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Critique de Aline1102


La saga des Forsyte est une histoire multigénérationnelle, qui nous parle d'une famille aisée traversant les remous provoqués par la fin de l'ère victorienne. La vision du mariage et de la famille, les opinions sur l'art et la littérature, la place de la femme dans la société, l'importance de la propriété immobilière… tout semble changer et certains membres de la famille ne sont pas prêts à s'adapter. On assiste donc au lent déclin de la famille Forsyte, qui semble d'ailleurs s'accélérer après le décès du vieux Jolyon.
Ce dernier est le patriarche, le roc sur lequel repose toute la famille. Il a des idéaux très stricts et est un pur produit de l'époque victorienne. Il s'est d'ailleurs brouillé avec son fils après que ce dernier ait quitté sa première femme pour en épouser une autre et pour vivre de sa peinture (un artiste divorcé dans la famille, quelle idée !)
June, la fille du jeune Jolyon (le peintre) et la petite-fille du vieux Jolyon, est encore plus « moderne » que son père, puisqu'elle n'hésite pas à se fiancer avec un homme sans le sou. Comme on le voit, le déclin des Forsyte commence donc de l'intérieur, avec le changement de mentalités qui s'opère d'une génération à l'autre.
Malgré son côté assez intransigeant, le vieux Jolyon est mon personnage préféré ! Sous son apparence sévère, le vieil homme est tout de même assez humain. Ainsi, il accepte (de mauvaise grâce, mais il l'accepte) la future union de sa petite-fille. Il finit aussi par se réconcilier avec son fils et devient un vrai grand-père gâteau pour les enfants que le jeune Jolyon a eu de sa seconde femme. Et, enfin, le vieux Jolyon est le seul qui soutient Irène lorsque cette dernière décide de quitter Soames. Au final, l'homme a le coeur bon, même s'il le cache bien. Sa mort est un événement pour le lecteur comme pour la famille Forsyte : c'est tout un mode de vie qui s'éteint avec lui et personne, dans la famille, ne pourra prendre la place qu'occupait le vieux Jolyon car personne n'a hérité de sa force de caractère et de sa personnalité.
Soames Forsyte est, par contre, le personnage que j'ai le moins apprécié. Mari obsessionnel, possessif et jaloux, il fait vivre un enfer à sa femme et devient vite le « méchant » du récit. Il est, lui aussi, persuadé que la richesse se mesure à l'aune des choses que l'on possède, raison pour laquelle il décide de faire construire une grande propriété dans la campagne autour de Londres. Soames a besoin de s'affirmer, de faire savoir à tous combien il est riche et puissant, et il estime pouvoir le faire grâce à deux choses : les propriétés qu'il possède (ou possèdera) et sa femme. Malheureusement pour lui, la propriété lui sera rachetée par le vieux Jolyon, et sa femme aura une aventure avec l'architecte (le fiancé de June, rappelons-le) avant de le quitter pour de bon. Au final, Soames est bien puni et, même si je ne l'apprécie pas, je l'ai plaint à certains moments du récit, où tout semblait se liguer contre lui.
Les conflits intergénérationnels entre Forsyte et le déclin de la famille semblent être amenés par une seule personne : Irène, la femme de Soames. Très belle, calme et réservée, Irène ne semble pas être le genre de femme par laquelle le scandale arrive, et pourtant… Au début, elle ne paraît pas très sympathique et l'on pense qu'elle s'accorde bien avec son mari : tous deux ont l'air aussi désagréables l'un que l'autre. Mais Irène cache bien son jeu, et Galsworthy décrit tellement bien la personnalité de cette femme complexe et le désastre de sa vie conjugale, qu'on ne peut que l'apprécier. le courage dont elle fait preuve, d'abord en refusant l'accès de sa chambre à son mari, et ensuite en le quittant (et en renonçant au confort que lui apporte la fortune de Soames) illustre bien la modernité qui arrive et qui frappera les Forsyte de plein fouet. L'impact d'Irène sur la dynastie des Forsyte sera d'ailleurs tellement fort qu'il provoquera un autre conflit, entre des membres de la génération suivante…
Le changement social et la conscience de classe sont bien développés par Galsworthy, par le biais de ses différents personnages. Parmi ceux-ci, certains sont agaçants, comme James, le père de Soames, est un homme avare et pleurnicheur, qui est vite stressé. D'autres sont très attachants, comme le jeune Jolyon, le « mouton noir » de la famille : on fait comme s'il était mort, car il s'est déshonoré ; pourtant, il est clairement le personnage le plus heureux de l'histoire : il a peut-être choisi le déshonneur, mais il mène une vie relativement confortable et conforme à ses idéaux.
La saga des Forsyte traite de nombreux sujets. La sens de la famille, l'amour, le deuil, la séparation, le changement, la résilience. Les relations entre les différents personnages se lient et se délient : certaines de ses relations ne sont que des passades, d'autres vont bouleverser la famille pour toujours. C'est un récit à la fois nostalgique et lumineux : on sent certains des Forsyte tentés par la modernité de leur époque, tandis que d'autres craignent les nouveautés et tentent de s'accrocher aux traditions si sûres du passé. Une très belle lecture !
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