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Critique de hervethro


Parfois il est bon de tout oublier.
Effacer de notre mémoire tout élément parasite extérieur. Se concentrer sur le texte, rien que le texte.
Je mets un point d'honneur à ne jamais me laisser spoiler par une quatrième de couverture vantant un peu trop les mérites d'une histoire. Un bon roman n'a pas besoin de publicité. de même, les préfaces ne doivent être considérées que comme des explications de texte et, de ce fait, lues après le roman.
Dans l'occurrence qui nous occupe, comme dans généralement le cas de tout auteur mort et enterré ayant un tant soit peu de renommé, on se doit d'écarter les pages « dossier » qui constituent souvent plus que l'oeuvre elle-même, sacrifier consciencieusement les diverses préfaces et ne se laisser distraire par les notes de bas de pages que lorsqu'elles se contentent de préciser un terme, une situation et non fournir un commentaire de texte appuyé. Plus difficile, il est également recommandé d'oublier les vagues souvenirs de lycée que le temps, grand mérite lui fasse, s'est bien souvent chargé de diluer en fines molécules s'évaporant au travers d'une mémoire poreuse.
Bien. Nous pouvons commencer. Goethe a cette réputation de n'être pas tout à fait ce que j'appellerais un rigolo de la première heure, désopilant au fil des pages et à se tordre entre les lignes. Il faut de tout pour faire un monde. Même la gaieté peut être ennuyeuse.
Bref, en ouvrant un tel bouquin on sait d'emblée que ça finira mal. Pendaison, duel qui tourne mal, coup de feu fatal, noyade, que sais-je? Déchéance physique et décrépitude de l'âme.
Pourtant ça commençait bien. le jeune Werther découvre la vie simple et rustique d'un séjour à la montagne. On est fin XVIIIème et le romantisme bat son plein outre Rhin. Werther se réjouit de promenades dans les parcs et de quête de nature, il se régale d'un contact direct avec les éléments, le vent giflant son visage, le soleil réchauffant sa peau, il exulte. le paradis terrestre enfin retrouvé. Les références religieuses ne manquent pas tout au long du roman qui est construit comme une succession de lettres à un ami très cher. Une sorte de journal. Mais l'exergue ne nous trompe pas : cette correspondance nous est livrée par un tiers, à la façon d'un enquêteur qui nous dévoilerait des pièces à conviction. Lorsque le courrier stoppera, cette voix reviendra prendre le relais afin d'en combler les carences.
Werther a tôt fait de rencontrer une jeune paysanne qui le charme par sa simplicité mais c'est une certaine Charlotte qui le trouble, l'émeut et bientôt le bouleverse et l'entraine malgré elle dans la spirale infernale de l'amour non partagé. Aurait-il dû jeter son dévolu sur la paysanne? le combat entre culture et nature, cher aux romantiques, se déploie dans les ressentiments de Werther contre l'âme humaine, trafiquée, qui corrompt du coup l'environnement. Au fil des lettres, le paysage devient plus sombre. du jardin de l'Eden, on passe progressivement aux bas-fonds de l'enfer. Tout ceci se déroule dans la tête du pauvre Werther, dont l'innocente Charlotte a le malheur de le prendre pour ami. Amour et amitié ne font jamais bon ménage, du moins lorsque l'un pense et agit amoureusement et l'autre amicalement. Relation bancale. D'autant que la pure Charlotte est promise à un homme responsable. Werther fait office de jeune garçon, trop idéaliste, qui ne connait pas la vie, n'a aucune expérience et ne se maitrise pas. Globalement, Werther additionne son amour non partagé et son refus du monde tel qu'il est.
Des générations de profs de littérature ont disséqué l'oeuvre de Goethe, lui ôtant finalement tout son suc.
J'avoue ne pas avoir été emballé par cette histoire trop souvent lue, et quelquefois même vécue.
En fait, les Souffrances du jeune Werther pâtissent d'avoir été lues trop tard, venant après toutes les imitations, toutes les répliques, les copies, parfois les plagiats qui ont émaillé les années, les siècles. En découvrant ce roman aujourd'hui, j'ai mis la charrue avant les boeufs. Enfin, l'inverse, vous m'avez compris.
Reste tout de même les réflexions sur la société exposées par le jeune Werther, qui sont parfois en contradiction et préfigurent les classiques du XX° (l'attrape coeur, ne tirez pas sur l'oiseau moqueur). Un texte fondateur donc. Une histoire ordinaire devenue un classique.
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