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Critique de ecceom


Ce n'est peut-être pas le meilleur volume de la série, la faute en incombant à une histoire un peu statique qui nous donne l'impression d'assister de très loin à la guerre civile espagnole, Gibrat confinant ses personnages dans le petit village d'Alcerita, qui protège la vallée d'Alcarras.
Sans doute est-ce à l'image du personnage de Matteo, à la fois toujours là, dans les tranchées, en Russie, en Espagne...et se cherchant sans cesse. Sans doute est-ce aussi la volonté de Gibrat, de mettre les destins individuels au premier plan. Quoi qu'il en soit, cet album comme les précédents de cet auteur, se situent à cent coudées au dessus de la production moyenne.

Nous retrouvons donc la petite troupe que Matteo commande vaguement (les anarchistes marchent difficilement au pas), qui s'apprête à passer l'hiver. Peu de faits d'armes à signaler, hormis un échange de prisonniers : la belle infirmière Amélie (qui était tombée aux mains des franquistes), contre le curé sniper. Ce deal convient si peu à Aneschka la polonaise, toujours un peu jalouse de la relation pourtant platonique entre Matteo et sa "femme d'à côté" de sa vie, qu'elle n'hésite pas à déséquilibrer la balance commerciale entre les deux factions en abattant le corbeau caudillophile.
Curieusement, cette entorse à l'accord n'emporte guère de conséquences immédiates. Ça ne va pas toutefois pas durer, les franquistes poursuivant leur conquête inexorable du pays face à des adversaires désunis et démunis, partagés entre communistes instrumentalisés et anarchistes inadaptés. Pim, Pam, POUM.

L'intérêt est ailleurs que dans les scènes de combat. Gibrat excelle à cerner la psychologie de ses personnages par petites touches légères, distillant même ses retournements de situations avec délicatesse. C'est ainsi que Matteo va découvrir par hasard sa véritable identité et avoir confirmation que son destin de pacifiste contrarié est quand même sacrément joueur. Certaines scènes tout en nuances, peignent malgré tout l'horreur (on comprend qu'Amélie n'est pas revenue tout à fait intacte de sa captivité) .

Faut-il encore parler du dessin ? Même si on pourrait s'étonner (encore que du "Vol du Corbeau" au "Sursis", c'était déjà le cas) de la similitude de traits entre ses différentes héroïnes, il faudrait quand même être un sacré pisse-froid pour s'y attarder. Car Gibrat dessine divinement bien et procure du plaisir à chaque vignette, paysages noyés de soleil ou ouatés par la neige, trognes de caractère et femmes -on y revient- sublimes.

En revanche, il importe de souligner qu'encore une fois, le texte est à la hauteur avec des dialogues précis, drôles ou désabusés : "dire que gamine je rêvais de faire de la musique, j'aurais juste fait un peu de bruit", "Au son émoussé des canonnades, nous mesurions le recul du front. La guerre se déchirait un peu plus loin. L'aviation nous la raccommodait", "je l'ai vu grandir et devenir le contraire de ce que j'espérais...et dans cette image inversée de vous-même, vous vous reconnaissez un peu, c'est ça le plus douloureux", "vous êtes la femme d'à côté de ma vie, ma chère Amélie et c'est parfait ainsi"....

Matteo retrouve la France à un moment où le pire est pressenti, le brouillon de la guerre d'Espagne prêt à se transformer en grande fresque tragique, un cran supplémentaire vers l'abomination.

1939 est à venir et sans issue.

MA-GNI-FIQUE !
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