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Critique de Eric75


Dans ma liste des albums d'Astérix, le combat des Chefs occupe une place très particulière. En effet, c'est selon mes souvenirs le premier album de bande dessinée « à couverture cartonnée » que l'on m'a offert. Plusieurs fois lu et relu, il fait figure d'exception car je devais à l'époque me contenter de lire des illustrés appelés aujourd'hui « petits formats » collectionnés par ma nounou (genre Tartine et le roi Toto). La relecture de cet album des années plus tard a été ma Madeleine de Proust, un réel bonheur. Cinquante-sept années se sont écoulées depuis sa parution en 1966 et pourtant, les souvenirs des gags remontent en mémoire, encore intacts.

Goscinny exploite dans cet album un thème récurrent mais souvent passé inaperçu, toujours présent en toile de fond : la collaboration de certains Gaulois avec les Romains, jusqu'à en devenir les serviles et obséquieux valets du nouveau pouvoir. Ceci évoque bien entendu l'occupation allemande de la Guerre 39-45, la ligne de démarcation et le choix donné à la population occupée de devenir soit collabo, soit résistant. Je vous laisse deviner qui est du côté des résistants… Aplusbégalix, chef de village gaulois, est lui clairement positionné du côté des collabos et adopte d'emblée tout ce qui vient de l'ennemi (costume, mode de vie…). Au camp romain fortifié de Babaorum, le centurion Langélus se laisse convaincre par son aide de camp, le perfide Perclus, d'organiser un « Combat des Chefs », qui permettrait d'achever une bonne fois pour toute l'invasion de la Gaule. Privé de la potion magique de son druide Panoramix, Abraracourcix parviendra-t-il à relever le défi lancé par Aplusbégalix et à le battre en combat singulier ?

Les gags et les jeux de mots fusent dès la première page. Trop nombreux pour être cités tous, en voici quelques exemples, dont quelques-uns sans doute passés inaperçus lors de mes premières lectures : « C'est une brute gallo-née ! » (page 5) ; « Il faut trouver une solution, Ô Langélus... sinon Rome va te sonner les cloches ! » (page 6) ; « Si les chefs sont de force égale, ils ont le droit de se jeter des ballots à la tête; on dit alors qu'ils sont en ballottage. » (page 6) ; « Rome sweet Rome » (page 8) ; « Quinze ans de légion et être bleu ! » (page 26) ; « Autant en emporte de vent » (page 27) ; « – Je ne peux pas (descendre) !... Je suis léger comme un papillon ! – Amenez le papillon ! » (page 28, les romains tirent sur une corde pour faire redescendre le légionnaire Plutoqueprévus comme s'ils amenaient un pavillon ou un drapeau).

Notons l'apparition du Marsupilamix (page 38), premier animal fabuleux de la série, il y en aura d'autres (par exemple, les jeunes centaures dans La Galère d'Obélix ou l'énorme Afnor dans Astérix chez les Pictes). Heureusement, cette facilité ne sera que très rarement utilisée : dans Astérix et le Griffon par exemple, le piège de l'animal fabuleux est évité au profit d'une explication rationnelle.

Du côté des personnages caricaturés, si l'on reconnaît bien Mussolini derrière les traits du centurion Langélus, dont la voix de tribun en caractères gras gonfle artificiellement les phylactères, il est plus difficile d'identifier qui se cache derrière Perclus son adjoint. Pour ma part, il me fait penser à Peter Cushing, jouant le shérif de Nottingham dans le film de Terence Fisher de 1960 : le Serment de Robin des Bois (Sword of Sherwood Forest). Peter Cushing a bien la tête du fourbe qui correspond au rôle de Perclus, et il a pu de fait inspirer Uderzo, le film étant sorti en 1960, peu de temps avant la bédé prépubliée dans Pilote à partir de 1964.

Reprenons maintenant le fil rouge concernant le comptage des personnages féminins dans les albums de la série. Il est temps de marquer une pause et de faire un premier petit bilan de cette opération, commencée avec Astérix le Gaulois. Les scores précédents sont les suivants : 0 – 12 – 2 – 3 – 12 – 10. Il s'agit uniquement de rôles de figuration (hormis Cléopâtre) et (hormis Cléopâtre toujours) seulement 2 des personnages sont nommés, dans le Tour de Gaule, Éponine, la femme de César Labeldecadix (du nom d'une Gauloise ayant vécu au 1er siècle) et Flavia, l'épouse du romain Faimoiducuscus (du nom d'une martyre romaine ayant également vécu au 1er siècle).

Un nouveau personnage féminin apparaît dans le Combat des chefs (page 30 et suivantes). La liste de la seule Gauloise connue étant épuisée, cette dernière se prénomme Boufiltre, prénom judicieusement choisi pour une Gauloise en référence à la célèbre marque de cigarettes vendues en paquets bleus, identifiable par le fameux casque ailé dessiné en 1936 et qui aurait pu servir de modèle au casque d'Astérix.

Boufiltre est le prototype de la jolie Gauloise qu'Uderzo n'hésite plus désormais à dessiner, et qui annonce l'arrivée prochaine de Falbala. Hormis Boufiltre, on recense encore dans cet album : une autre jolie blonde avec une grande natte, qui soigne Panoramix inconscient et une mère qui tient son enfant, page 12 ; une autre blonde présente dans la foule qui porte une amphore sur la tête, page 15 ; un personnage page 17, qui ajuste la tenue d'Abraracourcix et pourrait bien être la première apparition de Bonemine, non citée, avec des traits non définitifs et qui vouvoie son chef (Bonemine aura un caractère plus affirmé par la suite) ; une foraine et différents personnages féminins qui assistent à la foire organisée à l'occasion du Combat des chefs, page 38 ; une villageoise qui fait un signe de la main au départ d'Abraracourcix pour le combat, page 39. Bien évidemment, elle reste au village et n'assistera pas au combat, et, comme d'habitude, aucune villageoise ne sera présente lors du banquet final.

Selon la tradition, Assurancetourix clôture l'aventure ligoté et suspendu à un arbre tandis qu'Idéfix trottine fièrement avec un os du banquet final.

Cet album, au scénario construit à dessein et aux dessins toujours impeccablement ajustés au scénario, est une merveille, qui mérite bien sa place parmi les meilleurs de la série et poursuit donc cet « âge d'or » qui ne donne pour le moment encore aucun signe de fatigue. Exegi monumentum ære perennius…
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