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Critique de VoyagesEtLectures


Henri Gibier - Les Echos Week-End
Elle avait commencé sa vie professionnelle comme prof de philo mais sa fascination pour le grand reportage l'a emporté, la menant sur le terrain, en Tunisie, au Liban, au Kurdistan... dans cette zone, sismique sur le plan politique, qui semble ne jamais devoir connaître la paix. Collaboratrice des Echos Week-End, Laura-Maï Gaveriaux publie le journal qu'elle a rédigé en témoignant pour d'autres journaux au cours de ses deux années de séjours et de reportages en Turquie, entre l'automne 2014 et l'été 2016. Un précieux éclairage jeté de l'intérieur, et forcément subjectif, sur cette puissance régionale mystérieuse où se conjuguent les signes parfois les plus ostentatoires du modernisme et un retour en force d'un islam conservateur sous l'égide de l'autoritaire Erdogan. « Simple député dans les années 2000, il pratiquait déjà cette stratégie du 'tour de passe-passe'» pour s'implanter dans les foyers et les consciences turques, analyse l'auteure. N'attaquant jamais directement le legs du kémalisme, il en a repris l'imaginaire, mais pour le remplir de ses propres concepts. »

CHRONIQUE D'UNE RÉPRESSION IMPLACABLE
Elle raconte les prétendues « opérations antiterroristes » dans les villes kurdes, critique le positionnement étrange d'une certaine gauche française - incarnée aujourd'hui par les partisans de Mélenchon - dans cette région, dresse le portrait de quelques-uns de ses interlocuteurs de rencontre : Gafur, hôte des visiteurs de passage dans une ville en guerre grâce à l'appli Couchsurfing.com ; Alessandro, le reporter photographe italien inconscient des risques qu'il fait courir à ses accompagnateurs ; Fidan et d'autres, responsables d'associations qui tentent de secourir les plus démunis dans ces zones de conflits, ou encore Férid, un vétéran de la guérilla entre kurdes et soldatesque turque, dont la moitié du visage a été arrachée par un éclat d'obus. « La guerre contre le PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan, NDLR] n'est qu'un révélateur de la grande faiblesse du pouvoir, écrit Laura-Maï Gaveriaux, incapable de limiter la prise électorale de l'opposition autrement que par la stratégie de la terre brûlée. » Un des chapitres les plus réussis de cette chronique d'une répression implacable et honteuse est celui consacré à la guerre des femmes kurdes, lesquelles se heurtent à une « violence paroxystique, partie émergente d'une misogynie qui gangrène la société turque ».
Ce livre-reportage se conclut au moment du putsch anti-Erdogan à l'été 2016, prélude à un renforcement spectaculaire de l'emprise du président turc sur son pays, mais aux effets paradoxaux (« Moins il a d'alliés, plus il doit renforcer et isoler son pouvoir, plus il se fait d'ennemis »). La journaliste vit ces événements à Istanbul, elle nous fait partager l'étrange atmosphère de cette splendide ville qui se retrouve soudain en état de siège tandis que les restaurants attrape-touristes continuent de tourner à plein régime. L'originalité de ce livre repose dans son instabilité permanente, née de la cohabitation des misères de la guerre avec les interrogations existentielles d'une jeune femme occidentale à la recherche de sa vocation. En même temps qu'il dévoile l'envers du décor d'un basculement historique en train de se produire en Turquie.
Lien : https://www.lesechos.fr/week..
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