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Citations sur Autobiographie d'un visage (20)

Il est parfois aussi difficile de découvrir ce que contient le passé que de deviner ce que nous réserve l'avenir
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Je pensais autrefois que la vie était éternelle, qu'une fois que je l'aurais découverte, contemplée, elle serait une constante immuable à l'aune de laquelle tout le reste se mesurerait. Je sais maintenant qu'il n'en est pas ainsi, que la plupart des vérités sont par essence fluctuantes, que nous devons sans cesse travailler à nous rappeler les choses les plus fondamentales. La société ne nous y aide guère. Elle ne cesse de nous faire croire qu'être soi-même, c'est faire comme tout le monde, ressembler à tout le monde, et nous laissons notre visage singulier devenir un fantôme qui viendra nous blâmer et nous hanter inexorablement. Assise dans ce café, j'ai brusquement pensé à certains films et romans où les morts ne savent vraiment qu'ils sont morts au moment où on leur en montre la preuve irréfutable : le miroir ne reflète plus leur image.
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"Pour l'amour du ciel, arrête un peu de prendre cet air douloureux tout le temps", soupirait ma famille. Dès que j'étais en présence de l'un ou de l'autre, je devenais incapable d'être autre chose qu'une pauvre épave déprimée.
C'est seulement quand j'étais seule que je retrouvais un certain appétit de vivre.
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Plus tôt dans mon enfance, quand mon père rentrait le soir, il lançait un bonsoir joyeux à la ronde en ouvrant la porte et Sarah, les chiens et moi nous précipitions dans l'escalier à sa rencontre. Mais en grandissant, nous avions perdu le goût de ce rituel, et pour finir, seuls les chiens lui faisaient fête, tandis que Sarah et moi lui adressions un bonjour distrait du fond du canapé devant la télé. Un soir, j'ai eu une sorte de terrible prémonition : je nous ai imaginées, ma soeur et moi, devenues adultes et ayant quitté la maison, les chiens morts depuis longtemps, et mon père rentrant à la maison, sa voix ne rencontrant aucun écho dans l'escalier désert. J'ai été parcourue d'un frisson, j'ai ressenti un vide glacé et une indicible tristesse, comme si j'avais vu un fantôme. A dater de ce jour, j'ai mis un point d'honneur, même si je n'en avais pas particulièrement envie, à le saluer du haut de l'escalier. Je faisais cela comme en prévision de mon absence future dans sa vie, mais il ne me vint jamais à l'esprit que c'était lui qui pourrait être absent de la mienne.
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J'avais en moi des ressources d'imagination suffisantes pour échapper momentanément à la douleur et une capacité à tirer des leçons du spectacle du monde qui m'entourait, mais je ne possédais pas encore la lucidité qui m'eût permis de m'octroyer le droit, nécessaire et complexe, de souffrir. Je croyais en une hiérarchie du désespoir : s'il y avait au monde une plus grande souffrance, la mienne s'en trouvait niée. Je pensais qu'il me fallait tout bonnement assurer ma laideur et qu'en être malheureuse était moralement inacceptable.
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Il est parfois aussi difficile de découvrir ce que contient le passé que de deviner ce que nous réserve l'avenir, et de même que la réponse à une devinette nous semble aller de soi dès qu'on nous la livre, il me paraît curieux maintenant d'avoir pu vivre ces moments où s'est déclarée la maladie sans la moindre conscience de leur prégnance.
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Le langage nous offre les moyens d'exprimer les nuances les plus subtiles, mais cela implique-t-il que le langage donne du sens ? Est-ce qu'il ne nous le vole pas, quand nous ne sommes pas capables de nommer les choses ? Il me vient plusieurs interprétations quand je repense à cette petite fille qui ne se souvient pas d'avoir jonglé avec les mots "tumeur maligne", mais à quoi bon de telles conjectures, quand tout ce qui me reste, c'est l'image ahurissante d'une gamine qui déambule dans un couloir en chantant des mots agréables et coupés de son histoire ?
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A d'autres moments, j'étais saisie d'une espèce de conscience aiguë de mon moi physique.Chacune de mes respirations m'apparaissaient comme un échange avec le monde, la moindre sensation sur ma peau comme une douce caresse offerte par une réalité si belle et si mystérieuse que je gémissais de plaisir à me sentir vivante.
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La forme que prend une vie est parfois déterminée par la combinaison d'une authentique intelligence et d'une tout aussi authentique ignorance. Je m'efforçais de regarder le monde d'un oeil aussi candide, honnête et dépourvu de préjugés que possible, mais je ne parvenais à faire moi-même partie intégrante de ce monde. Je m'évertuais à instiller de la grâce et du sens dans tout ce que je voyais sauf dans ma propre personne. Moi je ne trouvais ni sens ni grâce ou, plus exactement, je n'avais pas l'impression d'en avoir pour autrui.
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Je considérais les autres d'un oeil à la fois critique et empathique. Pourquoi se plaignaient-ils à longueur de temps au lieu de se détendre et de se rendre compte qu'ils avaient la vie belle ? Ils avaient tous l'air d'attendre un miracle qui les fasse avancer, un évènement hypothétique qui leur permette de vivre pleinement leur vie. Tout le monde, que ce soit ma mère ou les personnages des livres que je lisais (qui étaient pour moi aussi réels et importants que les vraies personnes), ne cessait de lorgner sur le sort des autres, de l'envier, de vouloir se l'approprier. J'aurais voulu qu'ils s'arrêtent, qu'ils se rendent compte de ce qu'ils possédaient : leur santé, leur force. Je pensais à ce que serait ma vie si j'avais ne fût-ce que la moitié de leur chance. Mais aussitôt je me prenais en flagrant délit de ce dont précisément je les accusais. Malgré ma lucidité, je devinais que la raison de cette lucidité tenait à l'hypocrisie qui au fond gouvernait ma vie.
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