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Critique de Darkcook


Quel chef d'oeuvre... le texte-père du romantisme, de tout ce que j'aime. Histoire d'amour tragique, best-seller de son époque qui aurait, dit-on, entraîné ses lecteurs à suivre la destinée de Werther. Je n'attendais rien de plus qu'une romance terrible, mais c'est beaucoup plus que cela. Les Souffrances du jeune Werther ont eu un tel impact qu'on y lit les prémisses de ce qu'on retrouve encore deux siècles plus tard en littérature. C'est un roman quasi-entièrement épistolaire, mais c'est surtout un monologue de la folie, de l'incompréhension et du rejet, du romantique éperdu d'enthousiasme, de passions, de mouvements du coeur et d'amour sans cesse en décalage, incompatible avec une société qui cherche à le tempérer, à dévorer son identité. On pense alors au poète maudit, dans le genre de Chatterton, qui sera mis en scène par Vigny. Mais aussi, et surtout, ces lettres de la pensée errante de l'individu victime de ses tourments, ostracisé par ses contemporains où qu'il aille, font instantanément penser à du pré-Dostoïevski à la première personne! L'aigreur de Werther envers la "société", terme sur lequel insiste le texte ou du moins la magnifique traduction de Christian Helmreich, son surplomb sur une humanité frustrante et absurde, peuvent dans une moindre mesure évoquer du pré-Céline. Le constat du passage du temps, de la dégradation des lieux chéris du passé, a certainement dû bercer Proust pour sa fameuse saga. Dans l'autre sens, on lit l'influence du Maître Shakespeare sur Goethe. Comme avec Roméo et Juliette, mais de manière moins subtile, le suicide de Werther est très tôt introduit. Idée martelée ensuite (la scène où il s'empare brutalement du pistolet d'Albert est géniale), elle a même pu lasser certains lecteurs comme Gide. Il est vrai que malgré sa brièveté, le roman peut souffrir d'un caractère un peu répétitif ou de périodes moins intéressantes au livre second. Qu'importe! La grande majorité des lettres nous émerveille par leur sagacité et leur beauté absolue. On note aussi un clin d'oeil final à Hamlet. La découverte des poèmes ossianiques de MacPherson grâce au roman fut également un plaisir.

Les descriptions de la nature par Werther/Goethe sont absolument démentes, et font passer notre cher Hugo pour un homme des plus rationnels et posés! J'ai déjà dit, je crois, lors de ma lecture de Faust, à quel point je réalisais pourquoi un de mes mentors universitaires était si épris de romantisme allemand. Non seulement c'est le premier, mais il est encore plus déchaîné que tout ce que nous connaissons chez nos propres génies. Les extases et transes diverses de Werther face à la vallée, sa béatitude et ses rêves de retour à la vie patriarcale n'ont nul pareil.

C'était déjà le cas avec Faust, mais Goethe vient incontestablement se ranger parmi le Panthéon de mes idoles, avec ce roman déchirant et dont effectivement, les humeurs du héros sont pour le moins contagieuses! Bien heureux d'être tombé sur la traduction de Christian Helmreich, absolument grandiose! Peu à peu, je comble mes lacunes du monde germanique... Un jour, j'espère, aurai-je le temps de lire Thomas Mann.

"O cher ange, c'est pour toi qu'il faut que je vive!"
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