AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sachenka


Tout petit roman, que cette Symphonie pastorale. On pourrait le prendre pour une plaquette sans prétention… presque … Et pourtant. Il est tout comme une symphonie, il commence tranquillement puis évolue et se transforme en une explosion… de mots, de descriptions, de sentiments. Les meilleurs romans n'ont pas besoin d'être des pavés, et l'auteur français André Gide l'a bien compris. Mais attention, si vous cherchez l'action et l'aventure, vous feriez mieux de passer votre chemin.

Le narrateur est un pasteur. Sa promenade quotidienne l'amène à un endroit qu'il n'était plus habitué de fréquenter et il aboutit dans une ferme des parages, où une femme se meurt en laissant derrière elle une lointaine parente, une jeune fille pré-pubère et aveugle. Le narrateur prend sur lui de s'en occuper. Sa femme Amélie n'est pas très chaude à l'idée… c'est qu'ils ont déjà cinq enfants. Mais, fidèle à son habitude, Amélie s'emmure dans son silence pendant que son mari n'est fait qu'à sa tête. C'est ce que son âme chrétienne, protestante lui dicte de faire.

En plus de la religion (une certaine austérité protestante) et de l'évocation de la nature, André Gide exploite un nouveau thème, le mythe de l'enfant sauvage ?

La petite, Gertrude, s'épanouit en même temps que le printemps se pointe. le pasteur s'occupe d'elle, peut-être mieux que ses propres enfants. Mais c'est compréhensible, non ? Ses enfants qui ont tout ce qu'il faut alors que la pauvre orpheline… « Les premiers sourires de Gertrude me consolaient de tout et payaient mes soins au centuple. Car ‘'cette brebis, si le pasteur la trouve, je vous le dis en vérité, elle lui cause plus de joie que les quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne se sont jamais égarées''. » (p. 41) Ajoute-t-il, paraphrasant la Bible.

Puis, après les sourires, les traits de Gertrude s'animèrent. Une véritable transformation s'opère. le pasteur lui décrit les paysages. Les comparaisons avec la musique lui viennent naturellement. N'est-ce pas la musique de Beethoven qui a amené la phrase : « Chaque paysage est un état d'âme » ? C'est un éveil dans tous les sens du terme ! Parfois, j'avais l'impression de lire du Jean-Jacques Rousseau. Je trouvais à la plume d'André Gide un petit quelque chose des grands romantiques. Avec cet univers bucolique, presque pur, difficile de ne pas faire la comparaison. Et le pasteur y contribut à sa façon, en protégeant la petite et son bonheur, en lui cachant la laideur du monde et le Mal qui se trouve au coeur des hommes. Un brin mouich-mouich. Sortez les mouchoirs ! L'auteur ne pouvait rester dans les descriptions de paysages bucoliques, de sentiments purs, de mièvreries trop longtemps.

En effet, l'ainé du pasteur, Jacques, s'éprend de la jeune fille. le père s'y oppose farouchement. Il envoie son fils étudier à l'extérieur, puis, pour être certain, envoie Gertrude en pension chez une amie. Mais il veut la protéger ou la garder pour lui ? Dans tous les cas, il ne peut rester longtemps loin d'elle. À ce point, je commençais à me douter des sentiments inavoués (enfouis ?) du pauvre pasteur. Évidemment, sa stricte morale protestante l'empêche de jouir du bonheur.

Et c'est là que le style d'André Gide se trouve réaffirmé : au moment où tout semblait aller pour le mieux (Gertrude se fait opérer elle voit à nouveau), un moment d'une grande tristesse, tragique, devait aller de pair. Si tout le livre tourne autour du conflit entre la morale religieuse et les sentiments, le dénouement va encore plus loin et permet une critique de la morale protestantisme, qui voit le Mal partout. Jacques rejette le protestantisme et se tourne vers le catholicisme. Pire, il joint les ordres. C'est admettre la défaite. La symphonie pastorale se termine dans un dernier mouvement saisisant, mémorable. À lire !
Commenter  J’apprécie          620



Ont apprécié cette critique (49)voir plus




{* *}