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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Howard the Duck: The Complete Collection Volume 1 (épisodes 1 à 16, annuel 1, et autres) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il comprend les épisodes 17 à 31 de la série mensuelle, ainsi que Howard the duck magazine 1, initialement parus entre 1977 et 1979. Steve Gerber a écrit les épisodes 17 à 27, et 29. L'épisode 28 a été écrit par Marv Wolfman, avec des dialogues de Mary Skrenes. L'intrigue de l'épisode 29 a été imaginée par Mark Evanier. Les épisodes 30 et 31 et le numéro 1 du magazine ont été écrits par Bill Mantlo. Les épisodes 17 à 20 et 25 à 27 ont été dessinés par Gene Colan et encrés par Klaus Janson. Carmine Infantino a dessiné les épisodes 21 (encré par Klaus Janson) et 28 (encré par Frank Giacoia). Val Mayerik a dessiné les épisodes 22 (encré par William Wray) et 23 (encré par Mayerik). L'épisode 24 a été dessiné par Gene Colan et encré par Tom Palmer. L'épisode 29 a été dessiné et encré par Will Meugniot. Enfin les épisodes 30 et 31 ont été dessinés par Gene Colan et encrés par Al Milgrom. le magazine 1 est en noir & blanc, avec des dessins de Michael Golden encré par Klaus Janson, puis de Gene Colan encré par Bob McLeod, puis par Dave Simmons.

Le docteur Bong est apparu sur un navire de croisière et a enlevé Howard et Beverly Switzler pour les emmener dans son château perché sur une montagne rocheuse. Il prend Beverly à part pour lui raconter l'histoire de sa vie, et il confie Howard aux bons soins de Fifi, une cane anthropomorphe, mais avec une taille d'humaine et de belles courbes. le docteur Bong confie à Beverly sa réelle identité Lester Verde et comment il en est venu à adopter cette étrange identité masquée. Howard réussit à s'enfuir du château avec l'aide de Fifi, mais il a été transformé en un véritable humain, avec seulement quatre doigts à chaque main.

Ayant retrouvé sa forme de canard, Howard va se retrouver à faire la plonge dans un bar, et à affronter un nettoyant pour toutes les surfaces, ayant une forme anthropomorphe. Par la suite, il est enlevé par l'esprit de Dakim, et il accompagne Jennifer Kale et Korrek dans une aventure spatiale. En revenant d'avoir sauvé l'univers, il se demande ce qu'il va bien pouvoir faire de sa vie. Il va encore se retrouver enrôlé de force dans le Crique du Crime de Maynard Tiboldt (Ringmaster). Enfin le docteur Bong va revenir à la charge et Howard va se voir doté d'une armure technologique, aux options pas tout à fait comparables à celle d'Iron Man.

Le premier tome de ces rééditions avait permis au lecteur de découvrir les obscures origines d'Howard le canard, dans les pages de la série Man-Thing, puis la première partie de ses aventures écrites par son créateur Steve Gerber. Ce deuxième tome contient la deuxième partie des épisodes écrits par Gerber, avant qu'une dispute entre lui et les responsables éditoriaux ne l'amène à claquer la porte, abandonnant sa création contre sa volonté, et la laissant entre les mains de Bill Mantlo. En regardant qui a fait quoi dans les pages de titre, le lecteur se rend compte (ou se souvient) qu'à l'époque certains scénaristes de Marvel pouvaient être leur propre responsable éditorial sur leur série. Cela explique comment Steve Gerber a pu réaliser des épisodes aussi atypiques par rapport à la production de cet éditeur. Lorsque Jim Shooter a pris les responsabilités d'éditeur en chef de Marvel, il a rétabli la fonction de responsable éditorial sur chaque série, en leur fixant des directives, ce qui a participé au départ de Steve Gerber de sa série.

Effectivement dans cette dizaine d'épisodes écrits par Steve Gerber, il continue à réaliser une oeuvre très personnelle avec un canard anthropomorphe et en respectant les spécificités des comics de superhéros, enfin quelques-unes. Howard n'a pas de superpouvoirs de type offensif, mais il dispose d'une langue bien pendue et d'un regard décillé sur le monde qui l'entoure. Il y a bien un supercriminel, le docteur Bong, et de la technologie d'anticipation peu crédible. Mais le docteur Bong est déjà une parodie bien décalée, un supercriminel à tête de cloche (une vraie cloche dans les 2 sens du terme), qui se tape sur la tête pour déclencher ses superpouvoirs, ces derniers ne semblant pas connaître de limite. Les supercriminels du cirque du Crime sont traités de manière plus classique, mais il y en a quand même un qui arrive à se plaindre de la situation économique. La dame persuadée d'une conspiration pour voler les reins des humains est de retour, et Howard se retrouve embringué dans une parodie de Star Wars qui n'en est en fait pas du tout une.

Comme dans le premier tome, Steve Gerber se sert de la série comme d'une thérapie pour exposer quelques-unes de ses opinions et de ses états d'âme, non pas à l'état brut du ressenti, mais avec une réflexion. La récupération de quelques éléments visuels de Star Wars (le premier Épisode IV : Un nouvel espoir, 1977) commence en fait avec le retour de personnages issus de Man-Thing by Steve Gerber: The Complete Collection Vol. 1, rappelant le lien entre Howard et cette série. Bien vite, l'histoire se transforme en une métaphore sur la commercialisation outrancière des produits dérivés, avec une pique supplémentaire contre les californiens qui incarnent une race d'êtres humains uniquement dans le paraître, se soumettant sciemment aux diktats de l'apparence, sans aucune réflexion quant au système auquel ils participent et qu'ils entretiennent. On est loin de la simple récupération d'un succès populaire pour profiter de sa notoriété.

Alors même que le lecteur suit les aventures du canard, avec des affrontements physiques et des ennemis, il plonge dans les dialogues et dans les pensées d'Howard, découvrant un personnage (et donc un auteur) qui s'interroge sur la condition humaine, sur l'absurdité de son existence, sur la bizarrerie de tout ceux dont il croise le chemin, sans parler de la sienne (un canard prisonnier d'un monde qu'il n'a pas créé). le lecteur découvre l'origine secrète du docteur Bong, à la fois très en phase avec le pauvre individu méprisé qui cherche à prendre sa revanche sur le monde, à la fois une critique acerbe contre le journalisme sensationnaliste, déconnecté des faits, et une attaque en règle contre les individus qui se font mousser en calomniant les autres. le scénariste en rajoute une couche plus discrète avec les formes de Fifi, calquées sur une silhouette féminine parfaite, en décalage avec la forme de canard d'Howard, plus animale, comme si les femmes devaient conserver leur beauté physique quelle que soit leur nature. Au fil de ces épisodes, Steve Gerber donne son avis sur les ligues morales tentant d'aseptiser la réalité et donc d'imposer une norme à laquelle tout individu doit se plier, sur les mécanismes du show business et sur la réalité derrière l'image d'une star, sur la manière de transformer une cause charitable (une maladie incapacitante) en spectacle éhonté. Il se pose des questions existentielles comme celle d'être un individu dans une société consumériste, de savoir quoi faire après avoir accompli un acte remarquable ou atteint un objectif essentiel, ou encore d'être considéré par son entourage comme quelqu'un avec une attitude trop souvent négative.

En même temps, Steve Gerber ne donne jamais l'impression de se prendre au sérieux. Pour commencer, il a choisi un canard anthropomorphe comme personnage principal, ce qui constitue une image irréaliste, enfantine, et donc pétrie de dérision. Ensuite, ce scénariste se montre régulièrement très drôle, que ce soit de manière visuelle (un face à face entre Howard et Bong dans une minuscule salle de bain avec un joli rideau de douche), ou avec un produit nettoyant multi-usage qui acquiert une forme humaine et une forme de conscience. Les récits comprennent également des éléments plus réalistes, comme les prostituées ou les revendeurs de drogue dans un quartier mal famé, ou encore le choix très pragmatique de Beverly Switzler quant à son mariage arrangé. La personnalité de Steve Gerber s'exprime en toute liberté dans ces épisodes, et il est à nouveau possible de dire qu'Howard le canard c'est lui.

En consultant rapidement la page de garde, le lecteur est rassuré de voir que Gene Colan a illustré 8 des épisodes écrits par Steve Gerber. Il retrouve ces formes aux contours pas toujours très bien finis, ou en tout cas présentant des angles inattendus, des détails de forme pas forcément réalistes. Il retrouve également cette propension à utiliser des cases en trapèze pour accentuer les mouvements des personnages. Pour une raison non explicite, Gene Colan en diminue leur proportion pour presque ne plus les utiliser arrivé à moitié du tome. À l'exception du docteur Bong et des criminels du Cirque du Crime, les personnages ont une morphologie réaliste. En particulier il croque quelques rombières très convaincantes. le dessinateur a également décidé de donner une taille de vrai canard à Howard, ce qui donne lieu à quelques gags visuels du fait de sa petitesse. Grâce à l'implication de Gene Colan, le lecteur promène son regard dans des endroits spécifiques et reconnaissables : les rues de New York, le château médiéval du docteur Bong, plusieurs établissements de restauration, et même leur cuisine, un magasin de vêtements, une banlieue dortoir, un chapiteau de cirque. Étrangement, l'encrage de Klaus Janson convient mieux que celui de Tom Palmer pour donner une apparence légèrement plus dure aux dessins de Gene Colan.

Les dessins de Val Mayerik présentent une esthétique plus classique pour un comics, avec des détails de temps à autres, mais une sensation plus descriptive, et moins vivante que les dessins de Gene Colan. L'épisode 28 est un épisode bouche-trou. À l'époque, les responsables éditoriaux demandaient à une autre équipe artistique de réaliser une histoire en 1 épisode (inventory issue), indépendante de la continuité, susceptible d'être publiée si l'équipe en place sur le titre prenait trop de retard sur les délais. Sur cet épisode 28, Carmine Infantino se montre très convaincant, avec des personnages étonnants (en particulier cette espionne du troisième âge), même si ses décors sont dessinés de manière plus enfantine que ceux de Gene Colan. Marv Wolfman ne s'en tire pas trop mal pour une histoire bien loufoque sous forme de comédie de situation à base d'espionnage, mais dépourvue de l'implication personnelle de Steve Gerber.

L'épisode 29 marque donc le début de la fin pour la carrière de Steve Gerber chez Marvel. Il utilise une intrigue conçue par Mark Evanier, le coscénariste et dialoguiste de Groo de Sergio Aragonés. La narration conserve le mordant et les sarcasmes de Steve Gerber, avec un jeu sur la dualité de l'apparence et de la réalité d'un individu. Will Meugniot (un collaborateur régulier de Mark Evanier sur d'autres séries) réalise des dessins plus descriptifs et plus tassés, plus denses en informations visuelles. Steve Gerber claque alors la porte de Marvel et Bill Mantlo lui succède.

Dans ces 2 épisodes (30 & 31) et le premier numéro sous format magazine, Bill Mantlo ne démérite pas. Il hérite d'une série qui était l'extension de son créateur originel, ainsi qu'une forme de bande dessinée dans laquelle il abordait les sujets qui lui tenaient à coeur. À l'évidence, Bill Mantlo n'est pas Steve Gerber, mais il ne peut pas non plus s'éloigner trop de la dynamique de la série. Il conserve donc ce canard qui parle, ainsi que ses sarcasmes. Il ramène le docteur Bong comme ennemi principal, et il en profite aussi pour rapatrier Beverly Switzler, toute désignée comme second rôle régulier. Il conserve le principe d'intrigues farfelues, Howard héritant d'une armure conçue sur mesure par un inventeur s'appelant Stark, mais très farfelu et sans aucun lien de parenté avec Tony Stark. Ces 2 épisodes se lisent avec plaisir, grâce à l'humour ironique et aux dessins de Gene Colan toujours en forme. Mais le coeur du récit n'y est plus, car Bill Mantlo s'accroche à l'intrigue et aux gags, en s'affranchissant de toute vision personnelle du monde qui entoure Howard. L'histoire en 3 partie racontée dans le magazine relève de la même eau, avec des dessins très agréables. En lisant l'introduction, le lecteur apprend qu'à l'époque il s'agissait d'une forme de consécration pour un personnage d'accéder à un magazine de BD en noir & blanc, car ils étaient destinés à un lectorat plus adulte.

Ce tome se termine avec 6 pages de gags extraits de Crazy Magazine (un décalque du magazine MAD, à la sauce Marvel), une interview de 4 page de Gene Colan & Steve Gerber réalisée en 2008 à l'occasion de la parution de Howard the duck Omnibus et de nombreuses publicités internes dans les comics de Marvel, pour la série et le magazine Howard the duck avec des dessins de Gene Colan, Frank Brunner, Marko Djurdjevic et Frank Cho. La suite des épisodes écrits par Bill Mantlo a également bénéficié d'une réédition dans Howard the Duck: The Complete Collection Vol. 3 (contient Howard the duck Magazine 2 à 7).
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