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Critique de hcdahlem


La maison de l'enfance

Dans son nouveau livre Claire Genoux mêle le végétal et le minéral, l'enfance et la mort, les liens familiaux et l'envie d'ailleurs. Un drame plein de poésie.

Au-delà de l'anecdote, ce qu'il faut d'abord retenir de ce beau roman, c'est l'ambiance dans laquelle il baigne. La grande forêt et ses mystères, la météo caniculaire qui incite à la retenue et limite les déplacements, la maison d'enfance – isolée et remplie de souvenirs douloureux – qui devrait être un refuge, mais rappelle plutôt des heures sombres, qui porte encore les stigmates des malheurs passés. Sans oublier ce silence qui, comme à la manière d'une brume envahissante, semble pousser Lynx à le respecter, à économiser ses mots. La mort de son père, qu'il vient de retrouver écrasé par un arbre n'y changera rien, bien au contraire. L'expérience lui ayant appris que ce silence peut aussi être un allié :
« Parler c'était pas la peine.
Dans l'enfance, après le départ de maman, les mots n'ont plus été utilisés. Seuls le silence et les coups ont été gardés comme moyen d'information. Quand Père rentre du bois avec les machines et les haches, les épaules retirées sous le pull, quelque chose monte qui empêche de respirer jusqu'au fond. le bol de soupe et le pain sont jetés sur la table. Lynx ne lève pas la tête, se protège les yeux. C'est maman à la maison qui parlait, qui écrivait des billets, des listes, disait des histoires et des drôleries. Père n'aimait pas qu'elle s'enferme seule au premier pour faire de l'écriture et des poèmes dans des carnets tout sombres, qu'elle ait comme ça sur elle cette vue, depuis l'intérieur, cet espace pour s'installer. Père, ça le porte à l'agressivité, ça lui donne les nerfs ces moments de pause qu'elle s'accorde, qui sont pris sur le temps du ménage et du maintien de la maison. Il refuse de lire ce qu'elle voudrait lui montrer. Les yeux de Père sont noirs, de la couleur du feu. Sur la maison, sur cette chose-là de leur vie commune, sur ce qui va et qui vient, il ne veut rien savoir. »
Lynx va-t-il pouvoir sortir de ce traumatisme? Trouvera-t-il dans la compagnie de ses proches la force de se construire un avenir? C'est tout l'enjeu des pages qui suivent…
Sauf que Claire Genoux s'amuse à brouiller les pistes, à instiller le soupçon. Pourquoi ce malaise persistant? Lynx aurait-il quelque chose à voir avec la mort de son père? L'été et la saison touristique arrive avec son lot de touristes et de promeneurs qui peuvent se restaurer. Lilia vient lui prêter main-forte. Avec son fils, elle a aussi envie de trouver dans la maison d'enfance un refuge, un endroit pour écrire.
Verba volant, scripta manent
Lynx pressent que si les paroles s'envolent, les écrits restent et que leur force est colossale. « Lynx ne sait pas comment on capte les histoires, comment on s'y prend avec la viande des mots ou comment on coupe à l'intérieur pour faire des poèmes. Comment ça fusionne, comment c'est rassemblé après dans le livre. Mais il peut bien s'imaginer que quelque chose tombe en obscurité comme quand il s'avance dans les branches, quand il se rapproche des bêtes qui soufflent. Il peut se l'imaginer et qu'ensuite quelque chose doit être accompli, qu'il faut frapper aux mots comme lui, Lynx, il frappe aux troncs et qu'il faut venir tout près pour sentir dessous ce qui se passe. Alors seulement on mérite sa place contre la nuit. »
La romancière nous en donne du reste la plus belle des démonstrations. Son écriture est de celle qui envoûtent et qui emportent les lecteurs.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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