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Critique de PierreTristan


ZOARTOÏSTE de Catherine Gil Alcala L'enfance de l'art par Odile d'Harnois dans Lectures au Coeur‏

Il arrive quelquefois que le titre d'une oeuvre porte en lui toute l'originalité d'une démarche artistique. C'est le cas du texte de Catherine Gil Alcala, Zoartoïste, paru en 2016 aux éditions de la Maison brûlée. Comme une énigme littéraire, le néologisme qui débute par un « Z » – les mots français qui présentent une initiale en « z » sont très rares – apparaît d'emblée au lecteur comme un assemblage aléatoire de syllabes éclatées qui auraient été opportunément prélevées dans d'autres mots. Cette esthétique que j'appellerai de « bouts de ficelle » – bricoleuse et ludique – sert de garde-fou à une écriture poétique échevelée qui se justifie par son rapport étroit à l'enfance. Entre théâtre et poésie, Zoartoïste trouve en effet son centre de gravité autour du jeu.

Jeu scénique tout d'abord avec une oeuvre qui s'organise en 15 miroirs. La raison d'être du théâtre n'est plus ici de donner à voir (scènes), mais de refléter (miroirs), comme pris sur le vif dans le public, tout un pan universel de l'être : l'expérience commune non seulement de la vie et de la mort, mais aussi, en particulier, de l'enfance, ce temps de « l'initiation » ressenti par le personnage éponyme de la pièce, Zoartoïste, comme un passage à haut risque, « une traversée de la mer incendiée ».

Jeux de langue ensuite avec un style hallucinatoire, où l'image et le son coexistent dans un « flux de visions et de projections », haletant, intense, destiné aux performances, aux prouesses oratoires des comédiens. Énumérations, listes interminables, exclamations, onomatopées se mettent au service d'une exploration incantatoire de cette « hémorragie de l'imaginaire » qui, autour du verbe créateur, construit chaque petit d'homme : les rêves, les terreurs nocturnes, les cauchemars, les « images empoisonnées », les « mirages » et les « cris à l'unisson des hallucinations ».

Jeu tragique enfin avec un texte nourri de mythologie grecque. Dans le sillage des grands auteurs tragiques – Eschyle, Sophocle, Euripide – , Zoartoïste cherche par le biais de l'émotion cathartique à désamorcer toutes les folies qui menacent. Car « la mort n'est rien qu'un jeu d'enfant » et partout « le monde mythologique jaillit dans la plaie ouverte du traumatisme ».

Mais dans chaque artiste sommeille un enfant et le jeu créatif, le jeu de rôles, le théâtre, l'art s'inventent aussi au fil de ces premiers éclats du logos et au gré des premiers émois imaginatifs de l'être. Si l'on se souvient qu'en grec ancien, « zoe » signifie la vie, le néologisme « Zoartoïste » esquisse alors un art de vivre, où l'art occupe une place centrale, s'élève même au rang de religion, à en croire la terminaison du mot qui évoque le taoïsme. Oeuvre électrique, traversée d'une puissante vitalité, Zoartoïste s'offre ainsi à lire comme une défense brûlante de l'art qui construit l'être et qui sauve.

O.d'Harnois
Lien : https://lecturesaucoeur.fr/z..
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