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Critique de Presence


Ce tome regroupe les 19 histoires mettant en scène Joe Dredd dans des histoires plus violentes qu'à l'accoutumée (surtout du point de vue graphique), les 9 premières ayant été d'abord été publiées dans le magazine Rock Power. Ces histoires ont été publiées pour la première fois entre 1991 et 1997, avec la dernière en 2009, dans le magazine mensuel Judge Dredd Megazine. Les histoires 1 à 5 et 15 à 18 ont été coécrites par Alan Grant & John Wagner, et illustrées par Simon Bisley, sauf la 4 illustrée par Colin MacNeil. L'histoire 6 a été coécrite par Grant & Wagner et illustrée par Dean Ormston. Les histoires 7 à 9 ont été coécrites par Grant & Wagner et dessinées par John Hicklenton, avec une mise en couleurs de Keith Page. Les histoires 10 à 14 ont été dessinées par John Hiclenton et mises en couleurs par Keith Page, avec un scénario de John Smith (é10, é11, é13), David Bishp (é12), Jim Alexander (é14). L'histoire 19 a été coécrite par Grant & Wagner, et illustrée par Benda McCarthy.

Histoire 1 - Sous forme de comédie musicale, Judge Dredd applique la loi de manière définitive contre différents auteurs de crime, avec une violence physique qui exprime la violence de la loi. Histoire 2 - Tommy Who est un mutant aveugle, sourd et muet : il n'a ni oreille, ni yeux, ni bouche. C'est un dieu de la Love Machine, une version futuriste du flipper. Judge Dredd a vent de l'existence d'un tripot avec une de ces machines. Histoire 3 - Un gang de rue avec des gliders éclate des citoyens au cours d'une Bloc Party. Judge Dredd se lance à leur recherche. Histoire 4 - C'est l'histoire de Well Hard, l'homme qui a tué Judge Dredd, ou presque. Lors de la première confrontation, il y a perdu sa jambe droite. Histoire 5 - Johnny a fabriqué sa moto tout seul et il en est très fier. Triker s'est moqué de lui et Johnny le défi dans une course illégale, avec un virage de la mort. Histoire 6 - le corps de Johnny avait été empaillé et quelques mois plus tard il semble revenir à la vie et il enfourche sa moto. À nouveau, il va essayer de passer le virage de la mort, cette fois-ci avec Judge Dredd en poursuite derrière lui. Histoire 7 - Mr Power s'apprête à monter sur la scène d'un énorme festival de métal, quand il est abordé par un fan transi qu'il traite avec condescendance, puis il est attaqué par un kidnappeur. Histoire 8 - Une émission de télé raconte l'histoire d'un groupe pop composé de 4 jeunes dont le manager leur suggère des changements d'image qui conduisent à des actes illégaux. Histoire 9 - Un musicien vole une guitare électrique réputée démoniaque et en joue, provoquant des transformations horribles. Histoire 10 - Un spécialiste des effets spéciaux se venge des autres techniciens qui étaient sur le tournage où il a trouvé la mort.

Histoire 11 - Un gang d'obèses a décidé de manifester leur mécontentement contre l'un des leurs ayant maigri, en se suicidant depuis un toit. Histoire 12 - Judge Dredd doit arrêter 3 meurtriers qui se sont déguisés en Elvis et réfugiés dans une convention d'imitateurs d'Elvis. Histoires 13 - Un groupe de dames du troisième âge a mis la main sur des casques leur permettant de diriger des grands singes. Elles commencent à tuer des auteurs ayant publié des oeuvres obscènes. Histoire 14 - Judge Dredd doit arrêter des livreuses de message, avec un baiser. Histoire 15 - Un savant fou a ramené à la vie la tête d'Iron Fist, un chanteur de métal qui commence à mettre le bazar dès qu'il peut. Histoire 16 - Encore une fois, le Père Noël essaye de livrer des cadeaux dans MegaCity One. Heureusement Judge Dredd veille à arrêter ce dangereux immigrant faisant passer en fraude des produits non déclarés. Histoire 17 - Un magicien se fait fouiller à la douane par les juges : ils sortent tout ce qu'il a stocké dans ses fesses. Histoire 18 - Une petite frappe se retrouve dans un monde à la Disney et Judge Dredd débarque dedans pour le coffrer. Histoire 19 - Judge Dredd doit arrêter un mutant non déclaré en forme de crapaud anthropoïde.

Le résumé de ces 19 histoires courtes (en général 6 pages) donne une bonne idée de l'inventivité des scénaristes, le duo Grant & Wagner, et des autres. La majeure partie se focalise sur des criminels, des hommes, avec une seule exception celle des mamies. Les crimes vont du meurtre à l'excès de vitesse, en passant par le simple refus de coopérer. L'histoire d'entrée donne le ton : parodique excessif, brutal, moqueur, sarcastique. le lecteur habitué des histoires de Dredd voir revenir les obèses avec un plaisir certain. le lecteur novice vacille sous la rapidité des histoires, leur densité et leur ton irrévérencieux, provocateur et souvent trash. En si peu de pages, la trame du récit est souvent la même : un criminel s'est fait repérer et Judge Dredd lui court après, lui rentre dans le lard, et le met hors d'état de nuire, avec perte et fracas, et souvent mort immédiate. Après la comédie musicale d'ouverture, le lecteur peut s'amuser à détecter des références : Tommy des Who, le nom d'Ozzy Osbourne sur le dos d'un blouson, le biker qui défie Johnny avec le visage de Lemmy Kilmister de Mötorhead, Iron Fist de Motörhead, ces références visuelles se trouvant dans les épisodes illustrés par Simon Bisley.

Le ton est au massacre et Judge Dredd ne fait pas semblant de briser des crânes et de tirer dans le tas. Dean Ormston dessine un épisode : formes détourées avec des traits encrés et mise en peinture. Il sait rendre compte de la masse du Biker et de sa bécane, sans chercher à faire dans le gore. Colin MacNeil peint son histoire comme pour Judge Dredd: America, mais avec plus de sang et une touche d'exagération gore. Brendan McCarthy est en bonne forme pour cette histoire de mutant ressemblant à un crapaud anthropoïde, écrite pour lui car il émet des sécrétions hallucinogènes et l'artiste s'en donne à coeur joie avec les effets psychotropes. Néanmoins les 2 stars du recueil sont bien Simon Bisley et John Hicklenton.

Simon Bisley illustre 8 histoires dont la première, celle qui donne le ton de la série. le lecteur retrouve toutes les exagérations qu'il peut aimer chez cet artiste. Il est visible qu'il prend un grand plaisir à se lâcher dans les cases, et que les histoires ont été conçues sur mesure pour lui. Les personnages sont tous exagérés, avec des morphologies déformées par les stéroïdes ou par des mutations, des trognes à faire peur. Les mouvements appartiennent au registre e la démesure pour un effet comique. Les effets gore fonctionnent au premier degré : tâches de sang, cicatrices, cervelle qui gicle sous l'effet d'une balle qui traverse le crâne, cases mouchetées de tâches noires pour montrer les projections dues aux coups, expressions de visage théâtrales pour un comique visuel. le lecteur perçoit la narration comme imbibée de l'énergie du Heavy Metal, avec le même sens du mauvais goût, de la force, de la virilité poussée à son paroxysme jusqu'à en être absurde et ridicule. C'est un festival irrésistible.

Pour autant le lecteur n'est pas préparé à la force des dessins de John Hicklenton (1967-2010). Là où Simon Bisley est Métal, Hicklenton est punk ou hardcore avec une même maîtrise des techniques de dessins, mais pas de peinture. Avec la première histoire, le lecteur commence par se dire qu'il a perdu au change : les dessins sont plastiquement moins beaux que ceux de Bisley, ils ne sont pas peints, et ils donnent une impression de fouillis rendant la lecture moins fluide. Pourtant le lecteur change d'avis dès la troisième page. Illustrant lui aussi 8 épisodes, Hicklenton réalise une interprétation personnelle de Judge Dredd, sans chercher à faire (forcément en moins bien) comme Bisley. Joe Dredd a à la fois un visage émacié, et un menton plus proéminent. Il est plus élancé, avec une force physique plus nerveuse qu'acquise après des heures de gonflette. Son visage reste toujours aussi fermé, ne changeant d'expression que pour un rictus douloureux quand il parle. À l'usage, la lecture des cases s'avère tout aussi facile que celle de Bisley, ou de MacNeil, ou d'Ormston, ou de McCarthy. Hicklenton détoure les individus et les objets avec un trait fin, et donne une sensation de cases très remplies. Pour autant, à la lecture, il se dégage de ses pages une sensation de dessins peaufinés, mais aussi spontanées parce qu'un peu griffonnées. Dans le même temps, il est visible qu'aucune personne ne maîtrise quoi que ce soit, que les criminels sont dépassés par ce qu'ils provoquent, et que la solution pour ramener de l'ordre est que Dredd fonce dans le tas et tire sur tout ce qui bouge jusqu'à ce que le calme revienne.

A priori, le lecteur peut se demander s'il fallait vraiment créer une version plus extrémiste de Judge Dredd, sachant qu'une partie significative de ses aventures poussent souvent le bouchon assez loin, avec une réelle intelligence. D'un autre côté, il est difficile de résister à l'attrait de découvrir de nouvelles pages réalisées par Simon Bisley. Très rapidement, le lecteur se rend compte que les différents scénaristes ont profité de la liberté qui leur est donnée pour réaliser des histoires allant droit au but, avec une fibre parodique nourrie de violence, sans pour autant sacrifier l'intrigue. Simon Bisley est en pleine forme dans ses dessins outrés, mêlant à la perfection narration au premier degré et exagérations pétries d'humour noir, parsemées de quelques références Heavy Metal. Colin MacNeil, Dean Ormston font un travail de bon niveau, ainsi que Brendan McCarthy toujours dans un registre défoncé. John Hicklenton se révèle être un maître dans l'art de tout détruire en insufflant une fibre punk sans concession, en mettant ses compétences techniques de dessins au service de ces histoires trash.
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