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Critique de Noetique01


Gilson s'attache ici à montrer que la philosophie médiévale n'est pas un simple commentateurisme par rapport à la philosophie antique, que si elle lui doit beaucoup, elle lui a aussi beaucoup donné : philosophes, les penseurs médiévaux l'ont été avec leur originalité propre. Se basant sur les Grecs pour la déduction alors que ceux-ci ne pouvaient pas atteindre, malgré leurs principes, les justes et transcendantes conclusions, les philosophes médiévaux auraient parfaitement saisi le sens philosophique de la révélation chrétienne, même s'il a fallu attendre Saint Thomas d'Aquin ou Duns Scot pour le formuler définitivement. Gilson vise donc à montrer que la philosophie chrétienne est bien spécifique et que la révélation chrétienne a permis à la philosophie d'évoluer, qu'elle informe encore la philosophie moderne privée des fondements métaphysiques qui la justifiaient, dans une espèce de remplacement des fins transcendantes chrétiennes par des forces immanentes (en éthique, c'est particulièrement vrai). Bien entendu, la philosophie chrétienne dont on parle, c'est la philosophie catholique du moyen âge : plus tard, le luthérianisme se devra de mépriser la philosophie scolastique et même, pour tout dire, la philosophie en général, en ce qu'elle traite de la nature que le moyen âge n'a jamais méprisé. Il y a donc plusieurs thèses dans ce livre. Parmi les plus significatives :
- Les modernes s'inspirent, sans toujours le savoir et sans en avoir toute la métaphysique, de la philosophie médiévale, en sorte qu'il y a eu un évènement philosophique spécifiquement chrétien
- La nature n'est pas méprisée, au contraire, puisqu'il s'agit de l'oeuvre de Dieu ; elle est déterminée, en sorte que le hasard n'est pas autre chose que l'intersection de deux plans causaux parfaitement prévus par Dieu, mais la liberté humaine, qui ne se confond pas avec le libre-arbitre (en ce qu'elle vise le bien), est préservée en tant que l'homme peut ce qu'il veut, c'est-à-dire le salut dans la collaboration avec Dieu, dans une contingence sauvegardée pour l'homme
- La révélation chrétienne a permis à la philosophie de saisir la véritable cause efficiente et, en tant que telle, il y a une différence entre le premier moteur grec, qui peut être multiple, et le Dieu chrétien ; il y aussi une prise en compte de la question de l'existence, là où le premier moteur se contente d'être posé. Saint Thomas d'Aquin distingue essence et existence, après des siècles de patiente réflexion chrétienne. En outre, la causalité chrétienne n'est pas la causalité finaliste grecque, car il y a efficience, et c'est Dieu qui est à l'origine de celle-ci, et non les astres qui se contentent de tendre vers une fin purement formelle
- Grâce à la philosophie chrétienne, il est possible de considérer « positivement » l'infini
- le bien est un aspect de l'être, qui n'est rien d'autre que Dieu (on pourrait dire que l'éthique se remplace par une morale)
- etc
Gilson a réhabilité la philosophie médiévale si on entend par là la philosophie chrétienne du moyen âge (il est vrai que la philosophie musulmane n'est pas beaucoup étudiée dans cet écrit). On lui reconnaîtra ce fait, et on lui reconnaîtra la pertinence générale de son discours, qui atteint tout à fait son objectif.
Il s'agit d'un livre d'histoire de la philosophie mais, pour autant, il ne s'agit pas d'un commentaire de textes. Il s'agit davantage d'une réflexion propre sur le sens de la philosophie médiévale chrétienne. Gilson, et il a raison, dira que son livre est avant tout un livre d'histoire. Pourtant, c'est une histoire philosophiquement traitée, bien que les conclusions soient doxographiques plus que doctrinales.
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