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Critique de zorazur


Cette fois, je suis enfin au bout de ce qui est devenu, tome après tome, un chemin de croix, une lecture où je ne trouvais plus le moindre intérêt.
Bien entendu, vous vous demanderez en me lisant, de façon très légitime : mais pourquoi cette excitée pimbêche continue-t-elle à lire ce chef-d'oeuvre hors normes puisqu'elle n'en tire que de l'ennui profond, voire de la répulsion qu'elle transforme en vigoureuses, voire agressives, critiques qu'on n'oserait asséner à un roman de gare ?
Vous aurez raison de vous poser cette question, je ne comprends pas moi-même pourquoi je continue alors que dans les lignes qui suivent, comme vous le verrez, je m'acharnerai férocement contre le bouquin et son auteur. Je pense que je poursuivais à mon corps défendant juste pour savoir comment ça se termine, comme on dit, et, surtout, surtout, espérant contre vents et marées qu'un nouveau voyage à travers les pierres donnerait enfin lieu aux développements et au relief que j'attends obstinément et en vain depuis plusieurs tomes, cf mes critiques précédentes.
Hélas, rien de tout cela.

(attention, spoilers)

Précisons d'abord que j'ai lu les deux volumes de ce tome 9 comme j'ai lu les précédents depuis disons, le 5. C'est-à-dire à toute allure, sprintant sur les passages que je jugeais sans intérêt, sautant des phrases, des paragraphes, voire des pages après un rapide coup d'oeil sur leur contenu. Au final, et toujours comme pour les précédents tomes, sur les 1500 pages des deux parties, j'ai lu, disons, le tiers, et encore en comptant large. Bref, juste de quoi comprendre ce qui se passe, et pointer à nouveau tout ce que sont pour moi, les manques, les lacunes, les frustrations.
D'abord, je ne comprends plus rien à l'histoire. Certes je ne suis pas une spécialiste de la révolution américaine et de la guerre qui a permis la naissance des Etats-Unis, mais bien que n'étant pas totalement inepte, ni rétive à la compréhension, ni butée face à L Histoire, bien au contraire, je suis totalement larguée au regard de l'arrière-plan historique, des personnages, du déroulé des évènements, des batailles, je ne sais pas plus que dans les précédents tomes qui fait quoi et qui relève de quel camp. Pour Washington, OK, mais les Clinton, Lexington, Charleston et autres, je serais bien en peine d'expliquer leur rôle dans le conflit. Je reconnais avec modestie que jamais je n'aurais réalisé ce fabuleux travail de documentation historique, mais pour une grande lectrice comme moi, c'est bien la première fois que je perds pied à ce point – et je vous jure que j'en ai lu, des romans historiques.
En ce qui me concerne, l'auteur manque donc son but.

Je ne trouve aucun intérêt aux nouveaux personnages qui apparaissent sur la scène. Certes ils sont trop nombreux, vont et viennent dans une sorte de magma qui doit ressembler à l'intérieur des pierres et qui leur enlève toute personnalité – si tant est qu'ils en aient une. William est bien gentil, mais il tourne à la mièvrerie. Où est l'intérêt d'un personnage comme Cinnamon ? J'aurais préféré qu'on ne retrouve pas Amaranthus tant elle est insignifiante. Je ne vois pas ce que vient faire Hal dans l'histoire. On se serait passés de la petite Agnes. Certains personnages jouent un rôle, si tant que l'on puisse utiliser ce terme, si épisodique, qu'on se demande pourquoi l'auteur a perdu son temps à les inventer. Je ne parviens pas à débrouiller la foule innombrable des soldats, officiers, métayers, pêcheurs, Indiens, insurgés, confédérés, loyalistes.

Les nouveaux personnages, c'est une chose, mais la façon dont tournent nos anciennes connaissances laisse parfois songeur. Prenez Lord John, ses apparitions me laissent de plus en plus perplexe, entre la vacuité de ses interventions et les méandres où il se perd. Certes un auteur se laisse guider par ses personnages, et non l‘inverse, je suis bien placée pour le savoir, mais que dois-je déduire face à ce personnage qui tourne à l'insipidité et subit des évènements avec une passivité déconcertante ?
Ah, que je regrette Dougal, Colum, Angus, Rupert, Murtagh, et même Geilis !
(même s'ils font un clin d'oeil dans le tome 8)

La vacuité des dialogues (nombreux) bat des records. Des pages et des pages sur la façon de tailler les poutres ou de pincer le bout d'un sein, sur la descendance de la truie blanche ou la disparition du chat, et j'en passe, moi ça m'ennuie à mourir. Quelques pages ça va, on peut comprendre, mais quand on en est à des milliers de pages de descriptions insipides, on ressent une certaine lassitude.

Certes la volonté de l'auteur est une description sans faille et la plus rigoureusement exacte de la vie quotidienne dans l'Amérique (et un peu dans l'Ecosse) du XVIIIème siècle). du matin au soir, le dur labeur, les soins hasardeux, au milieu d‘une nature hostile à discipliner, d'un monde à créer, des défis à relever. On vit au milieu des bêtes, domestiques et sauvages, on lutte, on fait feu de tout bois, et au final dans cette nature vierge et intacte, on jouit d'une vraie liberté, on est son propre maître – cf mes remarques sur le tome 7.
Mais il faut quand même se donner quelques limites. J'ai eu quelques haut-le coeur en découvrant des souris mortes dans les poches de Jem, ou en voyant le chien se rouler dans les viscères d'un oppossum étripé avant cuisson. Et était-ce indispensable que quand Jaimie accouche une vache, il se trompe d'orifice, ressorte le bras plein d'excréments, et s'essuie sur sa seule chemise à peu près propre ? J'en passe d'autres du même acabit, d'ailleurs concernant le même Jaimie, lui reste-t-il sur le corps un seul centimètre carré de peau qui ne soit recousu mille fois, vu l'acharnement de l'auteur sur son personnage… Les temps sont durs, mais quand même…
Et puis les scènes de baise (moins torrides vu l'âge des héros), de fractures à réduire et de plaies à recoudre, je sature.

Et toujours mon éternel regret…
Mon éternel regret, mon éternelle frustration dans cette saga qui de roman un peu fantastique au départ, se transforme en pur roman historique. Pourquoi pas, c'est le choix de l'auteur, mais si tel est le choix, on évite de parler des pierres et des voyages dans le temps.
L'absence de confrontation entre les deux époques devient de plus en plus regrettable avec les derniers voyages de Roger, Brianna et leur progéniture.
J'avais déjà partagé mon incompréhension suite à l'apparition de Buck, qui, lui, sans aucune préparation fait le voyage en sens inverse. Un individu du XVIIIème siècle brutalement balancé au XXème, et qui trouve normal de déboucher sur une nationale où vrombissent voitures et camions, de faire jaillir la lumière en tournant un bouton, de téléphoner et de fermer son jean avec une fermeture éclair, et dont on ne sait rien des états d'âme, moi ça m'avait déjà gênée dans le tome précédent.
J'avoue avoir ressenti un regain d'intérêt grâce à Buck.
Mais Roger et Briana qui reviennent dans leur siècle de naissance et qui reprennent pied dans la vie quotidienne on ne sait pas comment, ni avec quelles ressources, financières et administratives. Moi j'aurais bien aimé savoir comment ils s'en tirent, pas vous ? Retrouver l'oncle Joe aussi, qui ne fait qu'une rapide et insuffisante apparition.
Et les histoires de Brianna avec le nouveau méchant qui veut la violer sans y mettre le style de Stephen Bonnet, là aussi j'ai du mal à suivre.

Donc ils repartent. Sinon que par inadvertance, dysfonctionnement du réseau des pierres ou autre, ils se retrouvent en 1739, et en ordre dispersé. Que devient Buck dans ce fouillis ? Il repart, et si oui, où ? Que devient le père de Roger, tant cherché et si vite disparu ? Et toute la famille une fois rassemblée, la décision est prise de rester au XVIIIème siècle, quelques dizaines d'années plus tard, en retrouvant la Caroline du Nord au prix d'un voyage chaotique à travers l'Atlantique. Cela nous vaut une jolie scène de trois lignes entre Roger et Jenny, mais encore ?
Comment en arrivent-ils à cette décision, mesurant bien les conséquences pour eux et surtout pour leurs enfants ? Rejoindre les grands-parents c'est bien, quoiqu'en ces temps fragiles tout peut arriver. Mais au-delà de la présence des grands-parents, pourquoi et comment ces parents attentionnés choisissent-ils de faire vivre leurs enfants au XVIIIème siècle plutôt qu'au XXème ? Quelques paragraphes de discussion entre Brianna et Roger auraient été les bienvenus, mieux venus en tous cas que tous les insipides dialogues où je me perds d'ennui.
On revient pour de bon, disent-ils. OK, c'est leur choix. Là encore j'aurais bien aimé quelques pages sur les difficultés de leur retour, après deux années passées au XXème siècle. On ne se réhabitue pas d'un claquement de doigts à une vie sans confort, sans commodités, sans chauffage central ni téléphone ni ciné ni rien, même s'il s'agit d'un choix en connaissance de cause.

Jem, lui, est déjà grand. Que devient ce gamin, à part enfouir des souris mortes dans ses poches ? Va-t-il à l'école, que pense-t-il de sa nouvelle (et définitive) vie ? Comment cache-t-il – ou pas – à ses potes, ce qu'il a vécu au XXème siècle ? C'est dur pour un gamin de cet âge de tenir sa langue.
Pour Mandy, vu son âge, ça pose moins de difficultés.

Quant à Claire, quand les jeunes reviennent, ça fait quand même plus de dix ans qu'elle a quitté le XXème siècle. Et on a tous en tête les multiples changements intervenus entre 1970 et 1980. Claire fait preuve d'un singulier manque de curiosité à l'égard de ces changements car on ne la voit guère poser des questions à ses jeunes pour savoir comment le monde a évolué depuis qu'elle a quitté son époque. Certes elle a définitivement tourné la page, mais moi j'aurais bien aimé partager ses états d'âme…
Car au-delà des lave-linge, des sorties au ciné, et des blocs opératoires dernier cri, mon interrogation suprême est de comprendre comment une femme grandie dans un monde où races, sexes, croyances, appartenances politiques, orientations sexuelles etc, sont traités (ou supposés traités, hélas, l'actualité le démontre chaque jour) de manière égale, comment cette femme accepte de vivre à une époque où la notion même d'égalité est inexistante, où la vie humaine ne compte pas, où l'esclavage bat son plein, où la démocratie ne veut rien dire…

Pour finir cet interminable réquisitoire aussi long qu'un dialogue entre Claire et Jaimie, je reviens sur l'effet salutaire de cette saga et les réflexions qu'elle engendre sur le choix de vivre à une époque plutôt qu'à une autre ? Certes un XVIIIème siècle moins sécure à tous points de vue (santé, sûreté…), où les idées des Lumières ont encore du mal à se frayer un chemin, mais où l'être humain s'éclate dans une nature que ses activités n'ont pas encore massacrée, vit en accord avec le climat, utilise sans rien perdre ni gâcher toutes les ressources à sa disposition…

Le tome qui reste, annoncé comme le dernier par l'auteur, je crois que je le lirai quand même !

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