absence- « puisqu'il faut tout féminiser désormais» dit-elle à un moment donné, quant à l'autrice elle évoque à La Grande Librairie l'impossibilité pour un homme de faire partie de son choeur féminin.
Voilà en tout cas un premier roman réjouissant, à la dynamique joyeuse et la réussite indéniable, alerte, parfois crû ou féroce, sur fond de réinvention du modèle familial. Camille Froidevaux-Metterie singularise son récit choral par un travail d'écriture adapté aux voix, mais construit aussi sa narration sur le fond, avec des voix qui s'opposent, résonnent ou se complètent, et qui toutes se penchent sur le berceau d'Ève, symbole et espoir d'une nouvelle femme, issue des luttes pour l'émancipation.
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