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Critique de Fleitour


Les bastides blanches, à l'ombre des collines, à l'ombre froide des monts de Lure. "La terre du vent". "un débris de hameaux", distille Jean Giono, page 25, la terre aussi de la sauvagine : "la couleuvre émerge de la touffe d'aspic, l'esquirol à l'abri de sa queue en panache, court, un gland dans la main... Le renard lit dans l'herbe l'itinéraire des perdrix".
Par ces évocations commence la Trilogie de Pan. Colline le premier roman de cette trilogie est aussi le premier roman publié par Giono. La simplicité des décors et la simplicité de l'intrigue autour de 12 personnages, impriment une densité formelle pour chaque événement, le plus insignifiant fut-il.

Ce lieu si éloigné de tout, qui vit en autarcie, est attentif aux moindres vibrations de la nature. Sommes-nous dans les derniers jours de la vie de cette communauté, ou dans les dernières heures de la vie de Janet, ce vieillard, qui parle par grandes ruades de mots que tous écoutent sans le comprendre, ou par demis mots.

Janet croit voir sortir des serpents de ses doigts. Dans son délire Janet nous renvoie aux croyances les plus archaïques, à la race des géants (Jean comme géant devient Janet le petit géant). A travers cette symbolique Janet expie ses crimes contre la terre. le dieu Pan s'invite ainsi, le dieu des bergers d'Arcadie, est symboliquement à l’œuvre, comme il est présent dans les œuvres d'Eschile.
La nature, est au cœur des interrogations des gens de la bastide. Cette terre nourricière ou destructrice, les hommes l'humanise dans leurs représentations pour en écarter la peur.
A plusieurs moments, la tension palpable est proche du paroxysme, car tout est vu et analysé d'une façon démesurée. Par vagues, les assauts du vent créent la panique, tout autant que le silence devient assourdissant et intenable.
Les prédictions de Janet tombent alors...

" Ça saute encore et ça se roule, puis ça s'étend dans le soleil neuf, j'ai vu que c'était un chat. Un chat tout noir."
"Quand la foudre tua ton père, Maurras, dans la cahute des charbonniers, j'avais vu le chat deux jours avant.
Attention chaque fois qu'il paraît, c'est deux jours avant une colère de la terre.
Ces collines il ne faut pas s'y fier. Il y a du soufre sous les pierres.

La preuve cette source qui coule dans le vallon de la Mort d'Imbert et qui purge à chaque Goulée. C'est fait d'une chair et d'un sang que nous ne connaissons pas, mais ça vit. P 54"

L'air brûle comme une haleine de malade, et pas de vent, et toujours le silence.


Janet a toujours le regard fixé sur le calendaire des postes, depuis qu'il a fait son AVC. Ses énigmes flottent page 61, "Tu sais toi le malin ce qu'il y a derrière l'air".
La fontaine ne coule plus. C'est la peur qui monte et Janet, est seul à scruter une date, ça les rend fous aux bastides blanches.

L'autre personne incontournable et inquiétante c'est Cagou, l'innocent. Il bave, son visage est huilé de salive, ses bras son corps suivent une gestuelle qui les ébranlent, parfois quand il tape sur un bidon, ils lui lancent des pierres.
C'est le 13 ème homme.

La tragédie est lancée, mais le miracle des mots continue de nous alarmer et de nous transpercer par la puissance des images.
Peu de romans sont porteurs d'une telle grâce, d'une telle puissance d'évocation, pour nous enivrer d'émotions.
Il faut écouter, le bruissement de cette langue venue des terres et du ciel de Provence pour s'approcher de la magie de ces espaces lavandiers, écoutons page117  ; "Avec ses mots il soulevait des pays, des collines, des fleuves, des arbres et des bêtes ; ses mots, en marche soulevaient toute la poussière du monde... »
« De la force dans les branches vertes, de la force dans les plis roux de la terre,
de la haine qui montait dans les ruisseaux verts de la sève, de la haine qui palpitait dans la blessure des sillons".

A bientôt pour un de Baumugnes.
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