J’ai une maison en haut d'une colline et devant moi, la mer. Et toujours, le vent. Les murs autour de ma cheminée sont couverts de livres où je plonge pour de longues apnées dans des temps lointains. Tôt levé, qu’il pleuve ou sous le soleil, j’arpente les sentiers moussant d’insectes et de parfums avant de revenir m'enfermer, loin de là vie des gens, dans l'innocuité d'univers poli par les années.
- Et mon père ?
- Va le voir. Il est rentré le crâne en sang et un œil abîmé. C'est grâce au commissaire de police qu'on l'a relâché. Ils étaient ensemble au maquis mais il la tout de même laissé toute la matinée au poste.
Il y a ensuite un long silence. Puis les yeux dans les yeux de son fils, comme si elle s'adressait à une foule, elle se met a crier :
- Soulevez-vous. Lorsque vous vous soulèverez, ils détaleront comme des rats. Nous avons déjà chassé les Français et vous tremblez devant ces misérables !
Puis, se rendant compte de ma présence :
- Pardon, Marc.
Ainsi malgré toute ma bonne volonté, mon enthousiasme naïf, je n'ai pas, moi non plus, réussi à percer le mur qui nous sépare : Noureddine, comme l'Algérie, dans les repris cachés de l'âme de son peuple, dans ses plaines et ses déserts, dans le creux de ses montagnes, demeure irréductible.