AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ecceom


Au nom du père, du fils et des sains d'esprits

A l'heure où Angoulême essaie de faseyer entre fausse audace et rattrapage promotionnel de minorités, Gibrat conclut sa série Mattéo.

Ce 6ème tome n'est même pas forcément le meilleur. Je trouve que Gibrat a précipité la fin, en réunissant certains personnages de manière un peu forcée, comme s'il mettait à regret un point final à sa saga.
Pourtant, il va falloir se faire une raison. C'est fini.

Cette légère réserve fait que je ne lui accorde que 5 étoiles au lieu des 6 ou 7 que cette BD mériterait.

Depuis le début de la série, en 1914, Matteo oscille entre mauvais choix et abandon aux mains du destin, pour un résultat à peu près identique. Après avoir connu les horreurs des tranchées puis la désertion, la Révolution russe, le Bagne et la Guerre d'Espagne, il aurait mérité de souffler un peu.
D'autant plus que ce monde pour lequel il a combattu lui tourne le dos : Franco a triomphé et le Pacte germano-soviétique vient d'être signé. Dur dans ces conditions, de rester un « pessimiste sifflotant ».

Lui reste-t-il au moins, son amour pour Juliette qui lui a tant coûté ? Même pas.
Mattéo comprend enfin que leurs destins ne seront plus liés, Juliette étant incapable de lui faire une place, à côté de « son » fils.
Mattéo qui a eu tant de mal à dire « notre fils » (voir Mattéo 3ème période), ne supporte plus que Juliette se l'approprie de manière exclusive

L'éditeur a apposé un sticker « La grande saga historique s'achève », mais Mattéo est avant tout une aventure humaine et cette 6ème époque est placée sous le signe de l'identité et de la transmission.
Alors que Mattéo vient tout juste d'apprendre qui était son père, il découvre également que son fils, Louis, qui été corseté dans un environnement très réactionnaire, a réussi à s'extraire en grandissant, de cet héritage culturel.

Se sentant désormais plus proche de lui, Mattéo comprend qu'il est temps d'aller à sa rencontre et de lui avouer qu'il est son père. Seul obstacle à ces retrouvailles souhaitées : Louis, lieutenant dans l'armée française, est prisonnier des Allemands, à Sedan. Matteo va prendre une nouvelle fois la route, allant à l'encontre de la foule qui fuit la débâcle. A contre-courant, encore. On pourra aussi noter qu'une fois de plus, l'histoire finit sur l'eau, comme dans 4 des 5 volumes précédents (les 3 premières époques et la 5ème).

Mattéo, sa mère, Juliette, Paulin, Amélie, Louis…tous les survivants sont là pour une ultime revue des troupes. A qui s'ajoutent des gendarmes et un curé qui semblent tout droit sortis d'une chanson de Brassens (pour les premiers : « Depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache, moi, dont le cri de guerre fut toujours « Mort aux vaches ! » Plus une seule fois je n'ai pu le brailler » et pour le second : « Anticléricaux fanatiques, gros mangeurs d'ecclésiastiques, quand vous vous goinfrerez un plat de cureton, je vous exhorte, Camarades, à faire en sorte, que ce ne soit pas celui-là. »). Pour son dernier album de Mattéo, Gibrat se montre magnanime avec les porteurs d'uniforme.

Côté dessin, avec sa technique de vernis successifs, c'est comme d'habitude, du grand art. Ses femmes sont souvent ressemblantes, il le sait, il l'assume et il a raison.

Mais là où peut-être, Gibrat est le plus impressionnant, c'est dans sa maitrise du récit et des dialogues. Même sans dessins, l'histoire de Mattéo serait remarquable. Peut-être faudra-t-il qu'un jour, elle soit reprise sous forme de roman ou de film pour que l'immense talent de Gibrat soit reconnu à sa juste valeur.
.
En attendant, même s'il ne fréquente pas les plateaux télés et ne squatte pas les pages des hebdomadaires, cet auteur livre à nouveau un très grand album.
Commenter  J’apprécie          62



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}