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Critique de JeanPierreTisserand


Pierre Gilliard a vingt-cinq ans en 1904 lorsque venu de Suisse, il est engagé comme professeur de français par le prince Serge Romanovski, duc de Leuchtenberg pour enseigner le français son fils.
Il séjourne alors à Livadia, en Crimée, mais lorsque les parents de son élève se séparent, il est contacté par la famille impériale russe, pour enseigner le français aux quatre filles du Tsar Nicolas II, puis au fils de celui-ci le tsarévitch Alexei auquel il va se consacrer exclusivement par la suite.

Il tiendra alors un journal durant treize ans, qui reprendra ses observations et ses réflexions. Témoin privilégié, il gagnera la confiance et l'estime de la famille Romanov qu'il accompagnera jusqu'au mois qui précèdera leur exécution dans les sous-sols de la villa Ipatiev à Ekaterinbourg en Juillet 1918.

Bien qu'il ne soit pas monarchiste, et encore moins partisan de l'absolutisme, Pierre Gilliard éprouvera un grand respect pour le Tsar, et beaucoup d'affection pour ses cinq enfants, manifestant une plus grande réserve pour la Tsarine dont il déplore l'influence sur Nicolas II bien qu'il ne reste pas insensible à sa détresse devant la maladie de son fils Alexei auquel elle a transmis le gène de l'hémophilie.

Dans ses mémoires il évoque ses efforts pour mettre en place pour le Tsarévitch une éducation différente, nouvelle, éloignée de celle traditionnelle des princes, qu'il juge artificielle, tendancieuse, faite de flagorneries et dogmatique.
Pierre Gilliard s'efforcera, dans ce monde rigidifié par les traditions, et sans contact avec l'extérieur, de confronter autant que faire se peut, son élève au monde extérieur, en développant son esprit critique et le sens des réalités.
Tâche difficile mais pour laquelle il aura le soutien des parents de l'enfant dont il veut faire un homme juste et droit, sachant faire preuve de sentiments.
Après l'abdication du Tsar, Pierre Gilliard se portera volontaire pour partager la captivité de la famille impériale avec laquelle ses liens se resserreront.
Profondément choqué par le massacre de la famille Romanov, il restera encore quelques temps en Russie pour chercher à élucider le mystère des atrocités qui ont été commises, puis quittera la Russie et rejoindra la Suisse où il rédigera ses Mémoires.

Celles-ci constituent un témoignage exceptionnel et très émouvant sur le quotidien de la dernière famille impériale russe, accompagné d'une vision personnelle et intéressante sur les évènements politiques qui ont eu lieu durant le règne de Nicolas II. Il mettra en valeur l'honnêteté foncière et la loyauté envers ses alliés d'un souverain souvent décrié.
L'écriture est très agréable et fluide. Ce témoignage historique s'avère précieux et touchant
Pierre Gilliard partage les peines et les joies de la famille Romanov, enfants comme adultes, jusque dans les jours sombres et angoissants de l'exil après la Révolution.
Devenu au fil du temps un proche du Tsar, il critique cependant les erreurs de jugement et d'appréciation de celui-ci, et de son entourage dans le gouvernement de l'Etat.
Il pense que l'autocratie, arc-boutée sur des traditions ancestrales a conduit le tsarisme à sa chute, faute d'ouverture sur une société en pleine mutation.
Les effusions de sang qui en découleront seront la conséquence de mauvais choix politiques, et de la désinformation d'un monde replié sur lui-même.

Le récit de cette tragédie et de cette descente aux enfers se
lit avec cependant un grand intérêt. le style est dynamique et soutenu tout au long de l'ouvrage : l'amour profond et indéfectible qui régit les relations entre l'empereur, sa femme et leurs enfants ne s'éteindra qu'avec le massacre perpétré par les bolcheviks dans les caves de la maison Ipatiev.
Riche, documenté et très émouvant il ne peut laisser insensible le lecteur, les personnages révélant leur noblesse dans la tragédie qu'ils vont affronter. Il propose une nouvelle approche, et met en lumière des aspects de la réalité jusque là ignorés, et qui résonnent avec des accents de sincérité.


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