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Critique de Lucilou


Il y a quelques jours, un ami me demandait quelle était ma pièce de théâtre préférée au XX°siècle. La réponse a fusé nette: "Ondine"!

Déroutante, inclassable, déconcertante, "Ondine" est pourtant d'une beauté troublante, déchirante. Un songe déguisé en drame, pétri de poésie et de féerie, de fantastique. Un pape des fous de mots oscillant entre le grotesque et le sublime. Un rêve aux contours flous pour dire l'absolu tout autant que l'inconstance. Une création un peu irréelle mais vivante.

Jean Giraudoux est allé chercher le sujet de son intrigue dans les mythes et les les légendes germaniques, ce qui en 1939 ne manquait résolument pas d'audace.
Ondine est une créature des eaux et des rivières, cousine des nymphes des légendes grecques et peut-être bien aussi de la petite sirène d'Andersen. Elle tombe éperdument amoureuse d'un beau chevalier errant: Hans. Si le jeune premier est bien tourné, si son sourire est ravageur et si l'or de sa chevelure rappelle celui du soleil, il n'est pourtant qu'un être humain. Un homme ordinaire. Ni plus, ni moins.
Ondine séduit le jeune homme à qui elle se donne pleinement tandis que les siens réprouvent cet amour qui la fera immanquablement souffrir. L'amoureuse fait alors un pacte avec les ondins: si un jour Hans la trompe, ils le tueront. Mauvais joueur entre tous, le roi des ondins exigent des ondines qu'elles séduisent le chevalier mais elles échouent. le mortel est bien épris de sa belle. Cependant, la vie de château et la malveillance des humains auront peu à peu raison du couple et Hans sera infidèle à sa naïade. C'est par Bertha, son ancienne fiancée, que le malheur d'Ondine viendra. Dès lors, c'est écrit ou presque, Hans doit mourir. Notre héroïne pourtant fera tout pour le sauver: mentir, s'humilier tandis que la révélation de sa véritable nature entraînera un procès dont elle sera l'accusée. C'est l'amour, la passion qui y seront jugés cependant et l'issue de ce simulacre de justice apportera avec elle les larmes et la mort.

Outre l'écriture et la création d'une féerie -et pour un homme de théâtre, cela devait/doit être un rêve de penser à la mise en scène d'une pièce telle qu'Ondine-, Jean Giraudoux propose ici une pièce sur l'amour à une époque où la guerre couvait, où la haine s'apprêtait à terrasser l'Europe.
Toutefois, toute romantique qu'elle paraisse au premier abord, "Ondine" n'est pas une oeuvre qui chante la passion à gorge déployée, une pièce qui roucoule. Non. Elle en livre même une vision pessimiste, noire et fataliste. Pour le dramaturge, il n'y a pas d'accomplissement dans l'amour qui est un sentiment destructeur qui ne mène qu'à la perte de soi-même et à la déception. Hans est un être humain, tristement réel et donc imparfait. Par là il est aussi incapable d'aimer comme Ondine, sans réserve ni condition. Il cherche pourtant cette perfection qu'il trouve chez la jeune fille de l'eau, entière, candide. Toutefois, il se lasse et pour continuer de lui plaire, elle cherche à s'humaniser, à perdre de sa perfection. Les deux amoureux s'aiment peut-être mais ne parviennent jamais à l'union parfaite, à la compréhension et l'acceptation l'un de l'autre. L'une devra renier son amour pour se retrouver enfin et l'autre en mourra...
"Ondine" parle d'amour mais toute sa féerie, sa beauté tendent à le désenchanter; à en dénoncer les vicissitudes et les artifices. Elle pourrait être déprimante cette pièce et elle l'est à bien des égards, pourtant, il en reste à la fin la stupéfiante beauté, la poésie et surtout la grâce d'Ondine. Elle échoue peut-être, mais elle a essayé d'aimer. Elle a aimé même, aussi loin et aussi fort qu'elle a pu. Et si c'était ça au fond le message de Giraudoux? Et si prendre le risque de la passion c'est ce qui transcendait notre pauvre condition humaine?
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