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Critique de mylena


Un excellent roman de Science-Fiction qui réunit beaucoup de qualités. Dans le désordre les points forts sont l'univers futuriste créé, l'intrigue, le personnage central, les thématiques abordées. L'histoire se passe au milieu du XXVème siècle, depuis 300 ans l'humanité a trouvé le moyen d'être immortelle, il y a trois trillions d'humains sur la planète, tout est bétonné, l'Europe (plus de 120 milliards d'habitants) est une mégalopole couverte d'immeubles de 1000 étages. Ces chiffres sont bien sûr invraisemblables mais les descriptions, elles, sont crédibles : les gens vivent dans des cases de quelques mètres cubes, il n'y a plus de nature, le ciel n'est pratiquement visible de nulle part, les villes du passé sont toujours là, sous les villes modernes, partout des parois reconstituent des apparences de visions supportables voire agréables, l'alternance du jour et de la nuit. Cet univers est déjà visuellement oppressant, Dmitri Glukhovsky arrive à nous donner à percevoir un univers aérien aussi fermé que l'univers de Métro 2033, d'autant que le héros souffre un peu de claustrophobie (surtout dans les ascenseurs). Certains sont particulièrement bien décrits : les bas-fonds de Barcelone, les usines robotisées à viande, l'établissement de bains «La source», la cathédrale de Strasbourg, …
Evidemment qui dit remède contre le vieillissement conduisant à l'immortalité dit surpopulation. La Terre du futur est partagée entre différentes entités géopolitiques sur lesquelles en dehors de l'Europe, l'auteur s'étend peu. L'essentiel à retenir est que l'utilisation du remède immortel n'est pas régulée partout de la même manière. La Russie l'a inventé mais ne la propose pas à sa population dont l'espérance de vie est très basse (curieusement il semble que ses dirigeants ne vieillissent guère!), Panam prône l'égalité des chances, et le remède n'est fourni qu'à ceux qui ont le moyen de se le payer, le prix augmentant de plus en plus au fil des générations. La Chine est plutôt dans l'expansion territoriale, en Sibérie (dont les ressources ont été complètement épuisées) et en Inde (ravagée par une guerre nucléaire). Pour les autres régions du monde, hors Europe, le reste de l'humanité cherche à rentrer en Europe, car celle-ci propose l'égalité d'accès de tous ces citoyens à l'immortalité. Avec, bien sûr, une contrepartie : si l'on veut un enfant, l'un des deux parents doit offrir sa vie (par un vieillissement accéléré en dix ans). le choix est cornélien, et en cas de naissance non déclarée, les enfants sont enlevés et élevés dans un orphelinat terrible où ils sont coupés du monde, éduqués à penser que leurs parents sont des criminels, endoctrinés pour devenir les « Immortels », ceux qui traquent justement les parents fraudeurs. le thème de la surpopulation est peu abordée dans la SF récente, comme si c'était devenu tabou. Il faut dire aussi que Dmitri Glukhovsky est russe et qu'en Russie fantastique et SF sont depuis longtemps un bon moyen de dénoncer pas mal de chose en contournant la censure. Quand on sait que la Russie est plutôt en butte avec une dénatalité et une dépopulation, pas étonnant que l'auteur n'y aille pas de main morte sur ce thème ni que le lecteur trouve une richesse thématique qui dépasse largement ce sujet.
L'intrigue est bien ficelée, avec une histoire qui se tient, du suspens, des surprises, des rebondissements et retournements. Un vrai thriller avec un bon équilibre entre action, souvent très cinématographique et réflexion. Les thématiques abordés sont variés : l'attitude d'une société par rapport à ses personnes âgées, ce que pourrait donner une société sans enfants, la religion, la gestion des migrants (avec le choix de Barcelone comme point d'entrée en Europe), les conflits interethniques qui se poursuivent en dehors des terres d'origine, les magouilles géopolitiques et les dirigeants qui se sentent l'égal de dieux.
Le narrateur, Jan Nachtigal 2-T, ou 717 (et divers alias : Jacob, Eugène, …) passe sans prévenir du récit du présent à des récits de souvenirs, ce qui demande au lecteur un temps d'adaptation et au début du moins, pas mal d'attention. Ce personnage est le reflet de sa société : égoïste, violent, pas très sympathique. Pourtant, au fil des pages, à force de découvrir ses souvenirs dans des flash back le lecteur commence à le comprendre et à le trouver humain. On comprend d'où lui viennent sa rancoeur, sa haine des femmes, mais il reste en lui quelque chose du petit garçon qui s'était imaginé une autre vie dans un jardin de Toscane grâce aux premières images d'un vieux film. le personnage est crédible. Et puis il évolue, il est attiré par Annelie (on saura bien plus tard ce qui a déclenché cette attirance), peu à peu en tombe amoureux, remet en cause des tas de choses, une évolution très progressive jusqu'aux décisions finales qu'il prend. Au début sa vision de la femme n'est pas terrible, dominée par des femmes-enfants et des femmes-objets, avec beaucoup de violence, puis cette vision évolue, parallèlement à l'évolution de Jan, en particulier avec la scientifique prix Nobel et la médecin de la Croix Rouge, et puis on s'aperçoit que parmi les couples qui choisissent d'avoir un enfant, le renoncement à l'immortalité est assez bien partagé entre père et mère (sauf évidemment quand le père s'est barré). L'ensemble est très sombre, avec peu de personnages vraiment positifs (Annelie, la famille hindoue) mais quelle fin ! de la science-fiction de haute volée, vraiment intelligente.
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