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Critique de Unhomosapiens


Envoûtant ! Ce livre est tout simplement envoûtant, pour peu qu'on se laisse entraîner dans la prose de ce très grand poète qu'est Allen Ginsberg. Ginsberg relate ici son long séjour en Inde en 1962 et 63 en compagnie de son ami Peter Orlovsky. Mais attention, il ne faut pas s'attendre à un récit de voyage ordonné, linéaire, alignant les descriptions de ce qu'il voit en les confrontant à ses propres jugements de valeur, comme dans les relations de voyages romantiques. Non, Comme Ginsberg nous le précise en quatrième de couverture, il est en quête de lui-même, plus ou moins à la recherche d'un guru pour donner une autre orientation à sa vie. On peut donc lire ce livre également comme une quête spirituelle. le voyage sera autant géographique que mystique et onirique. Son parcours n'est absolument pas linéaire. On passe de Bombay à Calcutta ou Bénarès quasiment sans transition. Parfois, on le suit dans un train mais bien souvent c'est à son errance en compagnie de mendiants ou de sadhus qu'il nous convie. On le suit également dans son installation provisoire dans des chambres sordides situées au-dessus de rues peuplées de tout une faune bigarrée à laquelle il se mêle avec aisance et une joie non dissimulée. Il s'attache à décrire les contrastes de cette Inde des années 60, pays alors en devenir, encore sous la présidence de Nehru. Il va sans dire qu'il accompagne ses déambulations de substances hallucinogènes dont il fait une énorme consommation avec son ami Peter. C'est d'ailleurs très souvent sous l'emprise de ces substances qu'il nous décrit ses « visions » dont on ne sait plus si elles sont réelles ou provoquées par l'acide ou l'opium. Pas toujours facile de le suivre. Mais il nous offre ainsi un patchwork de sensations d'une grand sensibilité qui entraîne le lecteur dans ses propres divagations personnelles. Qu'importe au fond si on ne peut démêler l'artifice de la réalité. C'est à un voyage total qu'il nous convie. A cela il faut aussi ajouter ses propres rêves nocturnes qui renvoient bien souvent à des situations vécues dans son passé où l'inconscient entrecroise des expériences de son voyage présent. On pourrait penser que c'est inutile mais, au contraire, ces descriptions oniriques viennent enrichir la lecture que nous avons de la réalité de son périple. On notera aussi ses réflexions sur la société et la politique américaine qu'il hait profondément et qu'il dénonce largement ici. Ainsi que ces longues litanies sur les conflits qui ensanglantent alors la planète. Interminable énumération qui a pour objectif de renforcer sa recherche spirituelle pour échapper à ce monde qui semble courir à sa ruine. Il semble fasciné par la mort. A Bénarès, il s'étend longuement sur la vision des cadavres sur les ghâts qui attendent leur incinération pour être ensuite confiés au courant du Gange. Nombreuses descriptions de corps en décomposition, dont les chairs enflent avant d'éclater. La puanteur, la misère, le dénuement le plus total de cette population est sublimé par les croyances religieuses que Ginsberg respecte profondément. Certains lecteurs pourront aussi être choqués par la descriptions triviale des ébats érotiques avec son ami Peter où les défécations nombreuses qui émaillent les promenades de l'auteur.
On l'aura compris, Ginsberg se livre ici à une description de l'humanité dans ce qu'elle a de plus vil et de plus merveilleux. Ce livre semble par moment être un exutoire à son mal-être dont on le sent envahi en profondeur, ce qui explique sa quête mystique inassouvie.
Je ne peux m'empêcher de rapprocher cette lecture de celle des livres de spiritualité et développement personnel que je lis parallèlement. C'est le revers d'une même quête : sublimer, transcender le sordide des contingences par le merveilleux et faire partie de l'harmonie de l'Univers.
J'allais oublier : L'édition que j'ai eu entre les mains propose des dessins et des photos prise par l'auteur qui aident le lecteur à se faire une idée encore plus précise de son voyage. De même, concernant la forme, Ginsberg s'interroge sur la manière d'écrire de la poésie et n'hésite pas à bousculer la tradition du commencement à la ligne à gauche. On doit le suivre parfois dans une écriture en escalier, ou suivre un long texte sans ponctuation, ou bien encore se satisfaire de noms indiens non traduits. Heureusement, cette édition présente un bon lexique de traduction des mots vernaculaires employés.
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