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Critique de gerardmuller


L'ultime humiliation/Rhea Galanaki
Dans ce beau roman, l'auteur nous fait découvrir l'histoire d'une société grecque en pleine tourmente lors des événements consécutifs à la crise économique de ces dernières années. C'est plus précisément l'âme de la capitale qui est au coeur de ce récit initiatique mettant en avant les racines du mal et plus avant la destinée de la Grèce d'aujourd'hui. le premier chapitre évoque la situation à Athènes.
« L'injustice triomphait ; les droits constitutionnels étaient piétinés ; les acquis étaient reniés ; les couches sociales les plus pauvres et les plus respectueuses des lois couraient droit à la catastrophe. On entendait dans le même temps une farouche et légitime colère sourdre de partout… »
Puis Tiresia et Nymphe, deux femmes un peu folles à la retraite entrent en scène.
Tiresia a la qualité d'être devineresse en plus d'avoir été professeur de littérature.
Nymphe était professeur d'art et son caractère rebelle et violent ne l'empêche pas de faire montre d'une grande tendresse notamment à l'égard de son fils Oreste qui se livre à des activités peu orthodoxes. Oreste a tenté de renier cette mère mais il semble que les liens du sang soient les plus forts.
« Elles puisaient dans l'éclat de la jeunesse les rayons pâles d'un temps qui leur restait à vivre. Un avenir qui ne cessait de s'amenuiser quand, dans le même temps, leur jeunesse ne cessait de s'agrandir en leur mémoire dans un éblouissement d'outre-monde, dans une temporalité céleste, en vertu de la charge immatérielle qu'acquiert pour chacun le temps qu'il a perdu. »
Et rapidement elles veulent voir les choses de plus près, être confrontées à la réalité, ne plus se contenter du télévisuel, et s'évadent du foyer où elles sont en colocation sous la surveillance de Catherine, une parente de Nymphe originaire de Crète, qui assure l'intendance, Danae l'assistante sociale qui leur rend visite quotidiennement, Yasmine qui fait le ménage, et le Patriarche, un médecin qui veille à leur petite santé.
« Elles n'appartenaient plus à leur passé mais à ce présent commun aux Athéniens, qui tambourinait de manière assourdissante autour d'elles et qui exorcisait le démon de la solitude, de la vieillesse, de la maladie et de la servitude. »
Nos deux héroïnes vont participer aux manifestations et finir mendiantes avant plus tard de regagner leur foyer. Une expérience unique au coeur de l'action.


Le style de Rhéa Galanaki est poétique et flamboyant, lyrique et précis pour évoquer l'actualité brûlante de son pays, une Grèce frappée par une crise économique, sociale et humanitaire, où évoluent deux retraitées abîmées par la vie et qui faisant table rase du passé en changeant leur prénom, rêvent de liberté.
Des rappels historiques éclairent le lecteur sur les causes profondes de ces crises et ces tragédies dont la Grèce est victime depuis la guerre civile du début du XX é siècle.
L'auteur aime aussi faire référence à la mythologie, les deux femmes héroïnes de ce roman étant l'incarnation pour l'une de Tiresias et l'autre du Minotaure. L'auteur compare aussi la foule à un choeur tragique avec un coryphée haranguant la foule. Et bien d'autre références que le lecteur saura percevoir, notamment à l'Odyssée d'Homère.
¨Pour mémoire, rappelons que le titre fait référence à l'iconographie orthodoxe du « Christ de pitié », le Christ attendant après la Passion la Résurrection.
Bien sûr, ce roman intéressera au premier chef les Grecs eux-mêmes, et nombre de lecteurs ont fait ressortir que cette histoire n'allait pas forcément passionner les Français, d'autant plus qu'une bonne culture classique aidera évidemment à bien saisir et apprécier toute la symbolique de cette aventure.
Des notes du traducteur et un commentaire concernant l'oeuvre de Rhéa Galanaki viennent aider le lecteur et complètent ce beau livre.
Un grand roman d'une grande richesse quoi qu'il en soit, de la grande littérature pour une tragédie grecque moderne.
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