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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


En voilà un titre provocateur, tant la figure de Salvador Allende, socialiste élu démocratiquement à la présidence du Chili en 1970, est révérée à travers le monde, contrairement à celle de l'infâme général Pinochet, dont le coup d'Etat en 1973 entraîna la mort tragique d'Allende, et dont la junte militaire sema horreurs et terreur dans le pays jusqu'au début des années 90.
Oui mais voilà, ce qui nous semble bien clair aujourd'hui et depuis longtemps en Europe n'apparaissait pas aussi tranché au Chili il y a quelques décennies (ni d'ailleurs à l'heure actuelle, puisqu'il semble qu'il y ait encore du chemin à faire sur la voie de la réconciliation). En effet, en 1970, Allende était loin de faire l'unanimité, et ne gagna la présidentielle que de justesse, après trois tentatives avortées. Son programme socialiste de nationalisation des grandes entreprises, notamment, était perçu par la classe dirigeante comme une grave menace pour l'économie du pays. Certains, craignant pour leurs privilèges de nantis, s'exilèrent. A l'image des parents de Leo, jeune narrateur né en Afrique du Sud, qui ne fera connaissance avec son pays d'origine qu'une bonne vingtaine d'années plus tard. Entre-temps, Leo grandit dans le culte du général Pinochet, considéré comme le sauveur du Chili. Mais en 1998, les yeux de Leo, pas encore trente ans, commencent à s'ouvrir. Cette année-là, c'est l'épisode de l'arrestation, pour tortures et génocide, entre autres, de Pinochet à Londres, puis celui, lamentable et d'une lâcheté politique sans nom, de sa libération pour raisons de santé. Troublé par les manifestations anti-Pinochet, Leo découvre peu à peu une autre réalité et se rend au Chili pour tenter de comprendre la face de son pays qui lui était jusque là resté voilée.

La BD nous fait suivre en parallèle, et sans trop s'embarrasser de chronologie, ces trois histoires, celles d'Allende, de Pinochet et de Leo, les deux premières étant plus étroitement liées que ce que j'imaginais. On y découvre un Allende orgueilleux, sûr de lui voire arrogant, mais prêt à mourir pour son idéal, et un Pinochet, petit soldat sans envergure, qui, poussé dans le dos par sa femme, gravit les échelons de la hiérarchie, marionnette pilotée par les Etats-Unis de Nixon qui ne voulaient pas, après l'humiliation cubaine, d'un autre leader marxiste dans un pays où les entreprises de l'Oncle Sam ont de gros intérêts financiers, et qui, sous la pression des autres hauts-gradés du pays, se décide enfin à signer la lettre annonçant le coup d'Etat.
Le Chili a connu, lui aussi, son 11 septembre, en 1973, date de la prise d'assaut du Palais présidentiel de la Moneda par les militaires, date de la mort d'Allende dans ce même palais. Les heures terribles qui ont précédé et suivi ce jour funeste sont bien rendues par les dessins crayonnés, généralement très sombres et de plus en plus flous à mesure que le drame se joue. Par contraste, les épisodes de la vie de Leo sont plus clairs et colorés. On pourrait croire que c'est parce que cette nouvelle génération porte un peu d'espoir en elle, mais elle n'en reste pas moins très lucide : « Les deux camps restaient irréconciliables, trente ans après le coup d'Etat. Et je ne me voyais pas vivre dans un pays incapable de partager cette histoire commune ».
Lien : http://www.voyagesaufildespa..
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