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Critique de MarcelineBodier


Voilà un livre qui est une vraie bonne surprise. Une bonne surprise, alors que la quatrième de couverture est alléchante et laisse penser dès le départ qu'on ne sera pas déçu ? Eh bien oui : on nous annonce un livre cynique, dont on se demande jusqu'où l'auteur va le pousser et comment il pourra bien conclure son histoire. Eh bien on a bien un livre qui pousse le cynisme jusque dans des retranchements osés, qui débouche sur une conclusion qu'on n'attend pas entièrement, mais qui en plus est loufoque et plein d'humour (j'ai vraiment éclaté de rire à plusieurs reprises) tout en débouchant sur une relecture très inattendue d'un mythe fondateur. Un livre inclassable ? Carrément, et ça fait beaucoup de bien !

J'ai eu la chance d'écouter l'auteur lors de la rencontre organisée avec lui par Babelio (merci encore). Il a retracé la manière dont son parcours l'a mené de l'écriture de scénarios pour la télévision et le cinéma, au roman. Le roman, a-t-il dit, permet d'aller bien plus loin dans la profondeur et la psychologie des personnages : dans un film, les personnages sont ce qu'ils font et disent ; dans un roman, on peut accéder à ce qu'ils pensent. Pour autant, la première version de son manuscrit était encore proche d'un scénario, avant de s'en écarter lors d'un deuxième travail dessus, a-t-il ajouté. Mais il en est quand même resté quelque chose : un rythme, une structure impeccable, un dosage très maîtrisé de la progression de l'histoire.

Or, il se trouve que j'ai découvert récemment avec effroi les livres à suspense américains (L'assassin de ma soeur, Tangerine, pour ne citer que ceux que j'ai chroniqués sur Babelio), calibrés pour faire emprunter au lecteur un chemin plein d'embûches qui sont levées à un rythme mécaniquement asséné par l'auteur, rédigés en appliquant strictement les principes du "show, don't tell", toutes choses qui finissent par ramener les livres à de simples scénarios mis en forme... des livres dont on se dit que des machines auraient pu les écrire. Dans ce contexte, les paroles et le livre de Gilles Gérardin m'ont complètement rassurée sur le fait qu'il existe une alternative à cette grosse mécanique de marketing américaine : il est possible de prendre tout ce qu'il y a de bon dans l'écriture de scénarios, d'en faire un atout pour la construction d'un livre, tout en conservant la fantaisie, l'originalité, l'introspection que permet la forme du roman. Une école française qui résiste au formatage américain ? Je suis pour ! Merci Gilles Gérardin !

Mais si le livre m'avait paru sortir du lot avant même cette rencontre, c'est pour une autre raison. C'est pour ses trois dernières lignes. Attention, si ces lignes peuvent autant frapper, c'est parce qu'on y est préparé à notre insu par les pages qui les précèdent, qui sont excellentes, pour les raisons que je viens d'évoquer. Mais ces lignes ajoutent (explicitement) l'idée que finalement, l'histoire qu'on a lue pourrait aussi être comprise d'une toute autre manière, en en renversant complètement la perspective et en changeant carrément de personnage principal. Elle pourrait être lue en en faisant un mythe revisité. Pour découvrir lequel, il faut lire le livre. Mais on pressent bien que cela donne une dimension supplémentaire à toute l'histoire : les personnages deviennent des personnages mythiques qui accomplissent à leur insu un destin annoncé ; l'histoire devient celle du cheminement de l'inconscient, cet insu qui nous gouverne et nous amène à endosser un destin qui était là mais que nous ne voyions pas avant de l'accomplir.

Je trouve que c'est un vrai ravissement quand on est un spectateur extérieur d'une telle histoire et qu'on réalise qu'on a tout compris, et simultanément, qu'on n'avait rien compris. Je vais de ce pas ajouter le livre à ma liste "Suspense à l'envers" et vous recommande très chaudement cette lecture, qui me paraît parfaite pour l'été : divertissante et grave, légère et profonde, drôle et triste, hantée par la mort et porteuse de vie. Exactement comme notre passage sur terre.
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