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Critique de EvlyneLeraut


« L'étrange journée de Raoul Sévilla » est une marelle entre ciel et terre.
Il aura suffit d'une journée pour que tout change.
Irradiant, magnétique, on ne quitte pas des yeux un seul instant, ce jeune collégien Raoul Sévilla.
Voici un récit de vie qui sème des petits cailloux sur les lignes où les rais de lumière proviennent de ce jeune garçon en quête existentielle.
Prodigieux, captivant, nous sommes au coeur d'une initiation en advenir, celle de Raoul, ce jeune narrateur très attachant.
Le récit se situe en banlieue parisienne. En 1960, dans cette orée d'après-guerre encore, comble d'antisémitisme latent. Raoul se sent mal chez lui, au collège, et dans sa vie même. Il ressent le mépris des lascars de sa classe. Bouc-émissaire, il est promis à des coups et des insultes, telle que « Sale juif ». Un coup de poignard en plein coeur.
Il esquive, fait profil bas. Il porte sur ses épaules, le poids de ses faiblesses et des rejets. Poulbot égaré entre les tables alignées, les lâches au garde à vous. Dévorés d'une haine profonde et d'une bêtise sans fin.
Le collège est l'épicentre d'une société fragilisée par les préjugés et un racisme foudroyant. Raoul serre les coudes, se fraie un chemin et réfléchit.
Mature et brillant, il honore la littérature, la création, et les rédactions, où il est toujours premier. Lisse dans les autres matières, son père n'a aucune ambition pour son jeune fils.. « Mon père, il souhaite que je fasse du commerce ou que je sois coiffeur ou comptable ».
Son frère est plus âgé, en deuxième année de médecine et déjà avec des convictions et les débats sous houleux entre lui et son père. Sa mère confectionne des blouses que son père vend ensuite. le foyer est fissuré par les épreuves. le manque d'argent. le caractère d'un père bien trempé et les disputes constantes. Sa mère est protectrice, trop. Elle ne voit pas Raoul grandir. Les gestuelles thérapeutiques, les rites médicamenteux, Raoul pourtant va bien. Elle fait du transfert et comble ainsi les affres intestines et ses frustrations. Elle devine le visage blessé de Raoul par ses camarades. Non-dits, e t faux-semblants, taire les méchancetés.
Raoul fait des plans et creuse sa tanière. Durant une journée souveraine, il va faire l'école buissonnière. Rater sa rédaction. Fuir la bande méprisable. Il a peur. Il est promis à des coups et une bastonnade par le meneur des lâches. La déambulation est spéculative. Il va se confronter au monde. Affûter ses armes et ses loyautés. Renaître à chaque pas. Les rencontres hasardeuses seront des trésors pour un lendemain de force et de ténacité. Il pénètre le labyrinthe de son émancipation. La littérature dans la poche de son pantalon. Les illusions deviennent des papillons de nuit. le jour affirme les rémanences. le petit garçon se métamorphose. Les clefs trouvées au fil des regards, des expériences et d'une renaissance où il vaincra ses doutes et ses peines.
Il pressent son advenir dans l'amplitude de l'écriture. Il vient d'avoir la foi en lui-même, et c'est beau. Lui, dont les rédactions sont des merveilles. Une journée loin de Sambre et Meuse. Loin de l'immeuble morose et terne. Il coopère enfin avec son libre-arbitre.
Le charme d'un livre dont la voix mue au fil des pages.
Une ode à l'apprentissage et à la littérature. Intensément personnel, magistral et vivifiant, c'est un livre qui accroche ses bras autour de votre cou. Un hymne à la jeunesse, à sa gravité et à sa quête existentielle. Une prouesse d'écriture par Jean-Pierre Gattégno auteur de nombreux romans, dont certains ont été adaptés au cinéma ou à la télévision.
En lice pour le prix Hors Concours des éditions indépendantes 2023/2024.
Publié par les majeures Éditions de L'Antilope.
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