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Critique de hervethro


Et nous voici de retour dans le nord des Alpes, plus précisément dans cette partie de la Haute Savoie que tous les amateurs de grimpe connaissent bien. Un fond de vallée reculé, enchâssé entre des montagnes menaçantes pour qui ne sait pas les apprivoiser, cernée d'une beauté glaçante attirant les candidats à la liberté des cimes comme autant de lampadaires le papillon de nuit insouciant.
Nous sommes en 1645, juste après la réforme et l'invention de l'imprimerie qui vont avoir des implications tout au long de ce roman initiatique. Les paysans de ces vallées abandonnées n'osent pas s'aventurer sur les « glaciaires » comme ils les appellent, à l'image de Jean-Baptiste qui accompagne son oncle Gaspard jusqu'à toucher la langue de glace du glacier de Miage à la recherche de racines de génépi. Pétri d'une religion pas tout à fait débarrassée de croyances ancestrales, d'une idolâtrie païenne sous couvert de saints et saintes et de superstitions bien ancrées au plus profond des âmes, Jean Baptiste vit une vie sans histoire et au destin déjà tout tracé : il sera paysan, tirant le peu de quoi survivre sur ces terres ingrates. Il a tout juste quinze ans, ce qui est déjà un exploit en lui-même dans un temps où la mortalité enfantine n'est pas encore un lointain souvenir et où les épidémies et les guerres savent prélever leur dû chez les moins résistants. Et voilà que son oncle, colporteur et un peu trafiquant, l'engage à le suivre dans sa tournée vers les « Allemagnes » au début de l'hiver. Leur chemin va les amener dans le haut Jura tout proche mais c'est la vie elle-même que va découvrir l'adolescent. Une vie faite de révélations et de déceptions, où l'innocence n'a pas sa place et où les plus filous savent toujours s'en sortir. Il va se frotter aux réalités de l'existence et en apprendre beaucoup, se former le caractère. Lorsqu'il reviendra dans sa vallée pour prier Notre Dame de la Gorge à laquelle il voue un véritable culte (mais réussira-t-il à éviter les écueils que le chemin mettra devant ses pieds?), il sera un autre homme.
On se surprend à entrer de plein pied dans cette histoire toute simple qui a l'intelligence de se situer à un moment clé de l'histoire : la réforme divise la religion en deux camps, les Calvinistes de Genèvre et les moines plus intransigeants que jamais; l'invention de l'imprimerie qui propose quelques livres déjà interdits par l'église et qui sont l'objet d'un trafic à couvert (on imagine même un moment que le roman va prendre cette direction-là). C'est par ailleurs l'un des points positifs de cette aventure : à aucun moment on ne sait quel chemin va emprunter le roman et l'on tremble à chaque recoin de sentier sur ce qui pourrait advenir à notre héros.
Au-delà d'une prose bien écrite, simple, rurale et revigorante, on se pose la question de l'apprentissage de la vie par les voyages qui, dit-on, forment mieux que quiconque la jeunesse. La découverte, la curiosité, l'appétit d'apprendre ont disparu de nos sociétés trop informatisées, aseptisées et trop confortables finalement, où l'on croit tout connaitre d'un clic ou d'un reportage diffusé à la télévision. Ce pèlerinage éducatif a pourtant ses avantages. Découvrir en réel le monde. S'y frotter quitte à s'y écorcher. Evaluer ses idées préconçues face à la force de l'expérience directe, quitte à y perdre un peu de son innocence, de sa candeur. Mais y gagner de toute façon, quoi qu'il arrive.

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