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Citations sur George Orwell, de la guerre civile espagnole à 1984 (8)

Le totalitarisme a étouffé la liberté de pensée à un point encore jamais vu [...] [Il] ne se contente pas de vous interdire d'exprimer - et même de concevoir - certaines pensées : il vous dicte ce que vous devez penser, il crée l'idéologie qui sera la vôtre, il s'efforce de régenter votre vie émotionnelle et d'établir pour vous un code de comportement. Il met tout en oeuvre pour vous isoler du monde extérieur, vous enfermer dans un monde artificiel où vous n'avez plus aucun point de comparaison. L'Etat totalitaire régit, ou en tout cas essaie de régir, les pensées et les sentiments de ses sujets au moins aussi complètement qu'il régit leurs actes.

George Orwell

Page 160
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Le supplice de Nin, écrit Hernandez, commença par le procédé "sec". Une persécution implacable pendant 10, 20, 30 heures durant lesquelles se relaient les bourreaux, posant toujours les mêmes questions : "Avouez", "reconnaissez" [...] "c'est mieux pour vous", et les conseils, les menaces les insultes [...]
C'est un procédé scientifique qui tend à détruire l'énergie mentale de l'individu, à le démoraliser. Peu à peu, la fatigue physique le terrasse, l'absence de sommeil émousse ses sens, sa volonté s'effrite. On le fait se tenir debout pendant des heures et de heures, sans lui permettre de s'asseoir jusqu'à ce qu'il chancelle, coupé en deux par des maux de reins insupportables. Lorsqu'il arrive à ce point de fatigue, le corps s'alourdit terriblement et les vertèbres cervicales se refusent à soutenir la tête [...]
Les pieds gonflent et un épuisement mortel s'empare de l'être exténué qui ne souhaite plus qu'une chose : fermer les yeux, oublier son existence et celle du monde entier. Quand il est matériellement impossible de continuer "l'interrogatoire", on traîne le prisonnier jusqu'à sa cellule. On le laisse tranquille pendant quelques minutes, juste ce qu'il faut pour lui permettre de retrouver un peu son équilibre mental et de commencer à prendre conscience de ce qu'il y a d'insoutenable dans la prolongation de son supplice [...]
Au bout de 20 à 30 minutes de repos, la séance reprend... chaque minute est une éternité de souffrance. Le prisonnier vacille, titube. Il ne discute plus, ne se défend plus, ne réfléchit plus ; il veut seulement qu'on le laisse dormir, reposer, s'asseoir. Et les jours et les nuits se succèdent. Il sait qu'il lui est impossible de sortir vivant des griffes de ses bourreaux, et tout son être se concentre sur un ultime désir : vivre en paix ses dernières heures, ou être achevé le plus tôt possible.

Andrés Nin, cependant, résistait d'une façon incroyable [...]
Aucun signe de cette déroute mentale amena quelques-uns des vieux collaborateurs de Lénine à l'abdication inouïe de toute volonté [...] à se couvrir d'infamie, sans oser proférer la moindre accusation contre celui qui étranglait la révolution [...]. Nin ne capitula pas... Ses bourreaux s'impatientaient. Ils décidèrent [...] de passer à l'épreuve de "fermeté" : la peau arrachée, les muscles déchirés, la souffrance physique poussée jusqu'à l'ultime limite de la résistance humaine. Nin supporta la torture et la douleur des tourments les plus raffinés. Au bout de quelques jours, son visage n'était plus qu'une masse informe de chairs tuméfiées. Orlov, frénétique, affolé par la peur du scandale qui pouvait signifier sa propre liquidation, bavait de rage devant cet homme malade qui agonisait sans "avouer" et sans dénoncer ses camarades de parti.


Jesus Hernandez, extrait de "La grande trahison", paru en 1953. Pages 103-107
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"Staline, qui, au cours des années 1930, avait sacrifié en Russie plus de dix millions de petits propriétaires pour appliquer une terrifiante collectivisation forcée, obligea les communistes espagnols [...] à la liquidation des collectivités et des coopératives agraires, au nom du maintien ou du rétablissement de la propriété privée. Et ces mêmes communistes, qui en 1931, avaient préconisé la création des soviets au moment de la proclamation de la République, lorsque s'ouvrait le processus de révolution démocratique, exigèrent la liquidation impitoyable des comités dans toute la zone républicaine, alors que nous assistions à une authentique révolution sociale." (Julian Gorkin, dans "les communistes contre la révolution espagnole", sorti en 1978, extrait de la page 79)

Page 74

Julian Gorkin (de son vrai nom Gomez) fut l'un des principaux dirigeants du POUM durant la guerre d'Espagne

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Avant leur départ de Barcelone, Orwell et sa femme avaient rendu visite à leur ami, le Belge Georges Kopp, alors détenu dans une prison de Barcelone. Kopp avait été le commandant d’Orwell sur le front d’Aragon. Détenu pendant 18 mois, du 20 juin 1937 au 7 décembre 1938, sans avoir jamais été inculpé, il pourra finalement en sortir vivant, grâce à une campagne internationale en faveur de sa libération, mais dans un terrible état de détérioration physique et morale après autant de mois de sévices corporels et de torture. Robuste et en pleine santé avant son emprisonnement, il avait été transformé en un vieillard courbé ne pouvant se déplacer qu’avec l’aide d’une canne, souffrant du scorbut et d’un empoisonnement du sang.
Au cours de sa détention, il fut interrogé 27 fois, pendant 135 heures en tout, par ses tortionnaires russes qui communiquaient avec lui par l’intermédiaire d’un interprète, utilisant tour à tour la flatterie, l’intimidation, la coercition et les menaces. On a tenté de lui faire signer des « aveux » par lesquels il aurait déclaré que le POUM regorgeait d’espions et de traîtres. Devant son refus, on l’avait enfermé pendant 12 jours dans l’isolement complet d’un cachot infesté de rats, supplice qui s’est terminé par le cri d’un garde de la prison venu lui dire : « Cette nuit nous te fusillons ! » Ces mois de supplice étaient la récompense offerte à ce militant révolutionnaire, qui, dès l’éclatement de la guerre civile, avait tout sacrifié, famille, emploi, nationalité, et quitté la Belgique pour venir en Espagne. Immédiatement mené sur le front d’Aragon, il y avait bravement dirigé sept batailles importantes pendant son séjour, avant d’être jeté en prison « en tant qu’espion et traître ». L’interminable torture de Kopp avec le recours aux rats et sa transformation en vieillard courbé et décharné ne sont pas sans évoquer l’image du personnage fictif de Winston Smith créé par Orwell dans 1984 et la cure de « guérison » que lui fait subir son tortionnaire O’Brien.
Pages 115-116
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Le monde dans lequel nous sommes destinés à dégringoler, le monde de la haine et des slogans. Les chemises de couleur. Les barbelés. Les matraques en caoutchouc. Les cellules secrètes où la lumière électrique brûle nuit et jour et le policier qui vous surveille pendant votre sommeil. Et les défilés d'affiches avec des visages gigantesques, et les foules de millions de personnes qui acclament le chef jusqu'à ce qu'elles soient persuader de l'adorer, tout en lui vouant une haine mortelle à en vomir. Tout cela va arriver. Ou est-ce évitable ? Certains jours je pense que c'est impossible, d'autres je sais que c'est inévitable.
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Après avoir rompu en 1940, non seulement avec le marxisme, mais avec la gauche en général, pour entreprendre une évolution qui le mènera jusqu'à la droite la plus extrême, Burnham publie en 1947 un ouvrage intitulé 'The Struglle for the World" (Pour la domination mondiale), recensé par Orwell dans un article publié la même année, dans lequel il révise entièrement la vision des choses qu'il a présentée dans ses deux ouvrages précédents. La découverte de la bombe atomique ayant bouleversé le rapport des forces à l'échelle mondiale, les Etats-Unis, à ses yeux, doivent prendre l'initiative d'établir un empire mondial. Pour la sauvegarde de la civilisation, il faut que les armes atomiques soient monopolisées par une seule puissance. Le nombre de super-Etats se réduisant désormais à deux, les Etats-Unis et l'URSS, tous les moyens doivent être pris pour assurer la domination sans équivoque des Etats-Unis, y compris l'interdiction du Parti communiste des Etats-Unis par l'usage de moyens identiques à ceux qui sont alors utilisés en URSS pour éliminer les opposants. Le "totalitarisme des organisateurs" n'est plus à ses yeux le prochain stade le prochain stade inévitable de l'évolution de l'humanité. Il faut plutôt tout mettre en oeuvre pour en empêcher la progression avant qu'il ne soit trop tard ; c'est la "démocratie traditionnelle" qu'il faut préserver, en l'imposant si nécessaire par la force au reste du monde. En somme, "si on aime la démocratie, on doit être prêt à écraser ses ennemis par n'importe quel moyen", comme le résume Orwell dans la préface de "La ferme des animaux". A la lumière des invasions successives de l'Irak et de l'Afghanistan par les Etats-Unis et des mises en demeure proférées à l'égard d'autres Etats désignés comme constituant des menaces pour le "monde libre" au cours de la dernière décennie du XXème siècle et de la première du XXIème, il est impossible de ne pas constater la vertu anticipatrice de cette théorie révisée de Burnham, d'une nouvelle forme de totalitarisme prétendant défendre la "démocratie" par des moyens totalitaires.

Page 203
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A la mort de John Reed, l'auteur de Ten Days that Shook the World (Dix jours qui ébranlèrent le monde) - témoignage de première main sur tout débuts de la révolution russe - le copyright de son livre devient la propriété du Parti communiste anglais [...]
Quelques années plus tard, après avoir détruit tous les exemplaires de la première édition sur lesquels ils avaient pu mettre la main, les communistes anglais publièrent une version falsifiée d'où avait disparu toute mention de Trotsky, ainsi d'ailleurs que l'introduction rédigée par Lénine.

George Orwell

Page 170
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Je me rappelle avoir dit un jour à Arthur Koestler : "L'histoire s'est arrêtée en 1936", ce à quoi il a immédiatement acquiescé d'un hochement de la tête. Nous pensions tous les deux au totalitarisme en général, mais plus particulièrement à la guerre civile espagnole. Tôt dans ma vie, j'ai remarqué qu'aucun évènement n'est jamais relaté avec exactitude dans les journaux, mais en Espagne, pour la première fois, j'ai vu des articles de journaux qui n'avaient aucun rapport avec les faits, ni même l'allure d'un mensonge ordinaire. J'ai lu des articles faisant état de grandes batailles alors qu'il n'y avait eu aucun combat, et des silences complets lorsque des centaines d'hommes avaient été tués. J'ai vu des soldats qui avaient bravement combattu être dénoncés comme des lâches et des traîtres, et d'autres, qui n'avaient jamais tiré un coup de fusil, proclamés comme les héros de victoires imaginaires [...]
J'ai vu, en fait, l'histoire rédigée non pas conformément à ce qui s'était réellement passé, mais à ce qui était censé s'être passé selon les diverses "lignes de parti" [...]
Ce genre de choses me terrifie, parce qu'il me donne l'impression que la notion même de vérité objective est en train de disparaître de ce monde [...]
A toutes fins utiles, le mensonge sera devenu vérité [...]
L'aboutissement implicite de ce mode de pensée est un monde cauchemardesque dans lequel le Chef, ou quelque clique dirigeante, contrôle non seulement l'avenir, mais le passé. Si le Chef dit de tel évènement qu'il ne s'est jamais produit, alors il ne s'est jamais produit. S'il dit que deux et deux font cinq, alors deux et deux font cinq. Cette perspective m'effraie beaucoup plus que les bombes - et après nos expériences des quelques dernières années, il ne s'agit pas d'une conjecture frivole.



George Orwell
Dans un article intutilé "Looking Back on the Spanish War" (Réflexions sur la guerre d'Espagne), rédigé en 1942 mais dont la version intégrale n'a été publiée qu'en 1953,
Pages 128-129 du livre George Orwell, de la guerre civile espagnole à 1984
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