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Critique de latina


Difficile...Il m'est particulièrement difficile d'écrire cette critique, parce que ce livre m'a profondément mise mal à l'aise, alors qu'il est très finement écrit, avec quelques gouttes de poésie, ce qu'en général j'adore.
Mais....mais. Je n'arrive pas à sortir de moi cette rancoeur que je ressens encore.

Dès la première page, le narrateur est au chevet de son père, qui vient de mourir, et il se souvient. Il se remémore, ou plutôt, il recrache son enfance dans une « maison où on ne rit pas, une maison où on ne chante pas, où l'on ne s'embrasse pas, ou alors si distraitement, à de si rares occasions que ça compte pour du beurre. Où l'on ne dit jamais mon enfant, mon soleil, mon petit coeur, je t'aime. Une maison où on ne lit pas, à l'exception du journal et du papier peint. Un écrin vide, un parapluie quand il pleut, un brasero quand il fait froid, une cantine quand on a faim. Un lieu clos où les murs sont seulement des murs auxquels on ne peut que se cogner. »

Le ton est donné, n'est-ce pas ? Eh bien, tous les chapitres recréent cette ambiance nauséabonde, peut-être le mot est-il trop fort, je me rends bien compte que je suis peut-être trop subjective. Car il y avait beaucoup de familles « dans le temps » où les petits villages vivaient repliés sur eux-mêmes, et où le père, rigide et froid, travaillait à en crever pour nourrir les siens, tandis que la mère vivait quasi soumise à son « seigneur et maitre » (dixit le narrateur).

Pourtant, c'est un joli coin, ce village où coule la Semois. On aurait pu y être heureux...Mais pas le narrateur, déjà attiré par l'art, et non par les études universitaires dont rêvait son père, lui qui aurait voulu que son fils ainé le dépasse, lui qui aurait tant voulu mener plus haut celui qu'il n'était pas arrivé à être. Des rébellions enfantines au grand silence adulte, il n'y a qu'un pas.
Et quand le narrateur revient, après des années d'absence, il est trop tard. Il ne lui reste plus qu'une chose : se souvenir, essayer de comprendre. « Je savais que sous une seule casquette plusieurs hommes pouvaient se tenir, qui refusaient de se parler, sauf au secret, parfois, dans les nuits d'insomnie ». Oui, son père n'était pas seulement cet homme secret et froid...Mais c'est trop tard, car il a forgé son fils tel qu'il est maintenant, un homme froid, lui aussi, et incapable d'aimer vraiment.

Je termine par les paroles du narrateur, qui résument finalement toute cette relation qui m'a tellement prise à la gorge que je n'arrive pas à en parler sereinement :
« En te donnant raison, j'aurais été acculé à te dire pourquoi je ne cessais de partir, de plus en plus loin et de plus en plus longtemps, et ce que je fuyais, et ce que je cherchais ailleurs et que je ne trouvais pas et que je ne trouverais sans doute jamais de ton vivant, parce que tu ne me l'avais pas donné : cet amour et cette assurance d'être aimé pour ce que j'étais, d'être quelqu'un d'abord, à qui l'on fait confiance, autre chose qu'un incapable, un vaurien, toujours suspect, toujours coupable. Bref, j'aurais été acculé, papa, à te dire tes quatre vérités, comme on dit. Ces quatre qui sont si nombreuses qu'on ne les dit jamais ».
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