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Critique de 5Arabella


La deuxième saison théâtrale pendant laquelle Goldoni a voulu imposer sa réforme du théâtre, avec entre autres la suppression du masque et la composition de pièces entièrement écrites et non plus de simples canevas sur lesquels improvisaient les acteurs, s'achève sur l'échec de sa pièce L'Heureuse héritière et une chute des abonnements. Pour faire revenir le public, Goldoni lui promet 16 nouvelles pièces pour la saison suivante, ce qui fait revenir massivement les spectateurs. Goldoni tiendra parole, mais ce sera éprouvant. Il lui faudra inventer des sujets en peu de temps. Celui de le café reprend le titre d'un intermède musical qui aurait été composé par Vivaldi. La pièce sera créée en mai 1750 à Mantoue, et sera ensuite jouée et applaudie à Venise dès l'automne au théâtre Sant'Angelo. Goldoni va remanier sa pièce au moment de sa publication, en remplaçant par exemple le dialecte vénitien par le toscan.

L'action se déroule dans le café du titre, situé au centre d'un carrefour passant de Venise, c'est le lieu idéal, avec le passage de nombreux personnages, lieu de rencontres naturel, qui donne un aperçu de la vie des habitants de la ville. Ridolfo, le cafetier est un homme affable et serviable, commerçant honnête, qui ne veut pas voler ses clients et cherche à leur rendre service, à les conseiller avec bienveillance. Il s'oppose au personnage « méchant » de la pièce, Don Marzio. C'est surtout sa langue et sa bêtise qui font des dégâts, plus que vraiment le désir affirmé de nuire. Simplement, il ne peut pas s'empêcher de raconter à tout le monde ce qu'il sait, ou ce qu'il invente, étant persuadé de savoir, parce qu'il faut qu'il soit le mieux informé de la ville pour se sentir exister. Et il révèle donc des secrets gênants qui brouillent les gens, ou ses ragots sans fondement provoquent des catastrophes. Nous voyons passer quelques personnages dans des situations pas toujours faciles, et les commérages de Don Marzio ne font qu'empirer les situations. Ainsi Eugenio, jeune homme sans cervelle, qui court les aventures et perd des sommes importantes au jeu, au grand dam de sa jeune épouse, qui a emprunté une somme d'argent en donnant en garantie des boucles d'oreilles de sa femme, voit révéler sa conduite à tout un chacun, dont bien sûr l'épouse. Mais heureusement Ridolfo veuille, et fait ce qu'il peut pour réconcilier les deux jeunes gens, et pour éviter à Eugenio d'être honteusement volé par Pandolfo, le tenancier du tripot dans lequel il perd de grosses sommes. Il tente aussi de réconcilier Placida, avec son mari qui l'a abandonnée et qui fait le métier de gagner au jeu de manière malhonnête, en plumant entre autres, Eugenio. Ses bonnes actions sont en parties déjouées par Don Marzio et sa langue de vipère, mais tout s'arrange, et Don Marzio se grille définitivement en révélant à un sbire les petits secrets de Pandolfo, ce qui permet l'arrestation du peu scrupuleux patron de tripot. Mais être indicateur de police est très mal vu, et même s'il n'y a rien gagné, Don Marzio n'a plus qu'à quitter la ville.

Une pièce enlevée, dans laquelle l'action à proprement parlée se couple à une description des us et coutumes de Venise, savoureuse et drôle. Les personnages sont sans doute moins fouillés que dans d'autres pièces de Goldoni, un peu plus schématiques, quelque part c'est le café du titre qui est le personnage principal, et cela réduit un peu la profondeur des portraits psychologiques. Mais c'est quand même une très bonne pièce, pleine de charme et de vivacité.

Voltaire s'en serait inspiré pour écrire le café ou l'Ecossaise. On reconnaît bien l'opposition entre le serviable et honnête tenancier, et un personnage malfaisant. Voltaire charge beaucoup plus ce dernier, car sa pièce est une attaque contre l'un de ses ennemis, un certain Fréron, qui est caricaturé dans la pièce. Chez Goldoni, le personnage est plus bête et suffisant que complètement méchant, même s'il provoque beaucoup de dégâts. le reste des deux intrigues n'a pas grand chose à voir, chez Voltaire, il s'agit d'une histoire sentimentale et invraisemblable, chez Goldoni l'observation de la vie quotidienne et des situations réalistes est nettement plus convaincante et amusante. Même si de son temps Voltaire a pu être considéré comme le plus grand auteur de théâtre de son époque, tout au moins en France, il est difficile à la lecture de ces deux pièces de ne pas considérer Goldoni comme un dramaturge bien plus intéressant, survivant sans problème à son époque dans laquelle il est pourtant ancré.
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