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Critique de Cialanma


Guerre civile espagnole Madrid - Guillermo jeune médecin, républicain sauve la vie du diplomate républicain Manolo. Les 2 hommes deviennent amis pour la vie. Avril 1939, Franco et son camp remportent la guerre civile. L'Espagne tombe dans la dictature : répression, exécutions, collaboration avec l'Allemagne Nazie etc...Guillermo et Manolo deviennent de nouvelles personnes dans leur pays en changeant d'identité pour continuer le combat. Dans le même temps, Adrian, jeune boxeur plein d'avenir s'embarque dans l'itinéraire de la Division Azul. Comme il se définit il n'a jamais été très malin. Cet engagement le conduit jusqu'en pays balte où il commet l'irréparable. Puis retour à Berlin, dans les jours finissant du IIIème Reich. Il faut revenir en Espagne mais sous une nouvelle identité. Années 50: MAnolo et Guillermo engagent une lutte contre les réseaux d'exfiltration de nazis vers l'Amérique du Sud installés en Espagne dans la plus grande impunité accordée par El Caudillo.
Un tourbillon de faits, les plus désagréables et inconfortables, emportent Guillermo devenu Rafa et Manolo devenu Adrian, sans oublier Adrian devenu Alfonso qui vient se rappeler aux bons souvenirs des 2 amis.

C'est cette histoire que nous conte A. Grandes. Plus de 600 pages des années de guerre civile jusqu'à la fin des années 70. 3 personnages que L Histoire brinquebale, souvent très mal, à l'encontre de leur conscience et convictions. Trois aux origines différentes, aux trajectoires qui se coupent volontairement ou involontairement. Avec l'Espagne des années 30 jusqu'à la Transition démocratique, comme personnage organique à part entière.

Malgré plus de 600 pages, j'ai lu assez rapidement le roman. Je l'ai fini il y a quasi un mois. Et j'ai laissé reposer, décanter avant de me lancer dans une critique. J'avouerai même que j'ai pensé ne pas donner mon avis sur ce roman car...bah...je suis vraiment très embêtée. Je suis au milieu du gué d'où ma note de 2.5 étoiles/5.

En effet, j'ai vraiment apprécié cette lecture car pleine de qualités littéraires et scénaristiques (c'est digne d'une saga cinématographique ou sous le format série avec possibilité de reconstitution géniale) mais je lui ai trouvé de (très ???) gros défauts.

- Commençons par les qualités :
CELA FAISAIT TRÈS,TRÈS LONGTEMPS QUE JE N'AVAIS PAS LU UN ROMAN AVEC UNE TELLE MAITRISE DU ROMANESQUE AU SENS NOBLE DU TERME !!! Voilà il fallait le dire ! C'est une maîtrise magistrale car l'auteure tient la barre romanesque de la 1ère à la dernière ligne. Or, son roman est long, fourmille de détails, de personnages, de lieux, de dates etc...et elle aurait pu vite boire la tasse. Bah non ! En plus, ce n'est jamais gnan-gnan, cela ne tombe pas dans le pathos.

Personnellement sur un plan historique, je n'ai rien appris. Mais ce n'est pas ce que j'étais venue chercher. Je voulais qu'on me parle de personnes prises dans la tourmente et que je pouvais parfaitement me figurer. Et ce fut le cas. Je n'ai eu aucun mal à me représenter Guillermo-Rafa', Manolo-Adrian ou encore Adrian-Alfonso, dans chaque époque, dans chaque lieu. Pour les lecteurs.trices peu au fait de l'Espagne franquiste et des criminels nazis et associés, pas de soucis. Ils apprennent et ils ne sont jamais perdus.

Les lieux très importants et très bien retranscrits. Je connais Madrid et j'avais les images de certains quartiers décrits bien en tête et en main pendant la lecture. de même, on visualise parfaitement le changement de décor entre l'Espagne et les pays baltes, Berlin ou encore l'Argentine. C'est tellement bien raconté et c'est tellement romanesque qu'on s'y croit !

Les trois personnages masculins sont bien construits. Ils tiennent la route jusqu'au bout. Des héros oui mais des héros malheureux. Pas de pathos, pas de débordements. du coup, je les ai suivis dans leur vie car je voulais savoir la fin de l'histoire. J'ai eu une préférence pour Manolo.

La qualité de l'écriture ou plutôt devrais-je féliciter le traducteur car franchement c'est bien écrit. Certain.es n'aimeront peut-être pas les phrases un peu longues ou l'emploi des guillemets. Dans d'autres romans cela m'aurait certainement gêné mais pas là. Au contraire car c'est bien utilisé. Je regrette de ne pas l'avoir lu en espagnol pour pouvoir voir les nuances entre le castillan, le galicien, l'espagnol d'Amérique du sud etc...Par ailleurs, les dialogues entre les personnages sont réussis. J'en ai cité un celui sur les vaincus entre Amparo et Guillermo car je l'ai trouvé très juste.

Donc sur plan écrivain, roman, romanesque, littéraire etc...les patients du docteur Garcia regorge de qualités. Ce qui fait qu'on entre d'entrée de jeu dans l'histoire et on ne la lâche plus.

- Les défauts maintenant :

A. Grandes pêche par ce que nos professeurs de faculté d'histoire appelaient "le bourrage historique". Elle dit que tout ce qu'elle raconte est"rigoureusement" exact. C'est exact : Degrelle, Stauffer ,Skozerny, Franco, Peron, la Division Azul, Videla et le coup d'état en Argentine etc...mais ce n'est pas RIGOUREUX ! A. Grandes veut tellement en mettre, veut tellement montrer qu'elle sait (pas qu'elle maîtrise mais qu'elle sait) que cela part dans tous les sens. Elle se sent obligée de faire quasi des fiches à la fin de certains chapitres pour expliquer Eisenhower en Espagne, Isabelita Peron, l'arrivée de Videla et consorts en Argentine. Sauf que bien souvent cela tombe comme un cheveu sur la soupe sans contextualisation, sans lien et liant. 2 exemples : le coup d'état de 1976 en Argentine. Pour montrer que cela s'inscrit dans un mouvement qui prospère en Amérique latine dans les 70's, elle nous balance le Chili de 1973, puis la Bolivie et Banzer, Stroessner. Ah ! elle se rappelle que le Brésil est déjà sous dictature depuis 1964 (alors que la 1ère est la Bolivie en 1954). Ah mais oui mais Isabelita Peron a commencé la chasse aux communistes mais c'est une démocratie. Non ! les dictatures sud-américaines sont issues d'un processus long dont un des fondements est l'échec de la révolution bolivarienne suivie de l'hégémonie des Etats-Unis imposée dès le XIX siècle. Il ne s'agissait pas de refaire l'histoire mais elle aurait dû juste se contenter de parler du coup d'état et basta ! Pas nous faire la lsite au Père Noël des dictatures et pas dans le bon ordre ni d'essayer de dédouaner Isabelita Peron.
Eisenhower et Franco ! Pareil...le raccourci historique, les Etats-Unis adoubent Franco mais par un accord pas de traité au milieu des années 50 et terminée la chasse aux nazis. Non ! l'attitude plus qu'ambiguë des USA mais aussi soviétique vis-à-vis des nazis commencent déjà pendant la IIème Guerre. Puis s'accélère très discrètement à la fin pour devenir plus claire et plus visible lorsque la cassure entre Est et Ouest est consommée. Quant à l'Espagne, on ne la fréquentait pas car infréquentable mais dès le début des 50's, les USA via l'OTAN l'englobe dans des réseaux anti-communistes notamment les stay-behind l'Espagne franquiste comme pièce logistique. Donc on lui fout royalement la paix quant à sa protection des nazis car les USA s'en foutent. Encore plus dès que la Guerre froide commence. Ils n'ont pas cherché à aider plus que cela le Mossad dans la capture de A. Eichmann et encore moins pour celle de J.Menguele qu'ils avaient repéré. Sans compter l'utilisation éhontée des scientifiques nazis. de même elle nous parle de Skorzeny, à part sa cicatrice, son impunité en Espagne et ses affaires, rien ! Or, il faut aller lire le pedigree du personnage. Et les Américains ont dû bien le laisser tranquille celui-là. Sans compter sa dangerosité qui est si peu mis en avant dans le livre.

Les personnages féminins : si les personnages masculins dans leur ensemble sont vraiment réussis, les personnages féminins ne le sont pas. A. Grandes dit que ce qu'elle raconte est vraisemblable. Non potentiellement plausible mais pas vraisemblable. Les femmes sous Franco, quelle que soit leur catégorie sociale étaient extrêmement surveillées. Une veuve , quel que soit son milieu social devait vite se remarier sous peine du paiement d'un impôt. Les filles mères sacrifiées avec des bébés volés. Une femme comme Genie aurait été très vite remise dans le droit chemin par son époux. Parce que même s'il avait sa vie et laissait sa femme à la sienne car pas de ivorce possible, jamais il l'aurait laissé à ses activités nocturnes. Il l'aurait su et cela aurait pu lui coûter très cher à Genie. L'épouse de Guillermo qui au début de leur relations se montre insolente, arrogante voire irrespectueuse avec un policier dans la rue...impossible cela aurait été la taule d'office et sans ménagement d'autant plus que c'était une femme. La situation sociale d'Amparo...pareille elle aurait été mise au pas par la société franquiste. de même, la femme de Guillermo ou lui se déclare je suis communiste ou Génie qui va assister à des réunions clandestines. Avec A. Grandes cela devient facile presque fashion. Impossible ! Pour avoir eu des femmes dans ma famille qui se sont occupées d'activités anti-franquistes, anti-salazaristes, déjà même en famille on la bouclait, on ne se déclarait pas ceci ou cela comme ça pour faire bien. Et ce n'étaient pas des femmes de la haute société. C'étaient des paysannes vivant en zone frontalière avec tous les trafics, les passages etc...que cela charriait. Donc les personnages féminins manquent cruellement de vraisemblance ou du moins elles respirent beaucoup les années 2010 -2020.

A. grandes manque de recul, de critique sur son clan. Un Manuel de la Prada ne cache pas ses convictions très à droite mais dans une imposture quand il nous parle du clan franquiste et de son héros Exposito il fait preuve d'un oeil critique, parfois féroce teinté d'humour noir. Les membres de son clan ne sont pas tous auréolés de gloire et de morale. Chez A. Grandes on est dans le manichéen. le plus bel exemple : Adrian-Alfonso et Experta la bonne de la famille. Lui est fatalement idiot, c**, il le se décrit lui-même comme pas malin et sa perte en est l'illustration la plus parfaite. Il est du clan franquiste et dans la Division Azul. Alors qu'Experta, républicaine, prenant tous les risques, fatalement elle ne peut avoir que du bon sens et des grandes qualités.

Voilà ! ce sont pour toutes ces raisons que je suis divisée sur ce livre. Ainsi vont les lectures.
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