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Critique de John_P


Au début d'un texte initialement paru dans La Nouvelle Revue française en 1997 sous le titre « Pierre Gascar. le silence de la résorption » (texte repris dans le recueil Soies Brisées, Hermann, 1999), André Bernold écrit : « Le cas de Pierre Gascar est exemplaire. Quel cas ne l'est pas ? Il l'est étrangement. Près de soixante-dix livres ; une quarantaine chez Gallimard, dont cinq ou six chefs-d'oeuvre, et tous inscrits au catalogue ; en librairie, nota bene, inexistants quasi. (…) C'est l'écrivain deleuzien en pratique, car il a réussi son devenir-imperceptible. » Il ajoute un peu plus loin que le Présage « contient les pages les plus éblouissantes de Gascar. »
Ma première lecture du Présage s'est faite au printemps 2021, lors de trajets dans les transports en commun entre 6h30 et 7h30, le matin. J'avais également avec moi l'étude de Pierre Schoentjes, Ecrire la nature, imaginer l'écologie - Pour Pierre Gascar (Droz, 2021).
J'ai lu, relu le Présage. C'est un récit extrêmement marquant, tant par l'usage de la langue française qui s'y déploie que par les images générées à la lecture (qui me reviennent à l'esprit de temps à autre). (Et cette espèce de silence, bourdonnant (le bruit de la terre, sans doute)).
Réflexions, digressions nées d'une observation de la raréfaction des lichens (plantes d'emblée qualifiées de « crépusculaires ») accompagnent le narrateur dans ses déplacements professionnels, ses voyages (Sibérie, Venise, Inde, Thaïlande, Chine, Jura...). On perçoit d'abord, puis on comprend peu à peu que cette obsession des transformations de la vie végétale se paie d'un délabrement progressif de l'état du narrateur (ce qu'il nomme lui-même - avec une certaine retenue - un « désordre d'esprit ») : « solitude », « mouvement de régression », « appel porté par les réalités crépusculaires des sous-bois » (de nouveau le crépusculaire...). Avant, dans les derniers paragraphes, une tentative pour inscrire cette errance dans un devenir, celui du monde et des groupements humains.

« (…) que figuraient les lichens, ces plantes aux formes indécises, quelquefois rampantes ou plates comme des estampilles ou, encore, pendant en serpentins, et dont la mollesse, sous les doigts, n'était pas loin de provoquer la répulsion ? Les créations de l'inconscient, la pensée obscure, les phantasmes.
Dans ces solitudes du nord, dans ces lieux de brume où rien ne se produisait, où l'homme n'agissait pas, n'était jamais que de passage, ils représentaient une dégradation de la logique du monde, comme si ce dernier, sous ces méridiens, en marge du jour et de la nuit qui constamment le partagent, avait poursuivi un demi-sommeil peuplé de visions informes (…). Proches des créations les plus obscures de notre esprit (moins créations peut-être que souvenirs aussi anciens que notre espèce), les lichens glissent facilement hors de leur réalité et nous contraignent souvent à vérifier leur existence. » (Gallimard, « L'imaginaire », p. 24-25)
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