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Critique de pwillemarck


Il faudra neuf jours pour revenir 20 ans en arrière. L'auteur (ou son jumeau de papier, le narrateur) a quitté la Pologne, encore une province tsariste, en 1914, pour rejoindre son oncle aux États-Unis. En 1934, il quitte New York pour Le Havre ou il prendra le train pour Paris, traversera l'Allemagne devenue nazie depuis un an et arrivera à Lublin où sa mère est malade dans un jeune État indépendant voisin de ce qui est devenu l'Union soviétique. le narrateur, porte « le fardeau de l'absence d'un pays », et le jeune Polonais qui termine le voyage avec lui, porte « celui d'un jeune pays, d'un jeune État. »

Quand le bateau lâche les amarres à New York, les lois et les comportements changent. « On vit sous l'emprise mystique des flots » et la croisière va offrir aux passagers un sas, où « l'air est du champagne » et où les flash mémoriels rythment les conversations et les plaisirs. le public est définitivement international. La gazette du nord évoque Hitler. le narrateur, Yash, est plus touché que les autres. Les rencontres seront hautes en couleur. Est-on plus soi et moins ego sur le flots ? Rien n'est moins sûr, mais « sur le bateau on peut vraiment sonder la valeur de l'homme.

De jour en jour, de passager en passager, mille et une façons d'être juif ou de voir un juif vont apparaître. Un juif qui croit pouvoir vaincre les nazis en se plongeant dans un livre sacré ; un Bessarabien installé en Colombie où les femmes juives manquent pour qu'une communauté s'implante ; de jeunes bolcheviques qui ont foi en l'Union soviétique pour protéger les juifs ; un immigré espagnol devenu néerlandais, qui se dit plus hollandais que juif ; un chrétien américain qui proclame qu'il « aime les juifs, mais quand ils le sont vraiment », de jeunes musiciens, une professeure du Wisconsin…

« Sur le bateau, chaque personne est une découverte, chaque nouveau personnage surprend », écrit le narrateur. Une certitude naît : pour pouvoir être juif et rester vivant ils devront peut-être ne plus l'être ou le montrer. Cette question de survie reste sans réponse, nous ne sommes qu'en 34. Mais l'auteur confie que « dans ce paradis international du navire, la nouvelle concernant Hitler fut la première gifle reçue à ma judéité. »
Cette judéité en péril est une question sans réponse qui les opposera au reste du monde, mais également entre eux. Tel juif l'est trop, tel autre ne l'est pas assez… « Mon dos ploie de plus en plus sous le lourd joug de la fraternité juive. le sang juif, l'errance – une bosse qui comprend le monde entier », écrit le narrateur.

L'auteur est un fin observateur qui restitue ce qu'il éprouve autant que ses souvenirs avec un rythme et une musicalité qui ne peut que réjouir le lecteur. Il l'avoue à moment donné, « Ce n'est pas l'action, mais le dialogue qui fait l'art théâtral. Les plis des mots, la voix, l'expression. »

Et puis, six jours plus tard, on arrive au Havre. le sas se ferme. « À peine descendu du navire, mon ancienne maison est devenue une obsession. » La traversée de l'Allemagne est poignante. Sa conversation avec un Allemand qui lui dit que tout va s'arranger, mais qu'il ne faut pas en parler. La description des jeunes hitlériens, le bras lévé. Il les décrit comme « une troupe de figurants à l'Opéra ». « On avait l'impression qu'un orchestre allait retentir d'un moment à l'autre et qu'ils commenceraient tous à chanter ».

On sait que la réalité sera bien différente. Un livre étonnant, bouleversant. Qui rappelle, est-ce un hasard, la façon d'allumer les bougies de Hanoukka qui se fait en remontant le fil des jours. Un rabin de Lublin justement rappelait sur radio France que ce c'est une façon d'allumer ou d'éclairer les jours en les éclairant d'un retour progressif vers l'origine, le début, le point de départ, les lieux d'enfance et ceux de notre naissance même s'ils ont pris, dans ce livre-ci, « la couleur de la misère, pas seulement noire, mais d'un noir de boue, la matière des choses qui se délitent. »

À lire.
Merci à Pierre Ahnne d'avoir recommandé ce livre dans sa sélection de janvier. #JacobGlatstein #levoyageàrebours #editionslantilope #RachelErtel




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